Icor, le robot démineur du SPVM, accuse le coup de son âge. L’appareil a de plus en plus de difficulté à monter les marches, a désormais besoin d’assistance pour accomplir certaines tâches, présente des problèmes de vision avec sa caméra défaillante et a une autonomie limitée due à la faiblesse de ses batteries.

C’est le dur constat auquel arrivent la Fraternité des policiers et les membres du Groupe tactique d’intervention (GTI) du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui réclament l’acquisition d’un nouveau robot.

Les membres du GTI craignent pour leur sécurité et celle de la population, et menacent d’exercer un droit de refus.

« L’état de dégradation et d’obsolescence du robot démineur met en danger la sécurité des policiers ainsi que celle du public. [Il] met aussi en péril les obligations du SPVM à titre de corps de police municipal devant offrir un service de niveau 5 qui comprend un service de soutien en matière de désamorçage et manipulation d’explosifs », peut-on lire dans un avis de la Fraternité daté du 13 février dernier à l’attention du Comité général de coordination en santé et sécurité au travail, dont La Presse a obtenu copie.

Le robot démineur du SPVM, un MK3 Caliber, a été construit en 2010 par l’entreprise canadienne Icor Technology. Surnommé simplement Icor par les membres du GTI, il en est à sa 14e année d’existence alors que sa durée de vie utile devrait être de sept à dix ans, selon son fabricant.

En 2020, le robot a commencé à montrer des signes de fatigue : son système de traction et de chenilles s’est affaibli, si bien qu’il a commencé à avoir de la difficulté à monter les marches, son bras d’armement a été endommagé et ses batteries ont dû être remplacées. En mars 2021, alors que la garantie de cinq ans était échue, il a été réparé au coût de 17 000 $.

Mais l’entreprise Icor Technology a ensuite prévenu le SPVM que plusieurs pièces ne sont plus fabriquées et qu’elle ne peut plus garantir un niveau élevé de soutien technique pour un équipement construit il y a plus de dix ans.

Du sable dans l’engrenage

Selon un rapport du GTI obtenu par La Presse, en février 2023, une grenade a été découverte dans un sac de golf à l’aéroport Trudeau. Le robot démineur a été envoyé, mais alors qu’il se dirigeait vers l’équipement sportif miné, la communication entre l’opérateur et l’engin téléguidé s’est interrompue. Le policier l’a réactivée, mais elle a cessé de nouveau.

« Lors de nos exercices dans les escaliers du REM, nous remarquions que celui-ci [le robot] commençait, après 2-3 marches, à s’incliner au lieu de monter en ligne droite. Sans la supervision directe de quelqu’un qui le replaçait (ce qui ne serait évidemment pas le cas lors d’une intervention réelle), le robot aurait fini chaque fois par débouler les marches. [….] Nous constatons d’ailleurs qu’il parvient maintenant avec beaucoup de misère à remonter la rampe lui permettant de retourner dans notre camion », peut-on aussi lire dans le rapport.

Le levier de contrôle qui fonctionne moins bien risque d’engendrer des erreurs dans des moments critiques lorsque le robot opère à proximité d’un colis suspect. Une volonté de faire bouger le robot délicatement peut se traduire par un geste brusque de celui-ci, ce qui n’est jamais souhaitable dans ce contexte.

Extrait du rapport

« En certaines circonstances, les policiers du GTI ont même dû se rapprocher physiquement d’un colis suspect pour dépanner le robot démineur qui était tombé en panne ou qui avait chaviré », écrit pour sa part la Fraternité des policiers, qui demande à ce que la question du remplacement du robot démineur soit à l’ordre du jour de la prochaine rencontre du Comité général de coordination en santé et sécurité au travail.

Télémax à la rescousse

Questionnée par La Presse, la direction du SPVM a acquiescé à la nécessité d’acquérir un nouveau robot démineur. Mais d’ici à ce que cela soit fait, elle se fait rassurante et affirme qu’en cas de problème, les robots démineurs de la Sûreté du Québec – surnommés Télémax et Téodor – seront appelés à la rescousse.

« Mentionnons d’emblée que notre robot démineur est fonctionnel. Nous sommes toutefois bien conscients qu’il s’agit d’un équipement vieillissant et qu’il doit être changé. Nous avons déjà entamé des démarches afin de procéder à son remplacement et nous espérons qu’elles aboutiront dans le meilleur délai possible. D’ici là, si jamais nos spécialistes en explosifs se retrouvaient face à une situation problématique sur le terrain, nous aurions le soutien de la Sûreté du Québec, avec laquelle nous avons des ententes à ce sujet », nous a répondu, par écrit, une agente de communication du SPVM.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Le robot démineur du SPVM

Le robot démineur du SPVM a été utilisé moins d’une demi-douzaine de fois en 2023.

Un modèle Flex, fabriqué par l’entreprise Icor Technology, coûterait environ 290 000 $. Une fois la commande passée, il faudrait un délai de six à huit mois avant qu’il soit livré.

« Dans une ville comme Montréal, il faut être préparé à une possibilité de présence d’explosifs. Donc on se doit d’être équipé. Il y a deux millions de population à Montréal. En raison du contexte mondial, nous ne sommes pas à l’abri d’attentats ou de colis suspects dans des endroits spécifiques sur le territoire. Il nous faut un robot performant », conclut le président de la Fraternité des policiers et policières du SPVM, Yves Francœur.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.