Que faire avant de décider de changer de vie ? Conseils de gens qui ont osé faire le saut et d'experts qui voient défiler dans leurs bureaux des tonnes d'insatisfaits qui cherchent à améliorer leur sort.

CEUX QUI L'ONT FAIT

Sauter dans le vide

« La vie fait peur, alors c'est certain que changer de vie fait tout aussi peur, dit l'humoriste Léa Stréliski. À la base, je me dis que puisqu'on a peur de vivre, vaut mieux choisir quelque chose qui en vaut la peine. Je dirais aux gens : "Trouvez cette chose." Il faut que tu te dises, une fois sur ton lit de mort, que ça a valu la peine de vivre parce que tu as conquis ta peur. » Il faut désigner une chose que l'on veut vraiment faire. « Il faut que tu te pitches dans le vide, dit-elle. L'important, c'est de se concentrer sur la prochaine étape, sans regarder toute la montagne qu'il faut gravir. Il ne faut regarder que le prochain pas. »

Le faire jeune

Frédéric Lauzon, qui a abandonné sa carrière d'enseignant de mathématiques au secondaire après 12 ans pour devenir conseiller financier, remarque que changer de vie est plus facile lorsqu'on est encore relativement jeune. « J'avais 35 ans quand j'ai changé de carrière. Mais à 45 ans, 50 ans, ç'aurait été plus difficile. Plus tu attends, plus ça devient presque impossible, car là, il faut que tu finisses ta carrière avant d'en faire une autre après, ce n'est pas pareil. »

Oublier la sécurité financière

Sébastien Langelier, qui est passé de vendeur de condos à fondateur d'un camp de surf, remarque qu'il est impossible de savoir si on fait le bon choix. « Il faut juste que tu y ailles. Des fois, tu penses que ça va marcher, et ça ne marche pas. C'est sûr aussi que la sécurité financière, dans mon cas, je n'en ai pas vraiment. C'est-à-dire que le surf, c'est très à la mode, mais pour combien de temps ? » Selon Frédéric Lauzon, se dire qu'il faut avoir accumulé assez d'argent est une façon d'éviter la question. « C'est comme dire : "Je vais attendre d'avoir de l'argent avant d'avoir des enfants." Tu n'auras jamais d'enfants ! »

Analyse coût-bénéfice

Estelle Ouellet, qui est passée de fonctionnaire en politique économique à médecin psychiatre, savait qu'elle vivrait des moments intenses de découragement et qu'elle s'endetterait. Son réalisme lui a certainement évité bien des regrets. « Si quelqu'un veut changer de vie, moi, je dirais de faire une analyse coût-bénéfice. Oui, il y a un coût à payer quand tu fais un virage comme ça, mais est-ce que ce coût-là est plus ou moins élevé que celui de rester dans ta job que tu n'aimes pas ? Moi, ça valait la peine de souffrir. Je ne le regrette pas. »

LES SPÉCIALISTES

Oser dévier

Le psychothérapeute conjugal et familial Patrick De Bortoli a exploré plusieurs avenues dans son parcours professionnel : sociologie, psychothérapie, horticulture. « La société préconise encore la ligne droite, croit-il. Même si les gens qui décident de suivre leurs rêves sont "à la mode", je crois que ce n'est pas encore tout à fait intériorisé comme phénomène et que le regard extérieur pèse encore lourd. Nous sommes des êtres multidimensionnels. Nous nous limitons et nous réduisons notre potentiel. Il faut oser se diversifier. La sociologie et la psychothérapie m'ont aidé à mieux comprendre le monde horticole, tout comme les plantes m'ont beaucoup appris sur les familles que je traite aujourd'hui. »

Se faire accompagner

Les psychologues, thérapeutes et coaches de vie ont les outils, l'expérience et le recul que nous n'avons pas nécessairement. On peut évidemment faire une « bifurcation » sans aide, mais ce sera peut-être un peu plus brouillon, croit Christine Guenette, coach de vie et professeure de yoga. « Souvent, ces gens en quête de changement finissent par demander de l'aide, parce qu'ils sont tout d'un coup très confus. Notre rôle à nous, les coaches, c'est d'aider nos clients à évaluer leurs besoins, leurs valeurs et leurs désirs, puis à passer à l'action ensuite. »

Être patient

Quand Christine Guenette travaillait dans le milieu des banques, elle rêvait d'un horaire plus souple. Après avoir fait le saut pour enseigner le yoga et devenir coach de vie, elle s'ennuyait de son ancienne routine. Il a fallu du temps avant qu'elle trouve le juste milieu et qu'elle soit heureuse dans sa nouvelle vie. Le changement prend du temps et on n'en récolte pas nécessairement les fruits dans l'immédiat.

Ne pas changer

Il peut arriver que le désir de changer soit simplement une fuite face à une situation difficile, mais temporaire. C'est une réaction humaine tout à fait normale. « J'ai eu une cliente qui souffrait d'anxiété, raconte Christine Guenette. Elle croyait qu'elle devait faire des changements dans sa vie. Nous avons vérifié si sa situation était en accord avec ses besoins, ses valeurs profondes et ses désirs. Tout était beau. Finalement, elle souffrait d'une forme de syndrome de l'imposteur. Nous avons donc plutôt travaillé sur sa confiance ! »