Tout est prêt pour le premier vol habité de la capsule Starliner de Boeing lundi soir. Un succès pourrait redorer le blason du géant aérospatial dont les avions de ligne ont connu leur lot de problèmes depuis cinq ans.

« Nous avons déplacé la capsule Dragon d’un sas à un autre sur la Station spatiale internationale (SSI), pour faire de la place pour Starliner », a dit Steve Stich, directeur du programme des vols habités commerciaux de la NASA, lors d’une conférence de presse vendredi. La météo avait alors 95 % de chances d’être favorable au lancement, qui est prévu à 22 h 34.

Si tout se déroule comme prévu, les astronautes Butch Wilmore et Suni Williams – tous deux pilotes de la Marine américaine – prendront le chemin de la Station spatiale internationale à bord de la capsule.

PHOTO JOE SKIPPER, ARCHIVES REUTERS

Les astronautes Suni Williams et Butch Wilmore

L’astronaute canadien Joshua Kutryk supervisera la mission depuis Houston. En cas de succès, Starliner amènera M. Kutryk au début de 2025 vers une mission de six mois sur la SSI.

Starliner a certains avantages par rapport à Dragon de SpaceX, qui a fait une douzaine de vols vers la SSI depuis 2020, selon M. Kutryk.

« Elle atterrit sur la terre ferme plutôt que dans la mer », dit le pilote d’essai albertain en entrevue avec La Presse. « Si on ramène des expériences scientifiques qui doivent arriver rapidement dans un laboratoire, c’est précieux. »

PHOTO KEVIN M. COX, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le 1er avril dernier, Joshua Kutryk a effectué le lancer protocolaire lors d’un match opposant les Blue Jays de Toronto aux... Astros de Houston !

Une autre différence est une série de contrôles manuels qui rendent Starliner plus polyvalente en orbite. « On a tous les contrôles automatiques pour les opérations normales, mais si nécessaire, on a des modes manuels pour contrôler le véhicule. En situation d’urgence extrême, et pour des applications futures imprévues en orbite, ça peut être utile. »

M. Kutryk a lui-même tiré profit de ces capacités pour l’une des dernières simulations avant le vol, en avril. « On a simulé un problème qui forçait le retour sur Terre après neuf ou dix minutes de vol, avant d’arriver en orbite. On avait perdu complètement tous les systèmes de puissance et électroniques, et les ordinateurs. Ce n’est pas réaliste. Mais dans la simulation, il a été possible d’amerrir près de l’Irlande sans problème, juste à côté de l’endroit choisi. »

Le lancement de Starliner a comme trame de fond une rivalité spatiale sino-américaine. La station spatiale Tiangong (palais céleste) est occupée depuis 2021, avec un septième équipage qui vient d’arriver fin avril. Et vendredi, une deuxième mission lunaire chinoise qui ramènera des échantillons lunaires, Chang’e 6 (déesse lunaire), a décollé.

Starliner est allée deux fois dans l’espace sans astronaute, en 2019 et en 2022. Mais une série de problèmes a retardé ce premier vol habité. Il y a eu notamment des problèmes avec les parachutes et avec un matériau inflammable recouvrant certains fils. À la dernière minute, l’hiver dernier, une valve d’oxygène a dû être remplacée.

PHOTO STEVE NESIUS, ARCHIVES REUTERS

Le deuxième décollage de la capsule Starliner (inhabitée), le 19 mai 2022

« Ce sont des questions de marge de sécurité, dit M. Kutryk. Pour la certification des parachutes, par exemple, il faut prévoir une utilisation au-dessus de ce qui va se passer réellement. »

Compétition SpaceX-Boeing

La capsule de Boeing était en concurrence avec le Dragon de SpaceX quand la NASA a attribué en 2014 aux deux entreprises des contrats d’une valeur totale de plus de 7 milliards US pour développer des moyens de transport pour ses astronautes. Après la mise à la retraite de la navette spatiale en 2011, la NASA dépendait des capsules russes Soyouz pour se rendre à la SSI.

Dragon avait une longueur d’avance parce qu’une version cargo se rendait à la SSI depuis 2010.

Le suspense a duré jusqu’en mai 2020, quand SpaceX a réussi son premier vol habité. Boeing a failli franchir le fil d’arrivée en premier, mais a connu des problèmes d’horloge lors de son test inhabité en décembre 2019. La compagnie venait de voir ses 737 MAX cloués au sol après deux écrasements. Dernièrement, d’autres 737 de Boeing ont eu des problèmes, perdant notamment une porte en plein vol.

Les problèmes de Starliner sont régulièrement juxtaposés à ceux des avions de ligne de Boeing. Lors de la conférence de presse vendredi, le grand patron de la NASA, Bill Nelson, a admis avoir eu des doutes.

PHOTO MIGUEL J. RODRIGUEZ CARRILLO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Bill Nelson, administrateur de la NASA

« J’ai posé des questions à [Dave] Calhoun [le grand patron de Boeing]. Il m’a présenté le nouveau patron de sa division Défense et Espace et m’a dit : “C’est le bon gars.” J’ai pu constater que c’était vrai. »

Nommé en 2022, le patron de la division Défense et Espace de Boeing, Theodore Colbert III, est un ingénieur et un vétéran de Boeing.

Regardez le déplacement de la capsule Dragon entre deux sas de la SSI (en anglais)
En savoir plus
  • 150 milliards US
    Coût de construction et d’exploitation de la SSI jusqu’en 2010
    Source : Space Review
    1 milliard US
    Coût de déorbitage de la SSI
    Source : NASA
  • 4 milliards US
    Coût annuel d’exploitation des secteurs non russes de la SSI
    Source : NASA
    2,3 %
    Participation canadienne à la SSI
    Source : AGENCE Spatiale canadienne