On se fait une image des équipes championnes qui se lancent dans une virée digne de The Hangover afin de célébrer leur titre. Merci aux Capitals de 2018, entre autres, d’avoir perpétué ce modèle.

Et puis il y a Charles-Alexis Legault, défenseur des Bobcats de l’Université Quinnipiac, sacrés champions de la NCAA samedi dernier. Legault rate l’appel de La Presse mercredi après-midi, mais rappelle une minute plus tard.

« Je suis désolé, je suis à la bibliothèque, je voulais trouver un petit coin tranquille », s’excuse-t-il.

Ainsi va la vie au niveau collégial. Après l’euphorie du championnat, remporté à Tampa au terme d’une victoire contre le Minnesota en finale nationale, il faut vite replonger dans les livres. « On est à un mois des examens finaux. J’ai pris du retard à Tampa. Je pensais avancer mes travaux, mais je me suis vraiment concentré à 100 % sur le hockey. »

Legault est un de ces joueurs qui tentent d’exceller au hockey comme à l’école. Il s’est d’ailleurs imposé un rythme de travail infernal, puisqu’il est inscrit au programme « 3 + 1 » de Quinnipiac : il fait son baccalauréat en finance en trois ans et son MBA lors de la quatrième année. Un programme qui n’admet pas n’importe qui, disons-le. « J’ai étudié au collège Sainte-Anne à Lachine et j’ai gardé une bonne moyenne », souligne-t-il.

Blessure complexe

Ce championnat constitue une jolie récompense pour la persévérance de Legault.

En 2018-2019, à 15 ans, il a été limité à deux matchs avec les Lions du Lac St-Louis, au niveau midget AAA. À l’origine de ses problèmes : un double échec dans le dos, « et la tête est partie par-derrière », raconte son père, Alexandre Legault, lui-même ancien choix de 2e tour des Oilers.

« Il a eu des maux de tête récurrents. Dès qu’il avait un choc, qu’il dormait mal dans l’autobus, il avait des maux de tête. Le réflexe des médecins, c’était de dire : “Tu as mal à la tête, tu as une commotion” », se remémore le père.

« C’était quotidien, chaque fois que je faisais de l’exercice, par exemple, confirme le joueur. Je dormais sur le ventre, je me réveillais et j’avais mal à la tête parce que j’avais le cou coincé. »

La famille a consulté de nombreux spécialistes, en quête de réponses. Mais au fil du temps, il est devenu apparent que les symptômes du jeune homme étaient plutôt liés à un problème de cou. Un simple manque de force.

« Plein de choses peuvent créer des symptômes de commotion, rappelle celui qui fait maintenant 6 pi 3 po et 214 lb. J’ai grandi assez vite, j’ai pris un pied entre mon secondaire I et mon secondaire III. J’étais fait sur le long. Long cou, longs bras, longues jambes. Je n’avais pas la masse musculaire, donc je me blessais souvent. »

PHOTO NICK SOLARI, FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ QUINNIPIAC

Les quatre Québécois de l’équipe : Charles-Alexis Legault, Cristophe Tellier, Yaniv Perets et Christophe Fillion

L’agent Philippe Lecavalier est alors intervenu et a mis la famille en contact avec un médecin de Boston, « celui qui avait traité Patrice Bergeron quand il avait eu ses problèmes », explique le père.

La piste était visiblement la bonne, puisque Bergeron a maintenant 1293 matchs au compteur pour le prouver. Et Legault a disputé 40 des 41 matchs des Bobcats cette saison. Les symptômes sont chose du passé.

« Ça a clairement été un pas de recul dans ma progression, mais c’était la meilleure chose que je pouvais faire, estime Legault, avec le recul. Ma carrière, c’est un marathon, pas un sprint. »

Un imprévu

L’autre « détour » dans sa carrière est survenu l’an dernier. Legault devait étudier et jouer à l’Université de Boston, comme son père. Mais les Terriers lui recommandaient de disputer une autre saison dans la BCHL, au niveau junior.

« J’ai dit que je comprenais leur décision, mais que j’étais prêt pour le collège. Donc on s’est séparés. Quinnipiac m’a vite contacté, j’ai visité le campus, j’ai adoré ça et le soir de ma visite, j’ai rappelé pour dire que je voulais être un Bobcat. Je me suis engagé le 10 mai. Et le 25 juillet, j’étais à l’école ! »

L’Université de Boston a atteint les demi-finales du championnat de la NCAA. Legault et les Bobcats, eux, ont gagné deux matchs de plus au moment le plus important.

« C’est extraordinaire, s’émeut Alexandre Legault. C’est un petit gars qui est passionné, qui comprend la relation causale entre l’effort et le résultat. C’est bien qu’il ait compris ça aussi jeune et qu’il travaille aussi fort. »

Il faudra maintenant voir si le titre national attirera l’attention des recruteurs. L’an dernier, Charles-Alexis Legault a été invité au camp de développement des Sénateurs, et s’il est encore ignoré au prochain repêchage, il ne faudra pas s’étonner de le voir retontir à un autre camp estival. Il possède une carrure enviable et même sans jouer en avantage numérique, il a amassé 9 points en 40 matchs, en tant que patineur le plus jeune du club.

Au classement de mi-saison de la Centrale de recrutement de la LNH, il pointait au 123e rang des patineurs nord-américains. À 19 ans – 20 ans en septembre –, il en est à sa dernière année d’admissibilité au repêchage, mais pourra toujours décrocher un contrat comme joueur autonome dans les années à venir, si les équipes passent leur tour.

S’il voit sa carrière comme un marathon, ce n’est pas un détour de plus qui l’abattra.