La neige qui fond. Les branches qui bourgeonnent. Les partisans des Maple Leafs qui s’abreuvent d’espoir à l’approche des séries éliminatoires. Les partisans des 31 autres équipes qui ironisent sur une énième élimination précoce des Maple Leafs.

Le printemps arrive invariablement avec son lot de traditions. S’il y en a une que les joueurs torontois veulent briser, c’est leur incapacité à atteindre le deuxième tour des séries.

En rappel : au cours des 17 dernières saisons, les feuilles d’érable ont soit raté les séries (dix fois), soit trébuché au tour initial (sept fois, dont six consécutives).

En 2021 et en 2022, on croyait avoir assemblé une machine de guerre capable de faire un bout de chemin. Or, en 2021 comme en 2022, ce fut l’histoire de sept matchs et d’une poignée de main.

Le directeur Kyle Dubas a travaillé fort pour briser le cycle. Au prix de multiples choix au repêchage et jeunes joueurs de l’organisation, il a adjoint à ses supervedettes offensives du leadership (Ryan O’Reilly), de la hargne (Noel Acciari, Sam Lafferty) et du renfort en défense (Jake McCabe, Luke Schenn, Erik Gustafsson). Chez les patineurs, on est fin prêt à passer à l’étape suivante.

Devant le filet, le niveau d’assurance est… différent. L’été dernier, Dubas a donné un coup de balai en se séparant de Jack Campbell et de Petr Mrazek, remplacés à bas prix par Ilya Samsonov et Matt Murray.

Le premier a été très bon. Ses statistiques ressemblent davantage à celles du gardien que les Capitals de Washington ont repêché au premier tour en 2015 qu’à celui que ces mêmes Capitals ont remercié il y a quelques mois.

Murray, lui, a été potable quand il a été en santé… c’est-à-dire pas souvent. Deux blessures lui ont coûté quelque 25 matchs, et voilà qu’il est blessé à la tête. L’entraîneur-chef Sheldon Keefe n’a pas voulu prononcer le mot « commotion », mais les signes ne sont pas encourageants.

À qui la chance ?

En posant l’hypothèse que Murray sera prêt à temps, la question sera bientôt inévitable : qui, de lui ou de Samsonov, amorcera le premier tour des séries éliminatoires contre le Lightning de Tampa Bay ?

Samsonov a connu la meilleure saison du duo, mais son CV en séries se résume à sept départs, conclus par six défaites. Murray, lui, regorge d’expérience. Ses deux bagues de la Coupe Stanley, obtenues alors qu’il portait l’uniforme des Penguins de Pittsburgh, parlent d’elles-mêmes, encore que ses dernières années là-bas ont été beaucoup moins fastes.

L’élu aura la périlleuse mission de réussir là où Frederik Andersen et Jack Campbell ont échoué de 2017 à 2022 : convertir une bonne saison en succès printanier.

L’un et l’autre ont porté l’odieux des échecs successifs de leur club. Ç’a parfois été vrai… mais pas toujours.

C’est ce que nous confirme la statistique des buts « sauvés ». Il s’agit d’un indicateur issu de la différence entre le nombre de buts « attendus » à cinq contre cinq, calculé en fonction de la dangerosité des chances de marquer, et le nombre de buts réels qu’un gardien a accordés. Plus la valeur est élevée, plus on peut considérer qu’un gardien fait pencher la balance dans un match ou une saison. Autour de zéro, on parlera d’un rendement adéquat, sans plus. Profondément dans le négatif, ça va mal.

Les chiffres nous indiquent qu’Andersen a été capable du meilleur comme du pire. En 2019, il aurait dû gagner. L’année précédente, il pouvait clairement être montré du doigt – l’effondrement de toute l’équipe dans le match numéro 7 à Boston est encore un souvenir douloureux dans la Ville Reine.

Jack Campbell, lui, avait été excellent contre le Canadien de Montréal en 2021. L’an dernier, il a été correct contre le Lightning de Tampa Bay. On lui a surtout reproché ses performances en prolongation : en trois présences totalisant un peu plus de 35 minutes, il a reçu huit tirs et accordé trois buts.

Et cette année ?

À quoi s’attendre cette fois-ci devant le filet des Leafs ? Ça ressemble drôlement à une boîte à surprises.

Vu la saison qu’il vient de connaître (fiche de 25-10-5, moyenne de buts accordés de 2,40 et taux d’efficacité de ,916), Ilya Samsonov devrait logiquement obtenir le premier départ.

Il n’a toutefois remporté qu’un seul de ses cinq derniers départs et, comme on l’a déjà évoqué, son expérience sous pression, à ce jour, est mince et peu probante. On ne peut pas vraiment s’appuyer non plus sur son historique face au Lightning, équipe qu’il n’a affrontée que deux fois en carrière, dont aucune cette saison avec les Leafs.

Un faux pas de sa part pourrait donner la chance à Matt Murray de se faire valoir. Auquel cas on priera pour qu’il retrouve sa flamme des beaux jours.

Si les deux s’effondrent, on peut se demander si on ne fera pas appel à Joseph Woll, qui a été dominant dans la Ligue américaine cette saison et qui a bien paru à Toronto dans un échantillon limité.

On y revient chaque année, mais la patience des propriétaires de l’équipe ne sera pas éternelle avec le personnel en place, tant dans la direction que sur la glace.

Les gros canons ont enfin tonné le printemps dernier et ils salivent à l’idée de recommencer. C’est maintenant au tour des hommes masqués de montrer qu’ils peuvent voler une série.

C’est évidemment plus facile à dire qu’à faire. Mais il faudra bien que ça arrive un jour.