(Québec) Pas moins de sept Québécois sur dix appuient l’instauration d’une majorité numérique à 16 ans pour ouvrir un compte sur TikTok, Instagram et autres réseaux sociaux, révèle un sondage SOM réalisé pour La Presse. Le sujet sera au centre des débats du conseil général de la Coalition avenir Québec (CAQ) samedi, son premier rendez-vous militant depuis que le Parti québécois (PQ) l’a détrônée dans les intentions de vote.

Les Québécois sont plus divisés quant à l’interdiction du cellulaire partout dans les écoles. Si 56 % des répondants appuient cette mesure envisagée par le gouvernement Legault, il existe un fossé générationnel important, d’après le coup de sonde.

La Commission de la relève de la CAQ s’inquiète des risques des Facebook et Snapchat de ce monde pour la santé mentale et la sécurité des jeunes. Elle propose de fixer à 16 ans l’âge minimal pour ouvrir un compte sur un réseau social. Il faut « l’appliquer rigoureusement, notamment à l’aide de technologies déjà employées par les géants du web », précise sa présidente, Aurélie Diep.

Selon elle, « il est temps de traiter les médias sociaux pour ce qu’ils sont : des produits addictifs, au même titre que l’alcool, le cannabis et les jeux de hasard ». Les caquistes trancheront la question lors du conseil général samedi.

Le premier ministre François Legault avait rejeté cette idée d’une majorité numérique lorsque le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon l’avait suggérée au début du mois. Sa position semble avoir changé : la semaine dernière, il a relayé sur les réseaux sociaux une lettre ouverte d’Aurélie Diep faisant la promotion de la majorité numérique.

Le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a affirmé que le gouvernement allait « étudier sérieusement » cette idée, tout en soulignant que sa « faisabilité » représente un « enjeu ». Au Salon bleu jeudi, les députés caquistes ont cependant refusé de donner leur consentement pour débattre d’une motion du PQ demandant « que l’Assemblée nationale reconnaisse la nécessité et la pertinence d’instaurer une majorité numérique ».

Selon l’étude de SOM, 71 % des 1218 adultes québécois sondés se disent « pour l’instauration d’une majorité numérique à 16 ans pour l’ouverture d’un compte sur les réseaux sociaux » ; 22 % sont contre et 7 % ne savent pas ou préfèrent ne pas répondre.

L’appui chute toutefois à 56 % chez les 18-24 ans. Il est au-delà de 68 % dans tous les autres groupes d’âge ; et même de 78 % chez les 55-64 ans.

Les parents d’enfants de moins de 18 ans sont favorables à cette mesure à hauteur de 68 %.

La Floride a adopté récemment une loi qui interdit aux moins de 14 ans d’ouvrir un compte sur un réseau social. La France a instauré l’an dernier une majorité numérique à 15 ans ; les moins de 15 ans ne peuvent ouvrir un compte sur un réseau social qu’avec l’accord d’un parent.

Le cellulaire à l’école

Depuis le 1er janvier, le cellulaire est interdit dans les salles de classe au primaire et au secondaire. Le gouvernement envisage d’aller plus loin et de le bannir partout dans les écoles, comme l’a déclaré le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

D’après le sondage SOM, 56 % des Québécois croient que le gouvernement doit adopter cette mesure ; 41 % s’opposent à l’idée et 3 % ne savent pas ou préfèrent ne pas répondre.

Or les parents d’enfants des moins de 18 ans sont contre une telle interdiction par une très courte majorité de 51 % (46 % sont pour).

Les résultats diffèrent considérablement selon le groupe d’âge. Pas moins de 74 % des 18-24 ans sont dans le camp du Non. L’opposition s’élève à 55 % chez les 25-34 ans. Les 35-44 ans sont très divisés (49 % contre et 46 % pour).

L’interdiction du cellulaire partout à l’école reçoit la bénédiction des plus âgés : 58 % chez les 45-54 ans, 69 % chez les 55-64 ans et 71 % chez les 65 ans ou plus.

Exercice expéditif

Au menu du conseil général de la CAQ, une proposition des jeunes caquistes demande « d’encadrer l’utilisation et le temps d’usage quotidien des écrans dans les écoles afin que celle-ci soit de nature strictement pédagogique ». Ils constatent que « malgré l’interdiction récente des cellulaires en classe […] les élèves se servent toujours de ces derniers dans les aires communes, ainsi que de leurs tablettes et de leurs ordinateurs en classe ». Et c’est sans compter les tableaux interactifs.

Résultat : « les écrans sont de plus en plus omniprésents dans les écoles ». C’est un frein à la socialisation des jeunes, une source de distraction et une nuisance à la concentration, ajoute-t-on.

Sur le thème de l’univers numérique, le conseil général de la CAQ sera expéditif. Il sera d’une journée seulement, alors que ce genre de rendez-vous se tient d’habitude sur deux jours. Les militants débattront pendant deux petites heures, selon l’ordre du jour. Quatre heures sont réservées à des discours et à des conférences avec des experts.

Si le conseil général est plus court, c’est parce que cela convenait aux militants et non pour des raisons financières, dit-on à la CAQ.

Accusé en début d’année de monnayer l’accès à ses ministres, François Legault a annoncé le 1er février que son parti renonçait aux dons politiques, ce qui le prive de près d’un million de dollars par année.

La directrice générale Brigitte Legault souligne que la fin du financement populaire à la CAQ est en vigueur « jusqu’à nouvel ordre ». Elle rappelle que M. Legault disait que cette décision serait en vigueur « d’ici à ce que l’on trouve peut-être des solutions » avec l’opposition pour revoir les règles sur le financement des partis. Or tous les autres partis ont rejeté son invitation.

Pour décider de la suite des choses, la CAQ attend les conclusions de la commissaire à l’éthique et à la déontologie, MAriane Mignolet, au sujet d’enquêtes sur deux députés caquistes, en particulier celle sur Louis-Charles Thouin déclenchée le 29 janvier. Il a fait miroiter à des maires l’accès à un ministre en échange d’une contribution à la CAQ. Le parti pourrait reprendre la collecte de dons politiques en fonction de recommandations que lui ferait la commissaire.

On ignore à quel moment les conclusions de MMignolet seront déposées à l’Assemblée nationale. Elle est absente pour une durée indéterminée en raison d’ennuis de santé.

Grâce à ses résultats aux élections générales de 2022, la CAQ reçoit un financement important de l’État ; près de cinq millions de dollars par année, largement plus que les autres partis.

Plus de 600 personnes sont attendues au conseil général, à Saint-Hyacinthe. C’est la première fois que les militants se réunissent depuis la chute brutale de leur parti dans les intentions de vote survenue l’automne dernier. Il y a un an, la CAQ caracolait en tête des sondages et François Legault obtenait un vote de confiance de 98,61 % des militants réunis en conseil général.

Le premier ministre se contentera d’accorder une mêlée de presse au début du conseil général samedi, un exercice plus court que la conférence de presse d’usage pour ce genre d’évènement. C’est en droite ligne avec sa décision prise en début d’année, après son annus horribilis de 2023 : réduire ses sorties médiatiques.

Un nouveau rendez-vous

Ce sera un nouveau rendez-vous dans La Presse. Le carnet des collines présentera les résultats d’un sondage de la firme SOM tous les samedis lors des semaines de travaux à l’Assemblée nationale et à la Chambre des communes. À lire dès la semaine prochaine.

Méthodologie du sondage

L’étude a été réalisée en ligne du 17 au 22 mai auprès d’un échantillon de 1218 adultes québécois inscrits au panel d’internautes de SOM. Les résultats ont été pondérés de manière à refléter les principales caractéristiques sociodémographiques des adultes québécois. La marge d’erreur maximale est de 3,5 %, 19 fois sur 20.