Airbnb assure qu’elle est prête à retirer toutes les offres d’hébergement illégal sur son site, mais l’entreprise estime que c’est la responsabilité du gouvernement de vérifier la conformité des offres.

« Ce que la ministre (du Tourisme, Caroline Proulx) nous demande avec le projet de loi 25, c’est essentiellement de faire le travail des fonctionnaires », dénonce la conseillère en politiques d’Airbnb, Camille Boulais-Pretty, en entrevue, mardi.

La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a déposé, plus tôt en mai, le projet de loi 25 visant à lutter contre l’hébergement touristique illégal. Les plateformes comme Airbnb auront désormais l’obligation de s’assurer que les logements affichés sur leur site respectent la loi, sinon elles risquent des amendes pouvant atteindre 100 000 $ par annonce illégale.

La loi 100 avait rendu obligatoire le fait d’enregistrer son logement pour le louer à court terme, mais elle est largement bafouée : actuellement, seulement 30 % des annonces de logement sont légales au Québec, selon le ministère du Tourisme. Airbnb, pour sa part, affirme ne pas avoir de données sur le nombre d’offres illégales.

Le projet de loi 25 imposerait un « trop lourd » fardeau administratif à Airbnb, juge Mme Boulais-Pretty. « Les plateformes vont devoir faire une vérification manuelle de chacun des certificats (d’enregistrement) et vont devoir en vérifier la validité. […] On n’a pas le rôle du régulateur. On n’a pas le pouvoir du régulateur. On n’a pas le pouvoir de la police. »

Si Airbnb critique le projet de loi, sa conseillère ne veut pas s’avancer sur une hypothétique contestation judiciaire.

Dans son mémoire, Airbnb plaide qu’il est de la responsabilité du gouvernement de faire lui-même les vérifications nécessaires. Elle assure sa pleine collaboration pour retirer les entreprises fautives. Un portail dédié pour ce genre d’inspection permet d’ailleurs au gouvernement de retirer lui-même les offres.

Ce système est d’ailleurs en fonction dans la ville d’Ottawa, souligne la conseillère en politique d’Airbnb. « La solution qu’on propose, ce serait un système par lequel les plateformes seraient tenues de retirer à la demande du gouvernement les annonces que celui-ci juge non conformes, explique-t-elle. C’est un système qui est clair, qui est vraiment applicable à l’ensemble de l’industrie et qui garde les plateformes imputables. »

Des appuis à la loi 25

Des villes comme Vancouver et Toronto ont, elles aussi, mis en place des systèmes d’enregistrement obligatoire pour les locations à court terme, mais aucun des deux cadres n’exige que la plateforme fasse l’étape supplémentaire de valider de manière proactive le numéro de permis d’une annonce, a expliqué David Wachsmuth, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en gouvernance urbaine à l’Université McGill, lors d’une entrevue récente à La Presse Canadienne.

Contrairement à Airbnb, le professeur voit le projet de loi 25 comme un exemple à suivre dans le reste du Canada. « Ce qui manquait à l’approche du Québec, c’était quelque chose qui inciterait les gens à suivre les règles », a-t-il expliqué. « La nouvelle loi obligeAirbnbà recevoir le permis lui-même de l’hôte. Je pense que cela change vraiment le jeu en termes de probabilité que les gens suivent ces règles. »

Le projet de loi 25 a également reçu un accueil favorable du côté des municipalités. Dans son mémoire, la Fédération québécoise des municipalités affirme que la nouvelle loi permettrait de colmater certaines « brèches ». « Les derniers mois ont permis de constater les problèmes liés à la location touristique à court terme et qu’une intervention supplémentaire de la part du gouvernement était nécessaire. »

Un « très bon » citoyen corporatif

Airbnb a été la cible de critiques pour la présence d’offres d’hébergement illégal sur son site. Le décès de sept personnes dans l’incendie d’un immeuble patrimonial du Vieux-Montréal, en mars, qui abritait des locations à court terme illégales surAirbnb, a aussi ramené ce sujet à l’avant-scène.

Mme Boulais-Pretty prévient d’emblée qu’elle ne pourra pas commenter l’évènement, car l’incendie fait l’objet d’une enquête, mais que l’équipe de l’entreprise a été « dévastée » par le drame.

La ministre Proulx avait déjà précisé que son projet de loi 25 n’avait rien à voir avec le drame survenu à Montréal, ce qui ne l’a pas empêchée d’avoir des mots durs à l’endroit de la société. « J’ai vraiment cru qu’ils allaient être de bons citoyens corporatifs ; […] je me suis trompée », avait dit la ministre en conférence de presse pour présenter son projet de loi au début du mois de mai.

Le commentaire de la ministre ne rend pas justice à Airbnb qui aurait été « un très bon citoyen corporatif », défend Mme Boulais-Pretty. « Écoutez, en 2017, on était la première plateforme à collecter la taxe sur l’hébergement touristique au Québec. Ça fait trois ans qu’on fait des campagnes éducatives (pour aider les hôtes à s’enregistrer). »