Le soleil à peine levé, avant de partir au travail, Daniel Poulin arrose le jardin et... le bout de toit à hauteur d'homme qui dépasse du mur de sa maison, conséquence d'un agrandissement du garage réalisé par le propriétaire précédent. «J'aime ce moment de la journée», confie le Johannais, proche de la terre, puisqu'il a grandi sur une ferme.

La bande de toit de dix pieds sur quatre s'est transformée en potager, où Suzanne, la dame de la maison, vient s'approvisionner, au petit bonheur des besoins culinaires: laitues Boston ou romaine, basilic, thym, menthe...

«Ça ne fait pas loin pour aller cueillir les fines herbes!», dit-elle. Daniel veut construire bientôt deux ou trois gradins, afin de lui éviter de prendre chaque fois l'escabeau.

Quant à leur petit-fils Zacharie, trois ans et demi, son enthousiasme à cueillir les fraises sauvages et les tomates cerises sur le mini-toit ne tarit pas. Son grand-père s'en réjouit, désireux qu'il soit conscient de l'importance de la terre.

«Il ne restait plus que cette surface à aménager, dans notre cour, affirme Daniel. De plus, le bardeau d'asphalte de cette bande de toit était très attaqué par le soleil.»

Le couple a fait appel à Antoine Trottier, conseiller en horticulture et cofondateur de La ligne verte, une entreprise de jardins sur les toits. Ce diplômé en sciences de l'environnement a eu la piqûre au cours d'un voyage en Allemagne. «On y voit plein de petits toits verts extensifs - minces et de peu d'entretien -, sur les hangars, les abris d'autobus, les abris à vélos.»

Espace vert

Une petite famille d'Outremont, par ailleurs, possède elle aussi une bande végétalisée par La ligne verte sur un cabanon. Valérie Psyché et Marc Blanchard réalisaient des travaux plus vastes orchestrés par l'architecte Éric Majer.

«Je tenais au toit vert pour des raisons esthétiques, explique Valérie. Ce petit espace de nature est bien visible de l'étage, par la grande baie vitrée de la salle à manger. On profite aussi de sa vue dans la pièce de vie principale, située au rez-de-chaussée, et dans la chambre des enfants, largement fenestrée. Par ailleurs, un toit vert correspond à nos valeurs écologiques.»

Le cabanon lui-même n'est pas isolé, ni chauffé. «Je pense qu'avec son couvert végétal, il sera moins froid en hiver et plus frais en été», conclut Mme Psyché.

Des toits robustes

La toiture à végétaliser doit d'abord être protégée par une membrane de drainage, elle-même recouverte d'une couche de feutre absorbant puis d'une membrane antiracine. Avec quatre pouces de terreau, le système pèse 20 livres par pied carré.

«Il faut l'approbation d'un ingénieur en structure, prévient M. Trottier, pour s'assurer que la toiture peut supporter cette charge, en plus de celle de la neige en hiver. Souvent, on doit doubler la force du toit, donc doubler les colombages. On ne s'improvise pas poseur de toit végétalisé, même de petites dimensions. Il est préférable de faire appel à un professionnel certifié.»

Cependant, l'industrie s'autorégule: au Québec, les quelques fournisseurs de matériaux de toit vert - Hydrotech, Soprema, Xerofloor, Liveroof - ne vendent qu'à des professionnels certifiés. «Ça rassure les assureurs», fait valoir

M. Trottier.

Pour l'installation, il peut arriver qu'un couvreur professionnel recule devant la petitesse de l'aménagement - et du contrat! -, mais un travailleur de l'horticulture devrait y trouver son compte. «Le coût devrait se situer entre 15$ et 20$ du pied carré», dit Antoine Trottier.

Les centreprises Soprema et Liveroof offrent des caissons précultivés pour toitures végétalisées. Cette technique présente le gros avantage de donner une végétation épanouie dès le premier jour l'installation.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Un mélange de cinq variétés de sedum s'épanouit sur cette niche, les racines sont plantées dans quatre pouces de terreau. Des boîtes de végétaux précultivés (Soprabox, de Soprema) ont été déposées sur le toit préalablement étanchéisé. Une création de La ligne verte, visible au Jardin botanique.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Sept variétés de sedum et quelques graminées verdissent le toit de ce cabanon, à Outremont. La surface est de 95 pieds carrés.