Refoulement d’égout, infiltrations d’eau, moisissures, fils électriques qui pendent des plafonds : la Ville de Montréal dépensera plus de 50 millions de dollars sur 10 ans pour rénover les locaux du Groupe tactique d’intervention (GTI) du SPVM, a appris La Presse. Mais ce plan ne satisfait pas la Fraternité des policiers et policières et les membres de cette unité d’élite, qui menacent d’exercer un droit de refus et craignent une rupture de service.

L’état déplorable des locaux du GTI a été exposé au grand jour il y a deux semaines lorsque la coroner Géhane Kamel a recommandé une « intervention majeure » dans un rapport sur l’équipée mortelle d’Abdullah Shaikh, qui a tué trois personnes à Montréal et à Laval en août 2022 alors qu’il faisait l’objet d’un mandat de la Commission d’examen des troubles mentaux1.

  • Le bâtiment de la rue Hochelaga où se trouvent les locaux du Groupe tactique d’intervention du Service de police de la Ville de Montréal

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Le bâtiment de la rue Hochelaga où se trouvent les locaux du Groupe tactique d’intervention du Service de police de la Ville de Montréal

  • Vestiaire des membres du Groupe tactique d’intervention du Service de police de la Ville de Montréal

    PHOTO TIRÉE DU RAPPORT DE LA CORONER

    Vestiaire des membres du Groupe tactique d’intervention du Service de police de la Ville de Montréal

  • Des infiltrations d’eau ont laissé leurs marques sur les plafonds des locaux.

    PHOTO TIRÉE DU RAPPORT DE LA CORONER

    Des infiltrations d’eau ont laissé leurs marques sur les plafonds des locaux.

  • Des fils électriques pendent du plafond.

    PHOTO TIRÉE DU RAPPORT DE LA CORONER

    Des fils électriques pendent du plafond.

  • Vue de l’entrée des douches des locaux du Groupe tactique d’intervention du SPVM

    PHOTO TIRÉE DU RAPPORT DE LA CORONER

    Vue de l’entrée des douches des locaux du Groupe tactique d’intervention du SPVM

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Questionnée par La Presse à ce sujet, la Ville annonce l’adoption d’un plan de plus de 50 millions sur 10 ans pour rénover le quartier général du GTI, rue Hochelaga dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, mais ses membres ainsi que la Fraternité des policiers et policières de Montréal désapprouvent la stratégie de l’employeur.

« Nous sommes sur le point d’exercer un droit de refus en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail », menace le président de la Fraternité, Yves Francœur.

Travaux en cinq phases

Selon nos informations, les plans et devis pour l’ensemble des travaux seront réalisés cette année et les appels d’offres seront lancés au début de l’an prochain pour que les travaux puissent débuter en juin 2025.

Cinq phases sont prévues et la plus importante, qui devrait coûter 13 millions selon les prévisions, débutera cette année et s’échelonnera jusqu’en 2028.

Durant cette phase, on devrait notamment procéder à l’aménagement d’un poste de quartier attenant aux locaux du Groupe tactique d’intervention, creuser, refaire en partie et imperméabiliser les fondations, mettre aux normes les installations électromécaniques, aménager le garage du GTI, réaménager le stationnement, décontaminer le sol, refaire une entrée et réparer des marquises.

Durant les phases subséquentes, qui se dérouleront de 2027 à 2033, la toiture et l’enveloppe extérieure du bâtiment ainsi que le système d’eau pluviale seront refaits. Enfin, d’autres garages et les locaux restants seront réaménagés.

Montant total de la facture : plus de 50 millions, peut-être même autour de 60 millions.

Déménagement réclamé

Mais il y a deux hics aux yeux de la Fraternité des policiers et policières : la durée des travaux et le fait que les membres du GTI et les agents motards devront rester dans les locaux durant tout ce temps, un non-sens selon M. Francœur.

« Les locaux sont inappropriés, même insalubres et non sécuritaires pour les gens qui y travaillent. On réclame un plan de match plus rapide que sur les 10 prochaines années. On réclame que nos gens soient installés ailleurs si le choix de l’endroit demeure la rue Hochelaga. On pense, pour y être allé à de nombreuses reprises, que l’endroit n’est pas idéal, même avec des travaux majeurs, surtout pas sur 10 ans », affirme le président de la Fraternité.

En 2022, les membres du Groupe tactique d’intervention du SPVM ont effectué 640 sorties, ce qui représente une moyenne de 1,75 par jour.

Ils craignent de se retrouver en situation de rupture de service en demeurant dans des locaux pendant que des travaux majeurs y sont réalisés.

Alors que leurs locaux abritent des explosifs, des armes à feu, des munitions et d’autres produits dangereux, les membres du GTI estiment qu’ils ne sont plus à leur place dans un quartier résidentiel.

Ils préconisent un déménagement, et l’un des sites qu’ils envisagent est un centre de formation où ils s’entraînent, dans un secteur industriel de l’arrondissement d’Anjou, à l’est de l’autoroute 25 et au nord de l’autoroute 40.

Alertés il y a plus de 10 ans

Selon M. Francœur, cela fait plus de 10 ans que le problème a été signalé à la Ville et à la direction du SPVM.

La Ville a en mains des rapports d’experts qui révèlent également la présence d’amiante et de particules dans les conduits d’aération.

PHOTO TIRÉE D’UN RAPPORT D’EXPERT OBTENU PAR LA PRESSE

Particules et poussière ont envahi les conduits d’aération des locaux du Groupe tactique d’intervention.

Les vestiaires sont attenants aux garages où se trouvent des produits chimiques et des explosifs. L’endroit est mal sécurisé, ajoute M. Francœur.

À la Ville, on nous dit qu’il n’est pas possible d’effectuer les travaux plus rapidement, en raison notamment de la présence des agents motards et des membres du GTI dans le bâtiment, et des enjeux de confidentialité des interventions.

La présence de substances contaminées, d’amiante et de plomb dans le bâtiment et le sol, et de veines d’eau près de la dalle du sous-sol, compliquerait également les travaux.

PHOTO TIRÉE D’UN RAPPORT D’EXPERT OBTENU PAR LA PRESSE

De la moisissure est visible sur ce morceau de gypse découpé par les employés d’une firme d’experts.

Des ventilateurs et des déshumidificateurs ont été installés pour rendre l’endroit plus vivable.

« Actuellement, ils font du rapiéçage. Ça n’a aucun sens. Au Service de police de la Ville de Québec, même s’ils sont de niveau 4 et nous de niveau 5, ils ont des locaux beaucoup plus appropriés », dénonce M. Francœur.

« Nous avons un comité paritaire en santé-sécurité au travail et à la suite de la publication du rapport de la coroner Kamel il y a deux semaines, j’ai demandé d’urgence de mettre les locaux du GTI à l’ordre du jour de la prochaine réunion », conclut le chef syndical.

1. Lisez « Les locaux du GTI du SPVM : des lieux vétustes qui nécessitent des interventions majeures, dit une coroner »

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.