Les habitations vertes coûtent plus cher que les habitations conventionnelles, mais permettent (entre autres) d'économiser sur les factures d'énergie. Incursion dans un univers en constante évolution et de plus en plus accessible.

Réduire leur empreinte et leur facture

Quand ils ont voulu acheter une maison, Geneviève Brossoit et Christian Lemieux se sont entendus sur plusieurs critères. Pour réduire leur empreinte écologique, ils souhaitaient n'avoir qu'une voiture. L'efficacité énergétique de leur future habitation était aussi très importante. Après un certain nombre de comparaisons, la décision s'est imposée d'elle-même : ils ont choisi une maison en rangée visant la certification LEED dans le Faubourg Cousineau, à Saint-Hubert.

« On ne voulait pas de factures d'électricité astronomiques, explique Geneviève, qui a eu son fils Antoine en septembre dernier. On a aimé que les matériaux émettent peu de composés organiques volatils (COV) et soient en partie recyclés. On a aussi aimé que l'eau de pluie soit récupérée. »

Le couple a été séduit par l'aménagement du quartier, conçu pour encourager la marche et le vélo, facilitant l'accès aux transports collectifs. Un million de pieds carrés d'espaces verts (dont 850 000 pi2 seront protégés) sont prévus et une école primaire sera construite près du terrain.

Le prix demandé était de surcroît très compétitif. La maison en rangée de coin de 2600 pi2 habitables, sur un terrain de 4500 pi2 (sans garage), a coûté 318 000 $ (taxes, aménagement paysager inclus et supplément de 10 000 $ pour un système central de chauffage et de climatisation). La facture d'électricité ? Elle s'est élevée à 260 $, cet hiver.

Le Québec, champion canadien

Geneviève Brossoit et Christian Lemieux ne sont pas les seuls à opter pour un environnement plus vert, au sein du plus important projet de maisons LEED au Québec. Sous l'impulsion des Habitations Mont-Royal et d'Habitation Lussier, 1078 habitations de divers types visant la certification LEED (maisons détachées, jumelées, en rangée, appartements en copropriété) seront construites dans le cadre de la deuxième phase du Faubourg Cousineau. Deux autres phases sont prévues.

Cette explosion d'habitations certifiées LEED à Longueuil s'ajoute à toutes celles de l'île de Montréal (particulièrement dans Saint-Laurent), des Laurentides, de l'Estrie, etc. Le Québec se classe d'ailleurs au premier rang du Canada à ce chapitre : la province abrite la moitié de toutes les unités certifiées du pays, et ce, sans compter les condos dans les gratte-ciel détenant la certification LEED NC (Nouvelle Construction), comme ceux de L'Île-des-Soeurs.

Au total, depuis 8 ans, plus de 1330 unités résidentielles québécoises ont obtenu cette certification décernée par le Conseil du bâtiment durable du Canada ou l'U.S. Green Building Council.

« La certification LEED est en croissance, c'est sûr, à mesure que la philosophie de qualité sous-jacente, la culture d'inspection et les mesures prises pour améliorer la performance énergétique des bâtiments sont mises de l'avant », constate Emmanuel Blain-Cosgrove, directeur d'Évaluations Écohabitation, l'organisme qui accompagne les constructeurs québécois visant la certification LEED pour leurs habitations.

Les inscriptions au programme demeurent toutefois peu répandues, représentant moins de 5 % des mises en chantier annuelles québécoises.

Intérêt grandissant pour Novoclimat 2.0

Après un départ plus lent qu'anticipé, le programme Novoclimat 2.0 pour les maisons détachées, jumelées et en rangée, lancé en septembre 2013 pour encourager la construction d'habitations à haute performance énergétique et respectueuses de l'environnement, soulève aussi un intérêt grandissant. En date du 6 avril, plus de 500 maisons ont été inscrites au programme, révèle Nicolas Bégin, porte-parole du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles du Québec.

Marie-Andrée Croteau et Marc-André Girard figurent parmi les premiers à avoir acheté une maison Novoclimat 2.0.

« Ce n'était pas notre intention au départ, mais en allant voir différents constructeurs, l'idée de réduire les dépenses liées à l'électricité s'est imposée, indique M. Girard, père de deux fillettes, Laurence et Justine. La certification Novoclimat 2.0 est devenue un critère d'achat, à prix pas mal égal. »

Choisissant de s'établir en banlieue de Montréal, le couple a opté pour une maison détachée avec quatre chambres à l'étage, une salle de bains au sous-sol et un garage. Le prix pour cette habitation de 1496 pi2 (excluant le sous-sol) : 305 000 $ (incluant les systèmes de chauffage et climatisation centraux et les taxes).

Une trouvaille : le thermostat intelligent Nest, qui permet de varier la température intérieure en fonction des habitudes de la maisonnée, même à distance. Chaque mois, un rapport comparant la consommation d'énergie à celle du mois précédent est envoyé.

« On fait attention, reconnaît M. Girard. Quand on est là, on met le thermostat à 20 degrés. Quand mon père vient, on monte la température à 22 degrés, parce qu'il est frileux. En notre absence, la température baisse à 16 degrés. On a aussi mis des ampoules à DEL partout. »

Résultat : en janvier et février, la facture d'électricité de la famille s'est élevée à 380 $. Pas mal du tout, lui rappelle son rapport Nest. Pour avoir choisi 31 fois au cours du mois de mars une température écoénergétique, le logis se classe parmi les 10 % meilleurs « Nesters » au Québec.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Geneviève Brossoit et Christian Lemieux ont choisi de voir grandir leur petit Antoine dans l'environnement vert créé dans le Faubourg Cousineau, à Saint-Hubert. Leur maison a obtenu la certification LEED niveau argent le 1er décembre dernier.

Vivre dans 192 pi2

Depuis décembre 2014, Gabriel Parent-Leblanc habite presque à temps plein dans sa micromaison de 192 pi2 garée à l'arrière de la maison familiale, à Bois-des-Filion. Une lubie ? C'est plutôt sa façon de mettre en pratique ses convictions écologiques et de prouver qu'on peut très bien vivre avec une empreinte minimale.

Biologiste, il venait de terminer sa maîtrise en gestion de l'environnement, axée sur la construction écologique, lorsqu'il s'est intéressé au mouvement des Tiny Houses, aux États-Unis. Lui-même désirait une habitation à la fois abordable et écologique. Avec l'aide de parents, d'amis et de bénévoles, il a mis six mois pour construire sa micromaison sur roues. Sceptique au départ, il partage aujourd'hui son expertise grâce à l'entreprise qu'il a fondé, Habitations MicroÉvolution.

« Il manquait une option quant à l'habitation, explique le jeune entrepreneur de 28 ans. Les maisons ne sont plus achetables et beaucoup de gens ne veulent pas s'endetter pour 25 ans. Une habitation sur roues comme la mienne coûte habituellement entre 40 000 $ et 50 000 $. »

Tous les matériaux ont été choisis en fonction de leur impact environnemental (empreinte carbone, gestion en fin de vie, etc.). « Les matériaux les plus écologiques sont ceux que l'on n'utilise pas », fait-il remarquer.

« On vit au-dessus de nos moyens, déplore-t-il. Dans les maisons trop grandes, il se dépense une somme astronomique d'eau et d'énergie. Chaque pièce inoccupée doit quand même être chauffée. »

Dans sa micromaison dotée d'une toilette à compost, d'une douche et d'un seul robinet à très faible débit (dans la cuisine, située à côté de la salle de bains), il consomme de 30 à 40 litres d'eau potable par jour. C'est moins de 10 % de ce que consomme en moyenne quotidiennement chaque Québécois (424 litres d'eau), fait-il remarquer.

Sa maison est bien orientée pour profiter des chauds rayons du soleil. Il a recours à des panneaux solaires photovoltaïques, à un chauffe-air solaire et à une chaufferette d'appoint, de sorte que sa facture d'énergie s'est élevée à 100 $ pour tout l'hiver.

Aller plus loin

Dans l'industrie de la construction, les efforts pour diminuer les émanations de gaz à effet de serre et réduire les impacts sur l'environnement se multiplient. Poursuivant des objectifs de plus en plus ambitieux, les actions prennent différentes formes. Mais elles sont encore le fait d'une minorité, qui trace la voie.

Benoit Lavigueur, qui s'emploie à démontrer que les maisons écologiques ressemblent aux autres habitations et peuvent se faire avec le même budget, est le premier en Amérique du Nord et le seul au Canada à avoir obtenu le titre de « Héros du climat » pour son action contre les changements climatiques.

Le jeune homme de 31 ans, de Sainte-Martine, ouvre les portes de sa maison hyperverte à des groupes de visiteurs pour leur donner le goût de passer à l'action. Son entreprise Belvedair étant spécialisée dans la conception et la construction d'habitations écologiques, il bâtit actuellement une maison à Bolton-Est pour élargir sa clientèle et aller encore plus loin.

Servant de modèle, elle est construite en visant les certifications Maison Passive (PassivHaus), LEED Platine et Neutre en carbone (cette certification a été lancée par Belvedair et Planetair, l'automne passé).

« Je dis toujours que je ne suis pas écolo, je suis cheap, indique avec humour Benoit Lavigueur. Oui, une maison écologique coûtera un peu plus cher et l'hypothèque sera un peu plus élevée. Mais ce sera largement compensé par les économies en frais de chauffage. J'aime beaucoup les petites maisons de 1400, 1600 pi2, à l'espace optimisé. Elles coûtent moins cher à construire, entretenir, réparer et chauffer que des maisons plus grandes. »

Sa motivation ? Laisser un monde meilleur à ses deux fils, Élie et Félix, qui ont respectivement trois ans et demi et un an et demi. Il veut montrer l'exemple. Et faire réfléchir sur le coût écologique de chacun des choix effectués, au-delà du coût économique.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Depuis décembre 2014, Gabriel Parent-Leblanc habite presque à temps plein dans sa micromaison de 192 pi2 garée à l'arrière de la maison familiale, à Bois-des-Filion.

Autres certifications inspirantes

Rencontre avec trois propriétaires d'habitations vertes qui nous expliquent leur motivation.

Énergie nette zéro

Bernard Morin et sa conjointe emménageront bientôt dans l'un des six condos à énergie nette zéro bâtis par Construction Voyer, à Laval, dans le cadre d'un projet de recherche réalisé avec Ressources naturelles Canada et Owens Corning Canada. L'idée d'habiter dans un bâtiment qui consomme autant d'énergie qu'il en produit l'a séduit. « Nous avons une maison de campagne qui nous coûte déjà assez cher de chauffage », souligne le propriétaire expérimenté, qui suivra à l'aide d'une application ce que son unité consomme et l'énergie générée par les 146 panneaux solaires photovoltaïques tapissant le toit et les murs de l'immeuble. Le prix de son condo de deux chambres (1373 pi2), profitant d'une isolation accrue : 308 000 $.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Bernard Morin suivra à l'aide d'une application ce que son condo consomme et l'énergie générée par les 146 panneaux solaires photovoltaïques, qui tapissent le toit et les murs de son immeuble en copropriété.

Maison passive (PassivHaus)

Philippe St-Jean, accrédité LEED et PassivHaus, sa conjointe Leah Schwalb, ses frères et sa soeur réalisent l'ambitieux projet Osora, dans le Plateau. Profitant de l'expertise de l'entreprise familiale St-Jean & Fils Construction, ils ont acheté pour y habiter deux duplex datant de 1885 (700 000 $), qui deviendront parmi les premiers au Québec à obtenir la certification PassivHaus. Le carré de bois d'origine a été conservé et la façade, reproduite. Le reste a été refait afin que les besoins en énergie de chauffage atteignent un maximum de 15 kWh/m2 par an (environ 10 % des besoins d'une maison classique bien construite). Le soin accordé à la conception a aidé à réduire les coûts (environ 200 000 $ par bâtiment).

ILLUSTRATION FOURNIE PAR ATELIER TAUTEM

Le projet Osora, dans le Plateau, réalisé par plusieurs membres de la famille St-Jean, est ambitieux. Deux duplex datant de 1885 sont transformés en trois habitations qui seront parmi les premières au Québec à obtenir la certification PassivHaus. Le carré de bois d'origine a été conservé et la façade, reproduite. Le reste est entièrement refait.

Certification neutre en carbone

Julie Girard a poussé loin sa démarche verte lorsqu'elle a fait construire sa maison à Sainte-Lucie-des-Laurentides, dans l'écovillage Terre de la Réunion. Elle s'est servie des critères du programme LEED, point par point, pour prendre diverses décisions, si bien qu'elle pourrait obtenir une certification LEED Platine. En plus d'avoir reçu la certification Novoclimat 2.0, la designer d'intérieur est devenue la première à obtenir la certification Neutre en carbone, lancée par Planetair et Belvedair pour compenser les émissions de gaz à effet de serre émises tout au long du cycle de vie d'une habitation (une facture de 2000$ dans son cas). Sa maison de 1720 pi2 a coûté environ 300 000 $ (excluant le terrain).

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

La maison de Julie Girard, à Sainte-Lucie-des-Laurentides, est la première au Québec à détenir la certification Neutre en carbone. Déjà certifiée Novoclimat 2.0, elle pourrait obtenir la certification LEED, niveau platine.