En septembre, c’est facile. Après trois mois de soleil, de chaleur et de farniente. Bon, d’accord, on travaille une grosse partie de l’été, mais on travaille léger. Entre deux terrasses, deux randonnées et deux festivals. On se remplit le dedans de lumière. Notre batterie est chargée d’énergie. Tant et si bien que lorsque la rentrée de septembre arrive, on est prêt. On est d’attaque. On a même hâte. Go ! Go ! Go ! Amenez-en, des projets !

La rentrée de janvier, c’est une tout autre histoire.

Début décembre, on a la batterie dans le rouge. Il nous reste à peine une barre. Notre seul espoir, c’est de nous rendre au congé des Fêtes. Et on s’y rend, de peine et de misère. Les semaines de travail, en décembre, ressemblent à un long fondu au noir, ou, comme on dit en latin, à un long fade out. Le seul dossier qui se règle, à partir du 10 décembre, c’est celui du party de bureau. Les autres, on regardera ça au retour des vacances.

Vacances ? Ai-je bien écrit vacances ? On se fait avoir chaque année. Le congé des Fêtes, c’est tout sauf des vacances. Il n’y a pas une seconde de vacante.

On ne fait que remplacer une liste de tâches par une autre liste de tâches : décorations, cadeaux, courses, bouffe, réceptions, visite des proches, visite de la famille éloignée, activités pour les jeunes, temps passé avec les aînés, pelletage, ménage, surpelletage, surménage.

Je sais, certains fortunés, pour éviter tout ça, partent pour le Sud. C’est pas juste ! Heureusement, les retards dans les vols, les avions mal vissés, les bagages égarés, le mauvais temps et la tourista font qu’ils reviennent aussi fatigués que nous le sommes. La vie est ben faite.

Quoique. Pas besoin d’être touriste pour pogner la tourista. Tu as autant de chances de pogner la gastro à Chibougamau qu’à Mexico. Parce que le temps des Fêtes, c’est le temps défaite. La population est défaite. La population est sur le dos. Il se donne plus de virus que de cadeaux. Dans un party de 20 personnes, tu as 20 chances sur une de pogner de quoi.

Tant et si bien que la rentrée de janvier, c’est plus un naufrage qu’un atterrissage. On n’a encore rien fait qu’on est déjà low bat, ou, si vous préférez, on a la batterie dans l’eau. Et la carte de crédit dans le rouge. Ce qui n’arrange rien.

Vous êtes-vous vu, au bureau, lundi dernier ? Le teint aussi gris que le temps. Vous essayiez d’avoir l’air aussi enjoué que sur votre Facebook, mais le filtre peppé n’existe pas dans la réalité. Vous pensiez repartir à zéro, en cette nouvelle année, mais avec tous les dossiers non réglés de 2023, vous repartez à moins vingt.

Il fait noir le matin. Il fait noir l’après-midi. Il fait noir le soir. Le retour au travail est un long fade in, un long fondu en ouverture. Long comme dans long. Surtout que février comptera 29 jours. Ça veut dire que janvier en comptera soixante. Car février n’est que le prolongement de janvier. On change le nom en pensant que ça paraîtra plus court. Mais c’est la même hivernation.

Ce qu’il y a de plus dur avec la rentrée de janvier, c’est qu’on sait qu’on ne s’en sortira pas avant l’été. Six mois sans répit.

La semaine de relâche ? Le mot relâche, dans semaine de relâche, n’est pas synonyme de repos, de détente, de laisser-aller. C’est relâche comme dans : « On va relâcher les lions dans l’arène du Colisée de Rome ! » Les enfants sont les lions et les parents sont les chrétiens. Heureux ceux qui s’en sortent vivants.

Présentement, on est tous aussi amorphes que le Canadien contre les Sharks de San Jose. Surtout, ne pas vous décourager. Ça va bien aller. Je parle de vous. Pas du Canadien. La torpeur de janvier finit toujours par s’estomper. Tout est une question de vision.

À défaut de soleil, il faut voir la neige comme de la lumière blanche. Comme un réflecteur. Chaque flocon est une bougie servant à recharger notre batterie. Et des chutes de lumière, on n’en manquera pas, ce week-end, et dans les prochaines semaines. Bien sûr, ça risque d’entraîner des pannes d’électricité. Encore là, il faut prendre ça du bon côté. Durant une panne d’Hydro, on est forcés de constater que la seule machine qui fonctionne toujours, c’est nous. On bouge, on avance, on fonce. Rien ne nous arrête. Notre vie tient à un fil, mais pas à celui de l’Hydro. Tant mieux.

Demain, c’est votre deuxième lundi au boulot. Ça va déjà être moins difficile que le premier. Soyez indulgent avec vous-même. Donnez-vous du temps. Nous ne sommes qu’à soixante-cinq jours du printemps.