« Ils sont ici. » Ce sont les derniers mots que Vivian Silver a pu envoyer à son fils par texto.

« Ils », ce sont les hommes armés du Hamas qui ont fait irruption dans sa maison du kibboutz de Be’eri, une petite communauté israélienne qu’ils ont décimée en massacrant des familles entières et en kidnappant des résidants le 7 octobre. Mme Silver, née au Canada, est vraisemblablement parmi les captifs.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Vivian Silver

L’Israélo-Canadienne est aussi en train de devenir un symbole de l’absurdité des terribles attentats de samedi dernier perpétrés par le mouvement islamiste. De leur cécité. Mme Silver, une grand-maman de 74 ans, est une militante pro-paix notoire qui entretient des liens solides avec la société civile palestinienne depuis des décennies.

Trois jours avant l’assaut terroriste, elle était à la tête d’une grande marche pour la paix à Jérusalem rassemblant des centaines de femmes israéliennes et palestiniennes. Coude à coude, elles demandaient le retour des pourparlers de paix et réclamaient la présence de femmes à table.

PHOTO SOUTH FIRST RESPONDERS, FOURNIE PAR REUTERS

Image de caméra de surveillance montrant un combattant du Hamas entrant samedi dans le kibboutz de Be’eri, petite communauté israélienne décimée par le mouvement islamiste palestinien

« Elle fait partie de ceux qui pensent que les habitants de Gaza et les Israéliens doivent développer des relations sur la base de leurs intérêts communs. Des liens économiques, sociaux, basés sur la liberté de tous », m’a dit mardi Gershon Baskin, un autre militant pacifiste israélien bien connu, notamment pour son rôle de médiateur qui a mené à la libération du soldat israélien Gilad Shalit en 2011, après cinq ans de captivité aux mains du Hamas. Il côtoie Mme Silver depuis plus de 30 ans.

« Nous avons des raisons de croire qu’elle est toujours en vie, mais c’est choquant de penser qu’elle a été prise en otage. Parmi les otages, il n’y a pas de doutes qu’elle sera une leader et qu’elle sera une grande source d’espoir pour ceux qui sont avec elle », ajoute-t-il.

M. Baskin n’est pas surpris cependant que les colombes n’aient pas été épargnées par les hommes armés qui ont fait au moins 1200 morts en Israël. « Tous ceux qui se rendent souvent dans les territoires palestiniens, nous savons que nous pouvons être des cibles à tout moment. Le conflit dure depuis tellement longtemps. La vie à Gaza est une bataille sans fin », dit M. Baskin.

Les Gazaouis vivent dans un état de siège. Leurs infrastructures sont détruites. Il y a des pénuries d’eau potable. Ça ne laisse pas beaucoup d’espoir pour convaincre les gens de Gaza de ne pas utiliser la violence pour changer la situation.

Gershon Baskin, militant pacifiste israélien

Il estime que la souffrance des civils à Gaza a commencé bien avant que l’État israélien impose un blocus en 2007. Cette année-là, le Hamas a pris le pouvoir dans la petite enclave où 2,3 millions de Palestiniens vivent aujourd’hui entassés les uns sur les autres. « Soyons honnêtes, ça dure depuis 1948. La plupart des gens à Gaza sont des réfugiés et n’ont pas connu un jour de liberté. Il y a eu un peu d’espoir après les accords d’Oslo [qui préparaient la voie à une réconciliation entre Israéliens et Palestiniens], mais ça a été de courte durée », soutient-il.

Plusieurs organisations internationales de défense des droits dénoncent depuis des années le manque de discernement des mesures mises en place par Israël dans la bande de Gaza, que beaucoup comparent à une prison à ciel ouvert.

Depuis le début de la réplique israélienne dans l’enclave palestinienne après les attaques de samedi, les Nations unies craignent que la situation n’empire et que le « blocus total » annoncé par l’État hébreu ait l’effet d’une punition collective. Qu’il se transforme en représailles ne faisant pas la différence entre les militants armés, les désespérés, les enfants, ceux qui s’opposent au Hamas et ceux qui pensent que les négociations politiques sont la seule issue au conflit qui perdure.

En d’autres termes, que la riposte israélienne soit aussi daltonienne que les attentats du Hamas.

Étonnamment, Gershon Baskin ne perd pas espoir. Même s’il s’attend à des éruptions de violence de part et d’autre. Même s’il croit que la colère va continuer d’aveugler les belligérants pendant un temps.

Au bout de la nuit, dit-il, il n’y a qu’une façon de voir clair. « Quand ce sera fini, Israël devra faire face à la question palestinienne et devra négocier », dit-il.

Espérons que ce jour-là, Vivian Silver sera aux premières loges.