L’exposition d’un enfant à de la violence conjugale est un signal d’alarme dont il faut tenir compte dans la prévention des filicides, même quand l’enfant n’a jamais été agressé physiquement, souligne le Bureau du coroner dans un rapport publié jeudi.

« Dans plusieurs situations, le filicide est la première manifestation d’agression physique envers l’enfant », constate le Comité d’examen des décès liés à la violence conjugale dans son deuxième rapport annuel.

« Par conséquent, en contexte de violence conjugale, le fait qu’un enfant ne soit pas l’objet d’abus physique à un point dans le temps ne permet nullement de conclure que cet enfant ne deviendra pas une victime d’homicide, ou de toute autre forme d’agression. »

Ce comité formé en 2017 regroupe une vingtaine d’experts de divers milieux (universitaire, communautaire, juridique, policier, gouvernemental, etc.).

Son premier rapport annuel, publié il y a deux ans, n’avait pas formulé de recommandations visant la protection des enfants, car il portait sur des évènements dont la plupart des victimes étaient des femmes.

Cette fois, il a examiné 11 drames familiaux où plus de la moitié des victimes d’homicide (16 sur 30) étaient des enfants.

Dix de ces évènements présentaient « au moins un facteur de risque étroitement lié aux enfants : menaces ou mauvais traitements envers les enfants, menace ou violence conjugale en présence des enfants ou différends sur la garde des enfants », et ils se déroulaient sur fond de rupture, signalent les auteurs.

Dans la moitié des cas, la rupture était imminente ou récente (moins de six mois), dans l’autre moitié, elle remontait à plus de trois ans.

Ceci illustre que la violence conjugale post-séparation peut durer longtemps, et que le risque homicidaire ne s’éteint pas forcément au fil du temps.

Extrait du rapport du Comité d’examen des décès liés à la violence conjugale

Il recommande donc d’inclure « un contenu détaillé sur le contrôle coercitif, sur la différence entre la violence conjugale et les conflits sévères de séparation, et sur la violence conjugale en contexte post-séparation » dans les formations dont le Secrétariat à la condition féminine a la responsabilité.

Les conditions de remise en liberté de tout conjoint ou ex-conjoint « violent dans un contexte de violence conjugale » devraient tenir compte de la sécurité des enfants, et les intervenants en protection de la jeunesse devraient pouvoir évaluer le risque homicidaire, fait aussi valoir le comité.

Il faudrait également « s’assurer que les enfants puissent être entendus et que leur opinion puisse être considérée », préconise le rapport, qui compte 25 recommandations.

Moins de ressources pour les agresseurs

Les noms, dates et lieux relatifs aux drames étudiés ne sont pas précisés. Les 16 enfants avaient entre 1 an et 15 ans. Presque tous (14) ont été tués par leur père biologique. Quatre conjointes ou ex-conjointes ont aussi été assassinées, et tous les agresseurs étaient des hommes.

Dans la plupart des cas, des ressources d’aide sont intervenues lors d’épisodes de violence conjugale précédant le drame, un peu plus fréquemment avec les conjointes (27 contacts avec des ressources) qu’avec les agresseurs (18 contacts).

Dans l’ensemble des situations examinées, aucune ressource d’aide pour conjoint violent ne nous semble avoir eu l’occasion d’intervenir.

Extrait du rapport du Comité d’examen des décès liés à la violence conjugale

Depuis deux ans, « des transformations importantes se sont produites dans l’environnement législatif et institutionnel entourant la problématique de la violence conjugale », reconnaît le comité.

Toutefois, compte tenu de « la fréquence » et de « l’ampleur des conséquences » de cette forme de violence sur les enfants, « ces derniers doivent être reconnus comme des victimes à part entière », plaide-t-il dans ce nouveau rapport.

Consultez le rapport du Bureau du coroner
En savoir plus
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    Nombre de mineurs victimes d’un homicide commis par un parent ou un beau-parent entre 2011 et 2020
    Source : ministère de la Sécurité publique, Portrait des homicides familiaux de 2011 à 2020, 2022