Mercredi dernier, le ministre Christian Dubé a déposé sa réforme pour rendre plus efficace le système de santé au Québec. Des dizaines et des dizaines de conseillers et de hauts fonctionnaires ont bossé avec lui pour pondre ce mode d’emploi.

Ils ne sont pas les premiers cerveaux à monter à l’assaut du mammouth. Avant eux, de nombreux grands esprits ont tenté de régler le problème, avec toute la bonne volonté du monde, toujours en vain.

On souhaite la meilleure des chances à ce nouvel essai.

Mais si jamais cette brique de 300 pages est déchiquetée par la dure machine pas toujours hospitalière, on finira, tôt ou tard, par en venir à cette conclusion : il y a des limites à l’intelligence humaine. À notre capacité à régler l’inréglable. À déplacer des montagnes.

Tant et si bien que, dans huit, douze ou vingt ans, un gouvernement se tournera vers l’intelligence artificielle pour échafauder un plan sans faille.

Pour l’instant, ChatGPT rédige des CV et permet aux étudiants de tricher à leurs examens, mais un jour viendra que ce générateur de textes parviendra à composer des réformes. En santé, en éducation, en environnement.

Partout où la jarnigoine humaine a échoué, l’intelligence artificielle s’attellera à la tâche. Imaginez qu’elle réussisse. Pour notre plus grand bonheur ou notre plus grand malheur ?

Le jour où Big Brother ne sera pas seulement une téléréalité mais une réalité tout court n’est pas si éloigné que ça. De combien d’années George Orwell s’est-il trompé en écrivant 1984 ? De soixante, 2044 ? De cinquante, 2034 ? De quarante, 2024 ? Oups ! Une chose est sûre, c’est là qu’on s’en va. À vitesse grand V, avec de grands risques de dérape.

C’est justement pourquoi plusieurs experts soutiennent qu’on doit arrêter le développement de l’IA, pour se donner le temps de réfléchir à ses conséquences et de mettre en place des balises pour l’encadrer. On craint surtout toute la désinformation qu’elle peut engendrer. Une photo du pape en doudoune a causé tout un émoi. En tout respect pour ceux qui y ont vu l’un des graves dangers de l’intelligence artificielle, les photos trucages existent depuis longtemps. On vient d’atteindre un autre niveau de perfection qui va nous confondre encore plus facilement, mais la véritable menace de l’IA, c’est qu’elle en vienne à nous dire quoi faire.

C’est le rôle de l’intelligence. Le cerveau dictant au corps comment agir. Jusqu’ici, nous nous servions des ordinateurs comme des exécutants. On leur dit ce que nous voulons qu’ils fassent.

L’intelligence artificielle, c’est une autre coche. Notre création grimpe les échelons. L’exécutant va devenir l’exécutif dans pas long.

À quoi sert un gouvernement ? À régler les problèmes provoqués par la vie en société. On élit les gens que l’on croit aptes à trouver les solutions. Une campagne électorale, ce n’est que ça. Les candidats sont des générateurs de réponses à nos questions. On va faire ça pour la santé. On va faire ça pour l’éducation. On va faire ça pour l’économie. On va faire ça pour l’environnement. On va faire ça pour la culture. Selon nos allégeances, on apprécie plus les remèdes à nos maux des uns ou des autres.

Mais un jour, c’est certain, l’intelligence artificielle nous aidera à choisir non seulement la forme de lunettes qui sied le mieux à notre visage, mais aussi le régime qui sied le mieux à nos ambitions.

L’IA est appelée à remplacer les gouvernants. C’est son ultime mission. Depuis que l’humain vit en groupe, il cherche une façon de se gérer. Pas facile. La royauté, la tyrannie, la démocratie sont autant de moyens. La démocratie est de loin le meilleur. Ou le moins mauvais. Il y a encore tellement d’injustices et d’inégalités.

ChatGPT, ou plutôt ChatGVT, pour gouvernement, fera-t-il mieux ?

Il a l’énorme avantage de ne pas avoir d’ego. Il ne fera pas passer ses intérêts avant le bien commun. Il a l’énorme désavantage de ne pas avoir de cœur. Ses directives risquent de faire mal, parfois. Et bien sûr, il n’est pas à l’abri des hackers.

Imaginez le ChatGVTChina qui pousse ses doctrines au ChatGVTCanada, on n’est pas sortis du bois d’érable ou de bambou.

Voilà pourquoi les politiciens ont tout intérêt à légiférer en matière d’intelligence artificielle. Avec plus d’empressement qu’ils légifèrent en matière de réchauffement climatique. Cette fois, ce n’est pas seulement l’existence de la planète qui est en cause, c’est la leur, directement.