Que se passe-t-il lorsque les professeurs d’un programme universitaire d’éducation au plein air se concertent pour acheter un manteau imper-respirant et écoresponsable ? Ils discutent pendant trois ans et écrivent un article scientifique sur leur expérience.

C’est à l’automne 2017 que les huit professeurs d’un institut norvégien d’éducation ont commencé à discuter de l’achat d’un nouveau manteau pour leurs activités d’enseignement à l’extérieur. Il fallait évidemment que leur futur achat réponde aux exigences de ce type de boulot.

« Nous voulons être bien et être en mesure d’enseigner dans des milieux naturels, dans une variété de conditions météorologiques pour de longues périodes », expliquent les professeurs dans un article paru dans le Canadian Journal of Environmental Education.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Les éducateurs de plein air peuvent jouer un rôle de modèle en fait d’écoresponsabilité. Ici, le guide de survie en forêt Alexandre Coser.

Or, les professeurs étaient également conscients qu’ils devaient donner l’exemple en matière de consommation responsable.

Préoccupés par l’état de la planète et les débats sur le développement durable, nous avons conclu qu’il était crucial de prendre en considération, dans nos choix de consommation, les valeurs que nous voulions véhiculer en tant qu’équipe.

Extrait de l’article des professeurs d’un institut norvégien

Il a été facile de s’entendre sur la nécessité d’éviter la surconsommation. Les professeurs ont donc convenu que dans un premier temps, il était préférable de réparer les manteaux existants jusqu’à ce qu’ils ne soient plus utilisables. C’est après que les choses se sont gâtées.

« Nous nous attendions à ce qu’il soit plutôt facile de nous entendre sur une série de considérations pratiques en fait de durabilité écologique. Dans les faits, notre dialogue initial s’est mué en longs débats houleux sur l’identité, les valeurs, la durabilité, les textiles, les écolabels, la protection de l’environnement, les conditions de travail, l’intégrité personnelle et la responsabilité fiscale. La sélection d’un manteau responsable est devenue plutôt compliquée. »

Après deux ans de discussions, les professeurs ont constaté qu’il y avait impasse. Ils ont donc décidé de suivre un processus plus scientifique, avec collecte, analyse et partage de données, ce qui a nécessité une autre année de travaux.

Quatre grands principes

Ils ont fini par s’entendre sur quatre grands principes pouvant guider un processus d’achat : la durabilité du produit, les pratiques de production écoresponsables, les conditions de travail et les aspects sociaux et politiques.

Il faut donc d’abord s’assurer que le produit soit durable (physiquement et socialement) et réparable.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Il faut être prêt à toutes les conditions météo en plein air.

« La durabilité sociale réfère à des vêtements qui peuvent être utilisés pendant une longue période de temps et qui sont toujours appréciés et valorisés dans les cercles sociaux », écrivent les professeurs.

En clair : il faut des vêtements qui ne se démodent pas.

Par ailleurs, la durabilité physique n’est pas nécessairement facile à évaluer : pratiquement aucun manufacturier ne donne d’informations sur la durée de vie de ses vêtements.

Le deuxième principe, la production responsable, peut porter sur différents aspects : les émissions de carbone, l’utilisation de matériaux recyclables, l’utilisation de produits à base de pétrole et d’autres produits chimiques, les conséquences de l’extraction des matériaux et de la production sur l’habitat et la biodiversité, le type et la quantité d’énergie utilisée et, finalement, la gestion des déchets.

« Il est pratiquement impossible pour le consommateur ordinaire d’avoir accès à toutes les informations liées à ces aspects : le temps nécessaire, le travail d’enquête et la capacité de synthétiser tout cela, c’est énorme. »

Heureusement, il existe des écolabels, certifiés par des parties indépendantes, qui peuvent aider, comme Global Organic Textile Standard, Bluesign ou l’Écolabel de l’Union européenne, qui établit des normes élevées pour toute la durée de vie d’un produit. D’autres certifications portent sur la question des conditions de travail des employés, soit le troisième principe proposé par les professeurs.

En fait, il y a une soixantaine de certifications qui existent dans le monde du vêtement et du textile, ce qui a un effet pervers. « La quantité et la diversité de ces certifications font en sorte qu’il est difficile pour le consommateur de faire la distinction entre celles qui sont complètes et fiables et celles qui ne le sont pas. »

Il n’y a aucune certification qui touche au quatrième facteur, les raisons sociales et politiques qui pourraient favoriser une entreprise ou une autre. Il pourrait s’agir d’une petite entreprise locale en démarrage ou d’une entreprise qui verse une partie de ses profits à une cause politique jugée importante.

Finalement, le choix des professeurs a porté sur quel manteau ? Aucun ! Ils n’ont pas encore réussi à s’entendre…

Lisez l’article des professeurs norvégiens (en anglais)

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