Jonathan Boucher et Mélissa Baillargeon ne connaissaient rien à la construction écologique, il y a cinq ans. Mais ils en avaient marre de demeurer dans une vieille bâtisse mal isolée, inconfortable, où on respire mal. «Pendant trois ans, nous avons réfléchi, fait des dessins et mis de côté des matériaux à recycler», relate Jonathan. Leur nouvelle maison, cotée cinq étoiles suivant le programme Victoriaville-Habitation durable, devrait également décrocher bientôt la haute certification écologique Leed platine.

«Nous avons bénéficié d'un bon timing», estime le propriétaire. Et, pourrait-on ajouter, d'un environnement favorable: le couple habite Victoriaville, dite «berceau du développement durable au Québec», et Jonathan travaille pour BF Recycle, une ressource précieuse pour les artisans du Rebut global et autres constructeurs écologiques.

Jonathan a participé aux travaux du début à la fin. Il a dessiné les plans, qui ont été officialisés par Julie Gosselin, dessinatrice en bâtiment. Avec une application iPhone qui donne le nord géographique, il a déterminé l'orientation plein sud de sa maison et marqué son contour aux piquets, travail qui a été validé par un arpenteur. «Je suis fier de n'avoir abattu que sept grands arbres pour construire, confie-t-il. Par ailleurs, le réseau de plomberie est des plus compacts, ce qui minimise les pertes de chaleur.»

Récup extrême

L'appareil de géothermie a été acheté à rabais à un propriétaire qui trouvait le sien trop peu puissant. Le plancher du rez-de-chaussée a été isolé de panneaux de chambre froide, lesquels sont constitués de six pouces d'uréthane entre deux tôles. «La remorque qui les transportait est passée au feu, raconte Jonathan. Sur 35 pieds de longueur, les panneaux en avaient encore 12 de bons. C'était assez pour couvrir nos 960 pieds carrés.»

La poutre de bois lamellé-collé qui soutient l'étage a été trouvée abandonnée et noircie par la pluie. «Il lui a fallu un gros coup de sablage puis un verni à l'eau, rapporte Jonathan. D'autres morceaux de cette poutre ont été sciés pour devenir les marches de l'escalier.»

Un important lot d'érable à plancher pour gymnase, rejeté parce qu'il n'était pas assez pâle, couvre maintenant le plancher de l'étage (teinté en brun), et le dessus d'un îlot sur roulettes, dans la cuisine.

Le cèdre rouge de l'Ouest, qui recouvre la maison à l'extérieur, n'aurait pas été écologique s'il n'avait été récupéré, pêle-mêle et abîmé, d'un déraillement de train, puis débité en planches de cinq pieds par une entreprise locale, Les moulures D. Simoneau. Les planches embouvetées du soffite viennent du même lot.

Très étanche

Le résultat au test d'infiltrométrie (payé par la Ville de Victoriaville) est de 0,67 CAH (changements d'air à l'heure), ce qui témoigne d'une grande étanchéité. (Novoclimat exige un CAH sous 2,5.)

La subvention municipale s'élève à 8000$ (maison cinq étoiles), et la subvention Novoclimat, à 2000$. Il faut cependant débourser environ 3000$ pour le processus de certification Leed. Payant, la construction écologique? «Je ne dirais pas ça dans notre cas, dit Jonathan. Il est vrai que les matériaux ne nous ont pas coûté cher. Mais pour faire débiter le cèdre de l'Ouest, par exemple, il a fallu compter pas mal de temps de moulurière. Par contre, ça ne nous coûtera pas cher en énergie ni en réparations.»

Photo: Édouard Plante-Fréchette, La Presse

Une poutre de lamellé-collé récupérée soutient l'étage et a été taillée en marches d'escalier. Le garde-corps sera fait de minces fils de fer verticaux, peu apparents, de la marche au plafond, à tous les quatre pouces.

Quand la construction écologique devient la norme

«Nous n'avons pas fait de calcul de rentabilité pour la Ville, ce n'était pas l'objet de notre démarche, explique le maire de Victoriaville, Alain Rayes. Avec le programme Habitation durable, nous cherchions plutôt une façon d'inciter nos citoyens à construire de façon respectueuse de l'environnement. Nous voulons que la construction durable devienne la norme, et que tout citoyen, quel que soit son revenu, puisse poser un geste de construction vert. D'ailleurs, en avril, nous allons lancer le programme «rénovation», que nous préparons avec l'aide d'Écohabitation.»

Le programme Victoriaville-Habitation durable, lancé en juin 2011, distribuera 1,5 million$ en cinq ans. Il décrit et subventionne les maisons selon une cotation en trois, quatre ou cinq étoiles. Pour des unifamiliales détachées, la municipalité donne, respectivement, 3000$, 5000$ ou 8000$. D'autres montants sont prévus pour les maisons en rangée et les immeubles à logements. Alors que des entrepreneurs construisent des maisons à vendre, «clé en main», de trois ou quatre étoiles, les particuliers peuvent se doter d'une maison personnalisée, jusqu'à cinq étoiles, en cochant, à la carte, des items de la grille d'analyse associés à un nombre de points.

«Les constructeurs et les manufacturiers se sont adaptés dans un délai très court, reprend le maire Rayes. Trois mois après les rencontres d'information, 13 maisons modèles étaient terminées.» Certains gens d'affaires, comme les fabricants de fenêtres au cadre en PVC, par exemple, auraient pu se braquer contre un programme qui dévaluait leur produit. «Mais non, poursuit Alain Rayes: zéro levée de boucliers. Une des compagnies a décidé d'offrir les fenêtres aux normes les plus élevées, sans aucun surcoût. Les autres l'ont imitée.

«C'est ça la culture de Victoriaville. Les gens croient en l'importance et en l'urgence de poser des gestes pour l'environnement.»

Le maire Rayes estime que les subventions épongent entre 50 et 70% du coût supplémentaire requis pour atteindre les niveaux trois et quatre étoiles. «Il reste au propriétaire environ 2000$ ou 3000$ de surcoût à financer, sur une maison de 250 000 ou 300 000$, expose-t-il. Et cela, pour une maison qui coûtera moins cher à chauffer, sera confortable et aura une meilleure valeur de revente.»

Photo: Édouard Plante-Fréchette, La Presse

Les portes d'armoire en merisier peint couvrent des caissons de mélamine sans émissions de COV (composés organiques volatils). On remarque les comptoirs en béton, la mosaïque de pierre naturelle, les électro-ménagers Energy Star et les encastrés halogènes qui seront bientôt remplacés par des lumières à DEL (diodes électro-luminescentes).