Ronald Corey savait son ami atteint d’un cancer de la prostate. L’an dernier, l’ancien président du Canadien avait lui-même reçu un diagnostic de mélanome cancéreux.

Corey et Mulroney se sont vus « il y a quelques mois, on a parlé de nos maladies. Il était venu à la fête de mon épouse en mai dernier », se souvient Corey, au téléphone.

Mais c’est en répondant à l’appel de La Presse, jeudi soir, que Corey a appris la mort de l’ancien premier ministre du Canada.

« On perd un grand Canadien, un de nos meilleurs premiers ministres, a témoigné Ronald Corey. J’ai énormément de respect pour lui. Il a apporté beaucoup. Sa présence était remarquée à l’international. C’est vraiment une grande perte. Un homme tellement sympathique, chaleureux. On parlait souvent de politique, de sport, de tout. C’était un bon ami, un bon père de famille. »

Les amateurs de hockey des années 1980 se souviennent de l’image de Mulroney, assis derrière le banc du Canadien au Forum, souvent côte à côte avec Corey. Leur relation remonte à 1969, calcule Corey.

Celui qui a été président de l’équipe de 1982 à 1999 a assisté à plusieurs matchs du Canadien avec Mulroney. Mais il garde un souvenir très précis de celui du 12 janvier 1985, lorsque le jeune premier ministre de 45 ans avait été son invité au Forum. Ce soir-là, le Tricolore soulignait le 75e anniversaire de sa création.

« Aurèle Joliat avait 83 ans. Il arrive au Forum vers [15 h], avec son sac et ses patins. Il dit : “Je patine encore, je vais toujours sur le canal Rideau”, raconte Corey, imitant la voix de Joliat. On prend un drink. Doug Harvey arrive, il connaissait bien M. Joliat. Il dit : “Ben oui, il patine encore bien !”

« Brian arrive, il était mon invité dans ma loge. La cérémonie commence, tout le monde est fou. Les anciens joueurs sont présentés un à un, ils vont lancer dans le but contre Jacques Plante. Alors M. Joliat patine, il ne voit pas le tapis rouge au milieu de la patinoire et il tombe en pleine face. Il se relève et va compter son but. Je me tourne vers Brian, à côté. Les deux, on est devenus blancs comme un drap ! »

Le nouveau Forum

Ronald Corey s’est lié d’amitié avec Brian Mulroney au fil des ans. Leurs liens étaient étroits, si bien qu’ils sont tous les deux mentionnés dans une cinquantaine d’articles de La Presse, principalement dans les années 1980 et 1990. En 1988, Corey nie même une rumeur selon laquelle il songerait à faire le saut en politique fédérale.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

« Il aimait beaucoup le hockey. Je me rappelle que je lui avais donné un chandail du Canadien, avec le numéro 1, et il l’avait donné en cadeau à Margaret Thatcher. »

Leur relation a également servi Corey, quand est venu le temps de lancer le projet du futur Centre Molson. « Le nouveau Forum : l’affaire n’est pas dans le sac », titrait La Presse le 1er mai 1991.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

« Je faisais affaire avec Jean Charest, qui était ministre [fédéral de l’Environnement]. Il avait mentionné à Brian qu’il m’avait rencontré pour le nouveau Forum. Et Brian avait dit à Jean : “Arrange-toi pour que ça marche !” »

« Grand diplomate »

Brian Mulroney et Serge Savard ont été, en même temps, deux des hommes les plus puissants au Canada, diront les cyniques. Mulroney comme premier ministre de 1984 à 1993, Savard comme directeur général du Canadien de 1983 à 1995.

Les deux hommes se croisaient souvent. « Il voulait parler de hockey, et moi, de politique. On changeait de sujet les deux ! se remémore Savard. Il aimait le Canadien de Montréal au plus profond de son âme. »

Mais il savait se faire des amis. Pendant les grosses années de la rivalité Canadien-Nordiques, il était aussi chum avec Marcel Aubut. Ce n’était pas son ennemi. C’était un grand diplomate.

Ronald Corey, à propos de Brian Mulroney

Savard loge à la même enseigne politique que Mulroney. Il le qualifie sans hésiter de « meilleur premier ministre de l’histoire du Canada ».

« Si tu demandes aux gens ce que Trudeau, père et fils, ont accompli, ils auront de la misère. Mais pour Mulroney, les gens vont nommer le free trade (l’ALENA), la TPS, la fin de l’apartheid. Sous Mulroney, le Canada était très visible à l’international, il avait du poids. Mme Thatcher, Gorbatchev, ce sont devenus ses amis. Ça négocie beaucoup mieux avec des amis. »

Savard considère que Mulroney n’était « pas un ami intime, mais un ami », qu’il côtoyait de temps à autre. En novembre dernier, un gala a été organisé pour souligner la carrière du DMulder, et une partie des sommes amassées allait au Fonds Serge Savard de la Fondation de l’Université de Sherbrooke et au Fonds d’urgence du centenaire des Anciens Canadiens.

« On a amassé 1,5 million, et là-dessus, on a reçu 50 000 $ au nom de Mila et Brian Mulroney. On en connaît, des gens qui ont de l’argent. Certains sont généreux, d’autres non. Brian était excessivement généreux. »