Quatre mois après leur déception électorale, les militants de Québec solidaire (QS) cherchaient à comprendre, cette fin de semaine, quel mur ils ont frappé.

Lors du conseil national, au collège Ahuntsic, les questions étaient plus nombreuses que les réponses. Mais au minimum, il y avait un constat clair. Le mur a été localisé : il était dans les régions.

De 2007 à 2018, le parti de gauche a progressé à chaque campagne. Ça s’est arrêté en 2022. QS a perdu 15 000 électeurs et un demi-point de pourcentage du vote populaire.

Consolation, les solidaires ont fait élire un député de plus et pour la première fois, ils ont terminé au deuxième rang pour les votes. C’était toutefois à cause de l’écrasement des libéraux.

Malgré ses misères actuelles, le Parti libéral essaye de se convaincre que l’alternance du pouvoir finira par jouer à nouveau en sa faveur.

Chez QS, le diagnostic est différent. On se demande si le parti a simplement atteint un plateau, ou s’il a découvert sa limite.

L’avenir garde ses mystères. Mais à tout le moins, on sait où il s’écrira pour QS : dans les banlieues et les régions.

En octobre, dans 83 % des circonscriptions rurales, le vote de QS a baissé d’au moins un point de pourcentage. En zones urbaines, c’est le contraire. Une hausse a été observée dans 90 % des circonscriptions.

Cela s’explique entre autres par le fait que les étudiants vivent davantage en ville. Et c’est justement l’autre raison du blocage de QS. Le parti reste surtout celui des jeunes.

Selon le dernier sondage Léger publié avant l’élection, les solidaires dominaient chez les 18-34 ans. Mais chez les 35-54 ans, ils étaient derniers, à égalité statistique avec les péquistes. Et chez les 55 ans et plus, ils étaient aussi derniers, cette fois à égalité avec les conservateurs.

Difficile d’accuser le chef parlementaire Gabriel Nadeau-Dubois. Les sondés jugeaient qu’il avait fait la meilleure campagne après celle de Paul St-Pierre Plamondon.

Selon un rapport interne du parti, la plateforme était rébarbative. Un bon exemple : la taxe sur les actifs nets à partir d’un million de dollars.

Si les inégalités de revenus sont moins grandes au Québec que dans le reste du Canada, c’est le contraire pour les actifs. Le patrimoine du quintile le plus riche est 508 fois plus grand que celui du quintile le plus pauvre.

Encore faut-il trouver la bonne mesure. QS assurait que seulement 6 % de la population serait visée par sa nouvelle taxe. Or, il est évident qu’un étudiant possède peu d’actifs. Il aurait été préférable de se demander quel pourcentage des Québécois atteindront ce niveau quand leur maison sera payée et que leur régime de retraite sera garni.

Difficile de courtiser un couple de sexagénaires de la classe moyenne supérieure quand on le traite d’ultra-riche.

La mesure semble avoir été conçue par des théoriciens habitués à jongler avec des idées et des chiffres, et non par des gens ayant une expérience concrète pour vendre un projet et pour le mettre en application.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé

Durant la tournée régionale qui s’amorce, QS se fera sans doute parler d’autres aspects de sa plateforme, comme la fin du monopole syndical de l’Union des producteurs agricoles (UPA). C’est plus populaire à Rosemont qu’à Saint-Hyacinthe…

QS change. Dans les dernières années, le profil de ses candidats s’est diversifié. On voit soudainement apparaître des médecins, des maires et des comptables.

Des éléments du programme – les objectifs à long terme – n’ont pas été retenus dans la plateforme électorale. Par exemple, en 2022, QS ne proposait pas de désarmer la police. Aussi, puisque le transport collectif est sous-financé, on recommandait la réduction des tarifs, et non la gratuité. La nationalisation des mines était également mise de côté.

Chaque fois, des militants ont rouspété. Mais ces décisions ont fait l’objet d’un vote.

Autre source de tensions : la parité. Le caucus solidaire compte sept hommes et quatre femmes. Ça paraît mal pour un parti féministe. Mais quand le nombre d’élus est petit, il en faut peu pour que les pourcentages varient. Si Émilise Lessard-Therrien avait gardé son siège dans Rouyn-Noranda–Témiscamingue et si Catherine Dorion avait brigué un autre mandat, la parité aurait été atteinte.

Contrairement à la Coalition avenir Québec, ce sont les membres du parti qui choisissent les candidats, et 70 des 125 étaient des femmes. Samedi, une intervenante a réclamé au micro des mesures « préventives » et « réparatrices », mais il est difficile d’anticiper le choix des électeurs ou de revenir sur le résultat d’une élection.

Preuve de cet équilibre précaire : le parti a adopté une résolution floue qui autorise le parti à intervenir pour favoriser les femmes, sans dire comment.

Malgré tout, la parité serait l’enjeu le plus facile à régler pour la prochaine campagne. Le cœur du défi reste la conquête des régions et des électeurs plus âgés.

Le débat à venir consiste à savoir jusqu’où le parti est prêt à aller pour élargir son électorat sans perdre sa base militante. Pour faire avancer ses idées au-delà des feuilles de papier.

Rectificatif : une version précédente de cette chronique affirmait que le programme de Québec solidaire vise à définancer la police. Il propose plutôt de désarmer la police. Les agents seraient munis d’une arme non létale, sauf pour certaines exceptions qui ne sont pas précisées.