(Québec) Le gouvernement Legault a l’intention d’éponger environ 70 % du déficit « conjoncturel » des sociétés de transport du Grand Montréal, estimé à 284 millions pour 2025, selon l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), a appris La Presse. Une aide avoisinant les 200 millions serait ainsi sur la table lors de la rencontre entre la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, et les maires, ce lundi.

L’ARTM réclame le double : 421 millions, selon une missive envoyée au ministre des Finances, Eric Girard. Elle fait planer notamment une réduction des services si sa demande n’est pas exaucée.

À la veille des pourparlers, une guerre de chiffres se joue en coulisses. Elle n’est pas sans rappeler celle qui avait opposé les mêmes protagonistes l’an dernier au sujet du trou financier des sociétés de transport pour 2024.

Le parallèle est encore plus frappant lorsque l’on constate que le gouvernement avait alors décidé d’essuyer 70 % du manque à gagner. Il entend appliquer la même recette cette année, selon nos informations.

Québec veut offrir une aide uniquement pour la part du déficit des sociétés de transport attribuable à la pandémie de COVID-19. C’est ce qu’il appelle le déficit « conjoncturel », celui résultant de la baisse de l’achalandage et entraînant une chute des revenus tarifaires des sociétés de transport. Le gouvernement considère qu’il a une responsabilité à jouer pour le résorber.

Ce déficit « conjoncturel » est à distinguer du déficit « structurel », dont la responsabilité relève uniquement des sociétés de transport, selon le gouvernement. Elles doivent entre autres faire le ménage dans leurs dépenses pour l’éliminer, plaide-t-il.

Dans le Grand Montréal, le déficit d’exploitation total s’élève à 561 millions, calcule l’ARTM. C’est le manque à gagner des sociétés de transport de Montréal, de Laval, de Longueuil et d’exo (qui exploite les trains de banlieue).

L’ARTM estime qu’environ la moitié de cette somme, soit 284 millions, représente un déficit « conjoncturel ». C’est celui pour lequel le gouvernement entend verser une aide représentant environ 70 %, donc quelque 200 millions de dollars.

Au cabinet de la ministre Geneviève Guilbault, on se limite à signaler dans une déclaration écrite que la « logique » du gouvernement depuis la pandémie est de « combler une partie des pertes tarifaires dues à la baisse d’achalandage dans le transport collectif ». « C’est encore ce qui guide notre raisonnement », peut-on également y lire.

Dans un mémoire soumis en février au ministre Eric Girard, avant le dépôt du budget, l’ARTM a chiffré sa demande : 421 millions de dollars.

L’an dernier, Québec avait versé une aide de 238 millions aux sociétés de transport du Grand Montréal. Il estimait leur déficit à 337,9 millions – l’ARTM lui reprochait de ne pas tenir compte de l’ensemble du manque à gagner de 532 millions.

Réduire les services, hausser les tarifs

Afin d’effacer son déficit total de 561 millions pour 2025, l’ARTM jongle avec différents scénarios en plus de demander l’aide du gouvernement : augmenter les tarifs, les taxes municipales ou les droits d’immatriculation. Des réductions de services sont également envisagées. Plus l’aide gouvernementale sera importante, moins les choix seront douloureux.

L’ARTM a lancé en 2023 des travaux pour « optimiser les ressources » afin de réduire les dépenses. Certains services pourraient être mutualisés entre les sociétés de transport.

De son côté, la ministre Guilbault a demandé un audit indépendant de la performance des sociétés de transport – un contrat de 835 750 $ accordé à la firme Raymond Chabot Grant Thornton & Cie en févier. Il pourrait y avoir des pistes de solution pour régler leurs ennuis financiers. Les résultats de cet audit sont attendus en septembre.

« Quêteux »

La rencontre de ce lundi entre Geneviève Guilbault et les maires responsables des sociétés de transport du Québec a lieu au moment où les relations sont tendues.

La ministre a soulevé la colère des maires, dont Valérie Plante de Montréal, en déclarant que « gérer le transport collectif et les sociétés de transport […] n’est pas une mission de l’État ». Le maire de Québec, Bruno Marchand, a lâché qu’il n’avait plus confiance en elle.

Le premier ministre François Legault a jeté de l’huile sur le feu par la suite : pour les maires, « c’est toujours plus facile de quêter à Québec que […] de faire le ménage dans leurs dépenses », a-t-il assené. Le maire de Lévis, Gilles Lehouillier, lui a retourné la critique en qualifiant son gouvernement de « quêteux » vis-à-vis d’Ottawa.

Les six sociétés de transport qui se trouvent hors du Grand Montréal (Québec, Lévis, Gatineau, Trois-Rivières, Saguenay et Sherbrooke) ont un déficit d’exploitation anticipé totalisant un peu plus de 60 millions pour 2025.

La semaine s’annonce chargée pour Geneviève Guilbault. Elle doit également déposer son projet de loi pour créer une agence des transports, Mobilité Infra Québec, chargée principalement de gérer les projets de transport collectif.