Rénover de fond en comble une cuisine et une salle de bains en trois semaines pour moins de 14 000 $? C'est possible. Histoire d'une transfiguration à (très) petit budget... et à grand effet!

Quand Anne-Marie Dion et Sylvain Paradis ont repris possession du deuxième étage de leur triplex, après le départ de locataires fort peu respectueux, ils ont eu un petit accès de découragement. «L'appartement était dans un état lamentable, raconte Anne-Marie. Plutôt que de simplement le repeindre, on a décidé de le rénover, avec l'idée d'en faire un gîte.»

Ils ont donc fait appel à leur ami Hubert Soucy pour rajeunir la cuisine et la salle de bains de ce grand six-pièces au coeur d'Hochelaga-Maisonneuve. Il fallait aussi le meubler et le décorer. Budget alloué pour l'opération: le moins possible. Un beau défi pour Hubert, artiste-décorateur hors normes et champion toutes catégories de la récup.

Anne-Marie Dion, dans son métier de «meublière» (on peut voir sa production sur sa page Facebook), est aussi adepte d'upcycling. Les deux complices s'entendaient donc au départ sur un point: ils n'allaient acheter que le strict nécessaire pour ces travaux. Le reste viendrait de leurs ressources habituelles: les ruelles, les brocantes, les poubelles et... l'insondable quantité de trucs et de machins qu'Hubert a accumulés au fil des ans. «C'est une sorte de maladie mentale, mais je m'assume, dit-il en riant. Des contrats comme celui-ci me donnent l'occasion de me délester d'un peu de stock. Et c'est bon pour la planète! Là, on rénove comme si on était perdus sur une île: on utilise ce qu'on a déjà ou ce qu'on trouve autour de nous.»

C'est ainsi que, dans la salle de bains, une console trouvée dans une ruelle, repeinte et dotée d'un nouveau plateau de bois naturel, est devenue meuble lavabo. Les parois de la douche ont été revêtues de carreaux de céramique des années 50 qu'Hubert a dénichés chez son ami Patrick Girouard, autre fou de récup, propriétaire de l'entreprise De tout pour tout, à Terrebonne. 

En retirant la céramique qui dallait le sol de la salle de bains, Hubert et Anne-Marie ont constaté qu'elle cachait un parquet de bois franc. Au lieu de mettre de nouveaux carreaux, ils ont simplement enduit les lattes d'une peinture blanche de type Tremclad... trouvée dans des poubelles. «C'est incroyable, tout ce que les gens jettent, dit Hubert. J'ai déjà repeint un appartement au complet avec de la peinture trouvée sur le bord de la rue!» Évidemment, il précise que, si on a en tête une couleur en particulier, il se peut qu'on doive faire des compromis... 

Cuisine funky

Pour éclairer un peu la salle à manger, Hubert a eu l'idée de l'ouvrir sur la cuisine en y perçant un passe-plat. Côté cuisine, l'ouverture est encadrée d'un amusant jeu de moulures disparates, une manière de patchwork qui est en quelque sorte la signature d'Hubert Soucy.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Hubert a rescapé in extremis les deux tables rondes, que son voisin destinait au camion à ordures. Leur plateau un peu abîmé a été recouvert d'un joli tissu rétro.

Seul matériau neuf jusqu'ici: le plan de travail gris ardoise, trouvé au rayon Tel quel d'IKEA pour la modique somme de 30 $. Les modules d'armoires aux portes vert irlandais, eux, traînaient au sous-sol chez Anne-Marie et Sylvain.

Pour la céramique du dosseret, Hubert a glané, toujours chez Patrick Girouard, un reste de petits carreaux dans des teintes d'orangé et de turquoise, à l'origine pas du tout faits pour aller ensemble. Hubert et Anne-Marie en ont fait une mosaïque rythmée et joyeuse, aussi improbable qu'inattendue. 

Vissé au plafond, un panneau de contre-plaqué trouvé au sous-sol dissimule les fils des luminaires. Sa couleur orange (encore un reste de peinture qui traînait chez Hubert) rappelle les teintes du dosseret, et sa forme trapézoïdale donne une curieuse apparence de hauteur au plafond déjà haut. «Les plafonds suspendus sont à la mode en ce moment, dit Hubert. C'est bien la seule chose à la mode que l'on ait faite ici!»

Visitez le site de De tout pour tout: www.detoutpourtout.com/

Visitez la page Facebook de Meubles par Anne-Marie Dion: https://www.facebook.com/meublesannemariedion/

Peu coûteux

En tout et pour tout, la transformation de l'appartement a coûté 14 000 $, ce qui comprend des travaux de plomberie qui ont touché tout l'immeuble (remplacement de la vieille tuyauterie de fer par du PVC). Sont également inclus : les luminaires fabriqués par Hubert, tout l'ameublement, y compris matelas et sommiers neufs avec housses antipunaises, un climatiseur mobile neuf, les sanitaires (douche et lavabo), neufs également. Les honoraires d'Hubert Soucy entrent aussi dans le calcul. Le mobilier de la salle à manger appartenait à la mère de Sylvain.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Les tables de chevet, fabriquées par Hubert Soucy à partir d'une commode à neuf tiroirs, ont pris leur place de chaque côté d'un lit de fer trouvé dans la ruelle et repeint en noir.

Hubert Soucy: artiste de la récup

Il n'a pas le statut de designer d'intérieur, mais il en a assurément la stature - avec un brin de folie en prime. Depuis tout petit, cet autodidacte baigne dans les décors originaux. «J'étais fasciné par la manière dont ma grand-mère Julienne avait décoré sa maison, se souvient-il. Il n'y avait rien de pareil nulle part ailleurs.»

Hubert Soucy se définit donc comme un artiste-décorateur. Mais aussi comme un collectionneur invétéré, qui voit instantanément le parti qu'il peut tirer d'un objet en apparence sans intérêt. Il a une prédilection pour le kitsch, le rétro, le mélange des genres. Son chez-soi déborde d'objets qu'il a glanés ici et là et soigneusement conservés, au cas où il leur trouverait un usage. «Chez nous, c'est la caverne d'Alibhubert!», dit-il avec ce sourire en coin qui ne le quitte que rarement, reflet de sa timidité.

Un mandat comme celui que lui ont confié Anne-Marie et Sylvain, pour lui, c'est du bonbon: «Avoir carte blanche, savoir que le client me fait entièrement confiance, ça me permet d'exprimer mon sens artistique, de proposer des choses plus audacieuses, d'amener peut-être le client dans des zones qu'il n'aurait pas songé à explorer.»

Ses services peuvent aller de la simple consultation, où il propose aux clients de tirer parti de ce qu'ils ont déjà pour transformer leur intérieur, à la réfection complète d'une cuisine - toujours en pensant réutilisation, récupération, recyclage.

Pour peu que le courant passe avec ses clients, il n'hésitera pas, comme il l'a fait pour Anne-Marie et Sylvain, à puiser dans sa «caverne» s'il songe à un objet qui ajouterait un zeste de fantaisie, un détail amusant, un supplément d'harmonie au décor qu'il concocte. 

Visitez la page Facebook d'Hubert Soucy: www.facebook.com/HubertSoucyDesigner/

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Hubert Soucy, artiste décorateur, ici en voie de transformer une commode à neuf tiroirs en tables de chevet.

Les sources d'Hubert Soucy

 - Les dons d'amis et de voisins;

 - La rue... avec une grande prudence, à cause des punaises;

 - Les bazars de tout acabit;

 - Renaissance, Saint-Vincent-de-Paul et autres centres de dons;

 - De tout pour tout, à Terrebonne; www.detoutpourtout.com

 - Sa réserve personnelle... «Pour ceux qui le méritent!»

Autres bonnes adresses

 - L'organisme à but non lucratif Écoréno: 6615, rue Papineau, Montréal, www.ecoreno.com

 - Centre de rénovation Restore au profit de l'organisme Habitat pour l'humanité, 4399, rue Notre-Dame Ouest, Montréal, http://habitatqc.ca/restore-2/magasine

 - La plateforme Rénocyclage, qui rassemble un carnet d'adresses de centres de recyclage de matériaux de construction partout dans la province, http://www.renocyclage.org/

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Le mobilier de salle à manger appartenait à la mère de Sylvain. Au mur, les photos noir et blanc ont été prises au Nunavik par Sylvain, qui y enseigne la cuisine pendant l'année scolaire. La suspension est l'oeuvre d'Hubert Soucy.