Le taux de crémation, un rite funéraire qui a gagné en popularité dans les 30 dernières années, a diminué en 2015 au Québec - une première en cinq ans.

Selon des données de la Corporation des thanatologues du Québec (CTQ) obtenues par La Presse canadienne, le taux de crémation au Québec était estimé à 72 pour cent en 2015, une baisse de quatre points de pourcentage par rapport à l'année précédente.

En 2010 - l'année lors de laquelle la CTQ a commencé à compiler elle-même les données - le taux de crémation était de 64 pour cent. Ce chiffre a bondi de 12 points de pourcentage jusqu'en 2014, pour se situer à 76 pour cent cette année-là.

Par ailleurs, le taux d'embaumement qui était en diminution constante depuis 2010 a commencé à se stabiliser en 2015. Il est passé de 50 pour cent en 2010 à 42 pour cent en 2014, et il est resté le même en 2015.

Il est encore trop tôt pour tenter d'expliquer ce phénomène ou pour conclure qu'il s'agit d'une tendance durable, a souligné Denis Desrochers, président de la CTQ.

Le taux de crémation pourrait toutefois avoir atteint un plafond. M. Desrochers a fait remarquer que le Québec a toujours été à l'avant-garde quant aux taux de crémation à l'échelle de l'Amérique du Nord, qui est actuellement en rattrapage.

«Il n'en demeure pas moins que le taux est encore un peu plus élevé par rapport à l'ensemble des États-Unis et du Canada. C'est peut-être (pour cela) qu'il y a une certaine stabilisation», a-t-il soutenu.

D'autre part, il ne faut pas nécessairement tracer un lien entre la diminution du taux de crémation et la stabilisation du taux d'embaumement, puisque l'un n'exclut pas l'autre, a indiqué M. Desrochers.

«Il y a beaucoup de personnes qui vont choisir d'avoir une visite privée ou d'avoir un moment d'intimité avec le défunt une dernière fois avant de procéder avec la crémation», a-t-il affirmé.

Ce qui est plus certain, toutefois, c'est que les rites funéraires des Québécois «changent à vitesse grand V» alors qu'ils sont restés relativement stables pendant plus de 200 ans, a signalé M. Desrochers.

«Notre société évolue, les modes changent, les types de rituels changent et les valeurs changent aussi. (...) Notre société est beaucoup plus pluraliste, plus hétéroclite, on est influencé par l'extérieur. Forcément, ça influence nos valeurs, nos façons de penser. Les rituels funéraires font juste suivre l'évolution de notre société», a-t-il expliqué.

«Pour qu'un rituel funéraire soit rempli de sens, il faut que ce soit collé aux valeurs des gens», a-t-il ajouté.

Conservation des cendres

D'ailleurs, les Québécois ont encore la possibilité de conserver les cendres de leurs proches et de décider ce qu'ils en font - ce qui ne sera plus le cas avec le projet de loi 66 qui a été adopté par l'Assemblée nationale l'hiver dernier.

L'attachée de presse du ministre de la Santé Gaétan Barrette a fait savoir que le gouvernement travaillait sur la «préparation et l'adoption des règlements» du projet de loi pour qu'il entre en vigueur «dans les meilleurs délais», a écrit Julie White dans un courriel.

La loi sur les activités funéraires interdira aux citoyens de disperser des cendres «à un endroit où elles pourraient constituer une nuisance ou d'une manière qui ne respecte pas la dignité de la personne décédée».

Selon les données de la CTQ, en 2015, seulement 24 pour cent des proches des défunts ont décidé de conserver leurs cendres.

Denis Desrochers estime que qu'un tel encadrement légal était nécessaire.

«Il y a une responsabilisation qu'on doit faire par rapport aux cendres humaines. (...) Quand on abandonne des urnes dans un supermarché ou que les gens déménagent et laissent en arrière d'eux une série d'urnes, ce sont les gens aux alentours qui sont pris pour gérer (la situation)», a-t-il affirmé.