Dans le vestiaire, Juraj Slafkovsky s’avance vers Arber Xhekaj. Les deux prennent leur élan pour une poignée de main dans les airs – une chummée, si vous voulez – qui se conclut en un « pop ! » qui fait sursauter les journalistes massés plus loin autour de Mike Matheson.

Le géant slovaque, surpris, écarquille les yeux, comme s’il venait de faire un mauvais coup. Et il éclate du rire de ténor qui est le sien.

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Le sourire de Slafkovsky n’était pas attribuable qu’à la victoire de 6-4 des siens face aux Sénateurs d’Ottawa. Selon toute vraisemblance, le jeune attaquant s’éclate.

J’ai chaque jour plus de plaisir. Je suis content de la manière dont les choses se déroulent. Je dois continuer à travailler le plus fort possible. J’ai la chance de jouer avec de très bons joueurs, c’est juste du bon pour moi.

Juraj Slafkovsky

Samedi soir, particulièrement, il avait bien raison de sourire. C’est lui qui a ouvert la marque dès la première minute du match en sautant sur un retour dans l’enclave. C’était son deuxième but et son troisième point du calendrier préparatoire, dont il a disputé cinq matchs, un sommet dans l’équipe. Le personnel d’entraîneurs voulait lui donner des minutes, après une absence de plusieurs mois la saison dernière : promesse tenue.

Bien au-delà des points, c’est son jeu général qui semble croître de match en match. Il n’est toujours pas un magicien avec la rondelle, mais il semble réaliser à quel point son gabarit hors norme sera, à court terme, son plus grand allié dans la LNH.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Juraj Slafkovsky, lors d’un match contre les Maple Leafs de Toronto

À au moins deux reprises, il a tassé sans aucune gêne un adversaire au fond de la zone adverse pour sortir du coin avec le disque et le refiler à un coéquipier. Cela passera pour de proverbiales petites choses, mais chacune d’entre elles compte pour ce gros monsieur.

« Je trouve qu’il utilise bien son corps », a constaté Rafaël Harvey-Pinard, qui a disputé trois matchs sur le même trio que lui – ils étaient toutefois séparés samedi.

« Ses deux buts [en matchs préparatoires], il les a marqués de l’enclave, dans la zone payante. Il est capable de gagner des batailles devant le but. Il est aussi plus en confiance avec la rondelle et il fait plus de jeux. »

« Tu vois que c’est juste une question de temps avant que ça débloque et que ce soit un joueur dominant », a-t-il ajouté.

Plaisir et pression

En matinée, l’entraîneur-chef Martin St-Louis avait répété, comme il l’avait déjà fait au tournoi de golf de l’équipe le mois dernier, à quel point le rapport entre pression et plaisir était important pour Slafkovsky.

« Il doit avoir du plaisir chaque jour, a dit St-Louis. Si tu n’as pas de plaisir, tu arrêtes de t’améliorer. Comme entraîneurs, on doit être prudents : on ne veut pas tuer sa passion en lui imposant la pression d’être parfait tout de suite. »

Ce qui nous ramène aux propos de Slafkovsky lui-même : « J’ai chaque jour plus de plaisir. » On ne saurait dire s’il partait de zéro ou de plus haut. Mais le niveau est, pour l’heure, visiblement élevé. Et ça le sert bien.

« Il a joué un bon match, a d’ailleurs noté St-Louis en fin de soirée. Il voit que la game est plus facile quand tu la joues avec quatre autres gars. Il y a de gros bonshommes comme lui qui utilisent leurs atouts individuels jusqu’à ce qu’ils arrivent à la LNH, mais c’est impossible de tout faire seul dans la LNH. »

Sur sa chimie naissante avec Kirby Dach, son joueur de centre désigné des quatre dernières rencontres, l’entraîneur a dit avoir « aimé ce qu’[il a] vu à date ».

Les fameuses « chaises » peuvent encore bouger une fois la saison amorcée. Mais que Juraj Slafkovsky semble en avoir trouvé une qui lui convient, c’est déjà un grand pas dans la bonne direction.

Ça lui donne, en tout cas, une bonne raison de sourire.

En quelques lignes

Ce sixième match hors concours a représenté une dernière occasion pour le personnel d’entraîneurs d’évaluer certains joueurs dont le poste ou le rôle n’est pas assuré. Voici quelques observations, en quelques lignes.

Gustav Lindström

Puisqu’il est le seul défenseur qui doit passer par le ballottage parmi ceux qui sont susceptibles d’être retranchés, son statut est difficile à déterminer, d’autant qu’il ne présente aucune spécialité particulièrement remarquable. Jumelé à Mike Matheson samedi, il a connu un match sans grande histoire, ce qui peut être une bonne nouvelle pour un joueur de son type.

Emil Heineman

Preuve numéro 3837 que le différentiel ne dit pas tout d’un match : Heineman rapporte à la maison une fiche de - 2 en ayant plutôt bien joué. Il a appliqué deux mises en échec percutantes et il a été employé sur les deux unités spéciales. S’il ne survit pas aux dernières coupes, on le reverra avant longtemps à Montréal.

Mattias Norlinder

Le fait qu’Arber Xhekaj a passé une minute de plus que Norlinder en avantage numérique n’est pas une bonne nouvelle pour le Suédois. Sa mise en scène sur le but de Sean Monahan en fin de match nous a toutefois rappelé son utilité en zone offensive. Rien ne lui est encore acquis.

Justin Barron

Voir la note sur Xhekaj et Norlinder à propos de l’avantage numérique, phase de jeu à laquelle Barron n’a pas goûté samedi. Il n’a, encore, rien montré de bien convaincant.

Arber Xhekaj

Malgré quelques passes douteuses dans son territoire, il a disputé un match très mature, au cours duquel il a gardé son calme lorsque les esprits se sont échauffés. Il a notamment extirpé deux joueurs des Sénateurs d’une mêlée sans pour autant jeter les gants. « L’an dernier, ç’aurait peut-être été différent, a-t-il avoué. Mais s’ils ne blessent personne ou qu’ils ne font pas de mises en échec stupides, je n’ai pas besoin d’intervenir. » Il termine ainsi en force un camp où il a parfois eu l’air maladroit.

En hausse

Mike Matheson

Il a enfin disputé un premier match préparatoire et il a démontré que sa blessure était derrière lui.

En baisse

Joel Armia

Est-il déjà le nouveau chouchou de cette rubrique ? Un autre match sans saveur pour lui. Et sans doute pas le dernier.

Le chiffre du match

30 %

C’est le taux de succès combiné de Kirby Dach (2 en 9) et d’Alex Newhook (4 en 11) au cercle de mise en jeu. Peuvent (et doivent) faire mieux.

Dans le détail

Quand Pezzetta se prend pour Caufield

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Michael Pezzetta (55) a marqué un but en première période.

Une remise en retrait depuis le coin de la zone adverse, un tir frappé sur réception foudroyant du haut des cercles de mise en jeu, un gardien qui n’y voit que du feu. D’ordinaire, ce seraient Nick Suzuki et Cole Caufield qui célébreraient cette exécution sans faille. Samedi, c’est toutefois Pezzetta qui, sans hésiter, a envoyé une fusée derrière Mads Søgaard après avoir reçu une passe impeccable de Jake Evans. « Il a un bon tir ! a souligné Martin St-Louis après la rencontre. On était équilibrés quand il a marqué : ce n’était pas un jeu préparé, ça venait d’une compréhension de l’équilibre dont on avait besoin sur la glace. Plus tu as d’équilibre, plus tu as d’options. » On pourrait arguer que la plupart des joueurs des Sénateurs sur la patinoire au moment du but ne joueront pas dans la LNH cette saison. Ce tir-là, toutefois, personne ne pourra l’enlever au numéro 55.

Embellie à court d’un homme

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Le gardien Samuel Montembeault (35) et Rafaël Harvey-Pinard (49) se défendent contre Jiri Smejkal (13).

Interrogé sur la performance sans faille de son équipe en désavantage numérique contre les Sénateurs, Rafaël Harvey-Pinard a fait remarquer que son club avait, en réalité, bien paru à cet égard au cours des trois derniers matchs. Vérification faite, au total de ces joutes, le CH a accordé 2 buts en 12 occasions à court d’au moins un homme. C’est un échantillon minuscule, mais il faut prendre les encouragements où ils sont. Ce rendement est en effet nettement supérieur aux tendances de la saison dernière – une efficacité de 83,3 % comparativement à 72,7 % pour l’ensemble de 2022-2023. « On ne joue pas de la même manière, a poursuivi Harvey-Pinard. On fait des ajustements vidéo avant et après les matchs. On communique plus, aussi. Ça aide à mieux gérer la pression de l’équipe adverse. » Au fait, le Québécois a été l’attaquant le plus utilisé du Canadien en désavantage numérique, samedi, suivi de Jake Evans.

Formation minceur pour les Sénateurs

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Mark Kastelic (12) et Jacob Larsson (32) regardent la rondelle rebondir sur la barre transversale du filet.

Les Sénateurs ont causé la surprise, en matinée, en rappelant de leur club-école de Belleville six patineurs afin de donner congé aux joueurs les plus importants du club. Ainsi, Brady Tkachuk, Tim Stützle, Claude Giroux, Drake Batherson, Vladimir Tarasenko, Mathieu Joseph, Thomas Chabot, Jakob Chychrun, Artem Zub et Jake Sanderson ont tous regardé le match dans les gradins – aussi bien dire le top 6 en attaque et le top 4 en défense. En somme, de quoi décevoir les partisans qui ne croyaient pas voir un club de la Ligue américaine en achetant leur billet. Or, ce sont peut-être bien des considérations financières qui ont incité la direction à prendre cette décision. Toutes les équipes de la LNH doivent présenter une formation conforme au plafond salarial d’ici lundi à 17 h, et les Sénateurs sont coincés à la gorge, pris de court par la blessure de Josh Norris, qui ne semble toujours pas guérir, et dans une impasse contractuelle avec Shane Pinto. On peut donc déduire qu’ils ne voulaient pas, en plus, courir le risque d’avoir un haut salarié à remplacer advenant une blessure.