Combien coûte la royauté aux Canadiens ?

Cette question, bien légitime, redevient d’actualité dans le contexte du couronnement du roi Charles III. C’est le cas surtout au Québec, où la monarchie est très impopulaire, c’est le moins qu’on puisse dire.

Essentiellement, les dépenses des Canadiens pour la monarchie se concentrent dans les deux institutions qui la représentent au pays, soit le bureau de la gouverneure générale1 et les cabinets des lieutenants-gouverneurs de chacune des provinces.

Combien nous coûtent ces institutions et qui absorbe les factures ? Ces dépenses sont-elles en croissance ?

Pour la première question, je ne vous ferai pas languir. Selon les plus récents chiffres disponibles, les Canadiens dépensent 47 millions par année pour la monarchie. J’ai calculé ce chiffre en épluchant les états financiers du bureau de la gouverneure générale1, en plus des comptes publics et budgets de dépenses du gouvernement fédéral et des 10 provinces, essentiellement.

Cette somme comprend tout, qu’il s’agisse de la rémunération des 160 employés du bureau de la gouverneure générale, comme des dépenses pour les locaux, pour les déplacements, pour les télécommunications et même pour les retraites des anciens gouverneurs généraux.

Le salaire brut de la gouverneure générale Mary Simon, de 350 355 $ cette année (2023-2024), est évidemment inclus.

Les 47 millions englobent aussi les dépenses de chacun des cabinets des lieutenants-gouverneurs des 10 provinces, dont leur salaire, de 161 600 $ en 2022.

Je dis « tout », mais il faudrait dire « presque tout ». Certains services offerts gratuitement au bureau de la gouverneure générale « ne sont pas comptabilisés à titre de charges de fonctionnement par le Bureau », indiquent les états financiers du Bureau.

Ces services gratuits englobent ceux de la Gendarmerie royale du Canada (sécurité), du ministère de la Défense nationale (logistique et transport), de Patrimoine canadien (visite royale et funérailles nationales) ou d’Affaires mondiales Canada (dignitaires étrangers).

Selon toute vraisemblance, il faudrait ajouter quelques millions de dollars pour tenir compte de cette gratuité…

Mais restons sur les quelque 47 millions (46,6 millions pour être précis), ceux qui sont bien comptabilisés. De cette facture, 33,9 millions sont attribuables au bureau de la gouverneure générale et 12,7 millions aux 10 lieutenants-gouverneurs des provinces.

Qui paie les factures ? Pour l’essentiel, c’est le gouvernement fédéral. En plus d’assumer la totalité du budget du bureau de la gouverneure générale, Ottawa paie les salaires des lieutenants-gouverneurs des provinces, en plus de leur verser des subventions pour les frais engagés dans l’exercice de leurs fonctions. Les retraites des anciens lieutenants-gouverneurs sont aussi acquittées par Ottawa.

Bref, sur les 47 millions, Ottawa en assume 80 %, soit 37,1 millions.

Les provinces paient les 20 % restants, liés au fonctionnement des cabinets des lieutenants-gouverneurs, soit 9,5 millions.

Ce qui est intéressant, à cet égard, c’est que la facture varie sensiblement selon les provinces. C’est l’Ontario qui consacre le plus à cette fonction (2,8 millions), suivi de la Colombie-Britannique (1,4 million) et de la Nouvelle-Écosse (981 320 $), selon les chiffres que j’ai pu obtenir. Le Québec est au 4rang, à 777 700 $.

Le portrait change considérablement quand on ramène ces dépenses monarchiques des provinces par habitant. Le Québec tombe bon dernier, à 9 cents par habitant, loin de l’Alberta (14 cents) ou de l’Ontario (18 cents), mais encore plus loin de la Nouvelle-Écosse (95 cents) ou de la petite Île-du-Prince-Édouard (3,35 $).

Bon dernier à ce chapitre, n’est-ce pas représentatif de notre faible attachement historique au pays colonisateur ?

À Québec, les dépenses du cabinet du lieutenant-gouverneur (777 700 $) se trouvent dans le budget du ministère du Conseil exécutif, soit le ministère du premier ministre, François Legault. Selon le libellé dans le budget des dépenses, ce programme de dépenses « permet au lieutenant-gouverneur du Québec d’assumer les fonctions constitutionnelles, protocolaires et communautaires qui lui sont dévolues par la loi ».

Maintenant, la facture canadienne de la monarchie a-t-elle augmenté ces dernières années ? Pas tant. En fait, la facture est pratiquement stagnante depuis 15 ans, tant à Ottawa qu’à Québec.

Il y a 10 ans, le budget du bureau du gouverneur général était de 33,3 millions de dollars, pratiquement le même montant qu’aujourd’hui (33,9 millions).

Oh, il y a bien eu des budgets plus élevés, comme en 2021 (40,1 millions), mais il englobait notamment une charge non précisée liée aux « réclamations et litiges », vraisemblablement en lien avec le climat toxique qui sévissait sous Julie Payette, tel que confirmé dans un rapport.

Quant au cabinet du lieutenant-gouverneur du Québec, le budget de 777 700 $ accordé par le gouvernement du Québec a augmenté de seulement 3,8 % en 10 ans, pendant que l’inflation grimpait de 26,4 % 2.

Même chose pour les subventions d’Ottawa accordées pour les frais engagés par le lieutenant-gouverneur au Québec, qui stagnent à 147 400 $ depuis l’année financière 2004-2005, il y a 19 ans3.

En fait, seuls les salaires de ces officiers du roi ont augmenté régulièrement au cours de la dernière décennie, en particulier celui du ou de la gouverneure générale, qui avait bénéficié d’un redressement majeur entre les années 2012 et 2014. Le salaire brut est ainsi passé de 134 221 $ en 2012 à 350 355 $ aujourd’hui (2023), auquel il faut ajouter les avantages sociaux.

C’est donc 47 millions que nous coûte notre lien monarchique aujourd’hui, essentiellement. Certains pourraient dire que c’est relativement peu par rapport aux 170 millions de dollars que coûtera le couronnement du roi au Royaume-Uni, comme l’estimait The Guardian. Ou encore en regard du budget fédéral canadien, de 497 milliards de dollars.

C’est oublier que les 47 millions reviennent chaque année depuis 1867 (en tenant compte de l’inflation, bien sûr). Et bon, cette dépense pour le roi, n’est-ce pas de l’argent jeté par les fenêtres ?

1. Ce Bureau s’appelle plus précisément le Bureau du secrétaire du gouverneur général.

2. Essentiellement, le budget du lieutenant-gouverneur du Québec a chuté après le départ de la controversée Lise Thibault, en juin 2007, pour être stagnant depuis.

3. Consultez un rapport spécial du Vérificateur général du Québec