À quelques jours de la date prévue de son expulsion vers le Nigeria, l’aîné de la famille Adegboye demandait sans cesse à sa maman : « Est-ce qu’on va rester au Canada ? »

Ce qu’il faut savoir

La préposée aux bénéficiaires Deborah Adegboye et sa famille risquaient d’être expulsées vers le Nigeria le 5 avril.

La Presse a raconté l’histoire du couple d’« anges gardiens » le 21 mars.

Des députés ainsi que des organismes communautaires ont tenu une conférence de presse le 29 mars devant les bureaux montréalais du ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, pour presser le gouvernement Trudeau de suspendre d’urgence le renvoi.

La famille a obtenu un permis de séjour temporaire mardi. Son renvoi vers le Nigeria est annulé.

Le garçon de 8 ans était si inquiet qu’il en faisait des cauchemars. Sa mère lui répétait de ne pas s’en faire, même si elle était elle-même rongée par l’inquiétude.

Mardi, à trois jours de leur expulsion prévue, la préposée aux bénéficiaires Deborah Adegboye et sa famille ont reçu la nouvelle tant espérée : tout le monde pourra rester au pays.

« Nous sommes tellement heureux et soulagés », a lancé la mère de famille à La Presse peu de temps après avoir reçu la nouvelle de son avocate en début d’après-midi, mardi.

Il était minuit moins une pour la famille Adegboye. La préposée aux bénéficiaires, son mari et leurs trois enfants étaient convoqués dès le lendemain (ce mercredi) à l’Agence des services frontaliers du Canada pour régler les derniers détails de l’expulsion prévue le 5 avril.

« Mes enfants sautent partout dans l’appartement tellement ils sont excités », décrit la maman, soulagée.

La famille d’« anges gardiens » a obtenu un permis de séjour temporaire. Son renvoi vers le Nigeria est annulé.

Il y a deux semaines, La Presse rapportait que des patients et des amis se mobilisaient pour qu’une famille d’« anges gardiens » originaire du Nigeria puisse demeurer au pays.

Son histoire a ému de nombreux Québécois. Une campagne de sociofinancement lancée au même moment a permis d’amasser plus de 15 000 $, somme qui permettra à la famille de rembourser les frais juridiques liés à ses démarches de contestation de l’ordre de renvoi.

« Victoire pour toute la famille de Deborah Adegboye, préposée aux bénéficiaires du Nigeria, et pour ses patients du Québec évidemment : ils viennent d’obtenir un permis de séjour temporaire et leur renvoi est annulé ! Ça fait suite à notre mobilisation ! Bravo à toutes et tous ! », s’est réjoui le député de Québec solidaire Guillaume Cliche-Rivard, porte-parole de la seconde opposition en matière d’immigration, sur le réseau social X mardi.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandre Boulerice (Nouveau Parti démocratique, au centre) et Guillaume Cliche-Rivard (Québec solidaire, au micro) étaient parmi les députés présents au rassemblement organisé en soutien à Deborah Adegboye (à gauche) et sa famille.

Des députés provinciaux et fédéraux ainsi que des organismes communautaires ont uni leurs voix pour presser le gouvernement Trudeau de suspendre d’urgence le renvoi de la préposée aux bénéficiaires et de sa famille. Ils ont tenu une conférence de presse vendredi dernier devant les bureaux montréalais du ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller.

Menaces religieuses

Mme Adegboye, qui assure des soins à domicile à titre de préposée engagée par le CLSC de Pierrefonds, est entrée au Canada par le chemin Roxham en 2017, avec son conjoint et leur premier enfant, avec l’objectif de demander l’asile. Sa famille fuyait ainsi des menaces religieuses subies au Nigeria. Les deux plus jeunes enfants du couple sont nés ici.

Le mari de Mme Adegboye est chrétien. Or, sa famille désapprouve cette religion, le pressant plutôt de devenir prêtre en chef d’un culte. Son frère est mort à la suite d’un rite de ce culte obscur. Il a alors été désigné pour prendre la relève.

Or, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leur demande d’asile en 2020 parce qu’elle entretenait des doutes sur la réalité de la persécution rapportée.

« Ils ne vont jamais regretter de nous avoir dans la communauté », assure Mme Adegboye, en faisant référence aux autorités fédérales. Ses trois enfants, âgés de 3, 7 et 8 ans, vont à la garderie et à l’école en français, tandis que son mari et elle suivent des cours de francisation.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

L’histoire de la famille a ému de nombreux Québécois qui ont notamment lancé une campagne de sociofinancement qui a permis d’amasser plus de 15 000 $.

Dès ce mercredi, bien qu’elle planifie de prendre quelques jours de congé, la mère de famille prévoyait rendre visite à plusieurs de ses clients handicapés pour leur annoncer en personne la nouvelle.

Le cabinet du ministre Marc Miller a indiqué à La Presse par courriel qu’« en raison de la législation sur la protection de la vie privée », il « ne pouvait pas faire de commentaires sur des cas individuels ».

Du côté du Collectif Bienvenue, un organisme d’aide aux réfugiés montréalais, on se réjouit pour la famille de ces « anges gardiens ». Par contre, « nous continuons d’être inquiets pour d’autres familles qui sont dans des situations similaires, mais dont les cas n’ont pas été portés à l’attention du grand public », indique Maryse Poisson, directrice des initiatives sociales au Collectif.