Agrandir la cuisine, refaire la salle de bains, aménager le sous-sol, faire creuser une piscine, transformer une pièce en cellier ou investir dans un aménagement paysager de rêve? Tous les moyens sont bons pour bien se sentir à la maison. Mais qu'en est-il de l'impact de ces travaux sur la valeur de la propriété? La rénovation, dépense ou investissement?

L'art de maximiser son investissement

On ne regarde pas à la dépense pour personnaliser sa demeure. Mais au moment de la revendre, que récupère-t-on? Forts de plusieurs années d'expérience, trois courtiers immobiliers nous parlent de l'importance de rester en harmonie avec le voisinage et d'éviter les «sur-améliorations».

Lorsque le client entre dans une maison et constate qu'il n'y a pas de travaux à faire avant d'y déposer ses boîtes, il y a un impact positif sur le prix qu'il est prêt à payer. «Les gens qui rénovent et qui réussissent bien, ils font tout pour que l'acheteur ait l'impression d'entrer dans une maison neuve, clés en main. Les rénovations partielles créent davantage un problème, prévient Marc Lefrançois, courtier immobilier chez Royal LePage Tendance. Le client qui achète n'a pas le choix de se dire qu'il y aura des travaux à faire, et c'est là qu'il devient très cartésien.»

«Quand tu vends une maison, tu veux faire rêver, pas calculer.»

Avec le «clés en main», il n'y a pas d'incertitudes, de risque de dépassement de coûts ou autre. Tout est déjà là, prêt à être habité. «Si on vise un résultat sobre et bien fait, ça peut valoir la peine de rénover. La clé, c'est de rester raisonnable dans les projets et les matériaux, puis de se garder des marges de manoeuvre sur le projet pour pouvoir s'ouvrir sur un marché plus large. J'ai souvent vu des clients qui ne peuvent pas revendre tout de suite après les travaux parce qu'ils ont mis trop d'argent», explique le courtier James Morris, de l'Équipe immobilière Bardagi chez Re/Max du Cartier.

Rénover, puis recommencer

Choisir des matériaux qui ne correspondent pas aux attentes d'un futur acheteur peut avoir un impact négatif sur le rendement de l'investissement, surtout lorsqu'il s'agit de maisons situées dans des secteurs haut de gamme. «J'ai un client, en 2015, qui a décidé de refaire sa cuisine. Il a choisi un modèle standard à 12 000 $, dans un magasin à grande surface, donne en exemple M. Lefrançois. Difficile d'aller plus bas que ça. Ça a donné une cuisine relativement propre. Puis on a vendu la propriété.»

Difficile de dire si l'argent a été récupéré, mais si le vendeur croyait avoir fait une bonne affaire en rénovant la cuisine, le nouvel occupant voyait les choses bien différemment. Peu de temps après la vente, l'ancien propriétaire est passé dans la maison pour se rendre compte que l'acheteur était en train de refaire la cuisine. Ce genre de rénovation bon marché avantage rarement la valeur d'une propriété.

Le bon projet, pour le bon quartier

Marc Lefrançois se souvient aussi d'un exemple de rénovation à succès à Mont-Royal: «J'ai vu une maison à paliers multiples achetée 1,2 million, dans laquelle le propriétaire a investi 800 000 $. Au moment de revendre, en offres multiples, on a obtenu 2,7 millions. On a réussi à avoir ce prix-là parce que les choix étaient très judicieux et que le projet s'est fait avec l'aide d'un architecte et d'un designer.» Et comme la clientèle du secteur recherche du haut de gamme, les propriétaires ont misé juste avec un projet d'une telle envergure.

À l'inverse, dans un quartier de jeunes familles, un couple sans enfant qui achète une maison pour transformer le deuxième niveau en une immense chambre de style loft ou qui décide d'aménager un grand cellier à vin au sous-sol pourrait, pour sa part, avoir de la difficulté à récupérer son argent. «À la revente, le client typique du quartier, c'est la famille, affirme M. Lefrançois. Même si c'est très beau, ce sont des rénovations hors normes qui représentent des sous mal investis. Si ce n'est pas très utile ou si ça devient trop niché, c'est difficile de trouver le client qui acceptera d'en payer le prix.»

Sa maison, ses voisins

Au moment d'évaluer la valeur marchande de la propriété, on se base sur les produits comparables dans le même secteur. Ainsi, le propriétaire qui planche sur un projet de rénovation et qui espère du même coup augmenter la valeur de sa maison doit prendre en considération son emplacement.

Michel St-Onge, courtier chez Via Capitale Rive-Nord, donne l'exemple des aménagements extérieurs: «Si la propriété est la seule avec une entrée en asphalte alors que tous les voisins ont des stationnements en pavé uni, elle se vendra moins cher. Mais investir pour des blocs de pavé uni dans un secteur où toutes les maisons ont des entrées asphaltées, ça ne vaut pas la peine. Même chose pour les cuisines extérieures, les piscines creusées ou les spas. Il y a des quartiers où il n'y a pas de demande pour ce genre d'aménagement ou d'installation. Dans ces cas-là, on ne peut pas espérer récupérer son investissement.»

En plus de prendre en compte la clientèle d'un quartier, il faut aussi considérer le prix maximal que le quartier peut absorber: «Si l'investissement dans une cuisine force le dépassement du prix maximum moyen du secteur, même si, de façon générale, on dit que l'on récupère habituellement l'argent d'une nouvelle cuisine, on n'y arrivera pas, prévient M. Lefrançois. Dans ce cas, on le fait pour soi, mais pas pour la revente. D'être la maison la plus chère de la rue, ce n'est jamais très bon.»

Pour une approche équilibrée

Pour que des rénovations soient payantes, il faut arriver à maximiser le rendement du capital investi. Le bon projet, dans le bon secteur, pour la bonne clientèle. Des professionnels de la rénovation et du design se prononcent.

Lorsque l'on rénove et que l'on souhaite récupérer son argent à la revente, les coûts alloués au projet ne devraient pas, c'est logique, dépasser l'augmentation potentielle de la valeur de la propriété. «Ceux qui dépassent cette limite, ce sont ceux qui ont une perspective à long terme», remarque Éric Sansoucy, copropriétaire du Groupe SP Réno urbaine et ancien chroniqueur habitation à l'émission Libre-service à MAtv. 

La jeune famille de professionnels qui achète une maison avec comme plan de l'habiter longtemps dépense et l'aménage dans le but de se faire plaisir, pas pour récupérer l'argent en vendant ou pour faire un profit. À titre d'exemple, l'entrepreneur cite un projet qu'il vient de terminer: un client a dépensé 120 000 $ pour l'aménagement d'une suite des maîtres. «S'il vend demain, c'est certain qu'il ne pourra pas récupérer son argent, mais il l'a fait pour lui», illustre-t-il.

Si, pour s'encourager, des propriétaires estiment avoir fait des choix judicieux en rénovation lorsqu'ils voient la valeur de leur propriété augmenter, il ne faut pas penser à tort que c'est uniquement en raison des travaux. «S'il y a croissance dans le marché, la maison aurait pris de la valeur quand même, avance Éric Sansoucy. Il faut calculer la prise de valeur naturelle et celle avec rénovation pour juger si la rénovation a été rentable.»

Bien entendu, plus rapidement on prévoit mettre en vente la propriété, plus modestes devraient être les améliorations ou rénovations afin de limiter les pertes.

Le «goût du jour»

L'expression est bien connue dans le domaine immobilier: rénové au goût du jour. Mais qu'est-ce que ça signifie réellement ? Pour Marco Brissette, designer certifié par l'Association professionnelle des designers d'intérieur du Québec, c'est quelque chose de très nuancé.

«Ça veut dire que ça a été rénové récemment et... c'est à peu près tout. Le goût du jour pour un est très différent du goût du jour pour un autre. Ça ne veut pas dire que ça conviendra à tout le monde.»

Le goût du jour non seulement varie d'une personne à l'autre, mais varie aussi dans le temps. Alors, comment refaire sa cuisine ou aménager un sous-sol aujourd'hui pour ne pas qu'il soit démodé dans cinq ans?

«Le designer d'expérience est constamment alimenté par les nouveautés en matière de design, de matériaux, de textures, d'objets décoratifs, de finis, etc. Son rôle est de voir dans l'avenir, illustre M. Brissette. La notion de goût du jour, c'est une chose, mais il faut avant tout que la personne soit heureuse, se sente bien dans son environnement et que les travaux soient adaptés aux changements de vie: enfants à venir ou enfants qui quittent la maison, l'idée de transformer en bigénération, travail à la maison envisagé, etc.»

Bien s'entourer 

«Ça ne vaut pas la peine de rénover ou d'améliorer avant de vendre, sauf si la personne est aguerrie en construction et en investissement immobilier», croit Marco Brissette, qui fait partie de l'équipe de acdf* architecture, design urbain, intérieur. C'est pourquoi bien s'entourer dans un projet peut aussi augmenter ses chances d'obtenir un bon rendement de son investissement.

L'entrepreneur, le designer ou le courtier immobilier connaissent bien les marchés et sont à même de guider le propriétaire dans son projet lorsqu'il envisage une vente à court ou moyen terme. «Si la personne se donne 15 000 $ pour rénover une cuisine, même si c'est peu, le designer est en mesure de lui dessiner une cuisine avec des modules, qu'il habillera un peu pour qu'au final, on ait l'impression qu'il s'agit d'une cuisine à 25 000 $, assure M. Brissette. Nous sommes des créatifs qui en donnent le plus au client, toujours selon son budget.»

Photo Sarah Mongeau-Birkett, archives La Presse

Pour que la cuisine rénovée ne soit pas démodée dans cinq ans, et ainsi préserver son investissement, on peut faire appel à des professionnels.

Des choix bien ciblés

La déception peut être grande lorsque l'on fait le total des factures de rénovation et d'amélioration de sa propriété et qu'on compare le tout à la valeur marchande que lui donne un évaluateur. Plusieurs variables entrent en ligne de compte pour calculer son rendement de l'investissement.

Même si l'on peut dresser une liste des bons et moins bons investissements dans le cadre de projets de rénovation, Patrick Soullière, membre de l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec, insiste sur le fait que toutes les évaluations de valeur marchande sont différentes. «On ne peut pas se baser uniquement sur des chiffres et des formules mathématiques. Il faut considérer l'ensemble. Investir 40 000 $ dans une salle de bains d'une maison de 150 000 $, c'est complètement différent que d'investir le même montant dans une maison de 500 000 $. Mettre des matériaux haut de gamme dans une propriété de premiers acheteurs, ce n'est pas le meilleur choix si l'on souhaite maximiser ses chances de rendement.»

Remplacer ou améliorer?

L'évaluateur poursuit en rappelant que le fait de modifier ou remplacer quelque chose qui est déjà en bon état a habituellement peu d'impact sur la valeur de la propriété: «Quelqu'un qui achète une maison où les armoires de cuisine sont en bonne condition et au goût du jour et qui décide de les changer, ça n'apportera pas beaucoup de valeur à la maison. Par contre, si, à l'achat, les installations sont désuètes et qu'on les remplace par quelque chose de neuf, là, ça peut avoir un impact sur la valeur.»

Quant au choix des matériaux, le luxe n'est pas payant à tout coup. Entre choisir un bois franc à 15 $ le pied carré ou celui à 7 $ le pied carré, l'acheteur moyen qui visitera la propriété n'est pas nécessairement au courant de toutes les qualités de plancher. Bien souvent, il ne verra pas la différence. Pour M. Soullière, la grande question est donc la suivante: «Combien de plus l'acheteur moyen est-il prêt à payer pour un élément donné? C'est ce qui permet de déterminer la réelle valeur contributive d'un projet de rénovation.»

L'Institut canadien des évaluateurs a produit une brochure informative pour tirer le maximum d'un projet de rénovation. 

Quel retour sur l'investissement?

Les rénovations de la salle de bains et de la cuisine permettent d'espérer un retour de 75 à 100 % de la valeur investie. Dans le cas de la rénovation d'un sous-sol, l'ajout d'une salle familiale, l'installation d'un foyer, le changement des portes et fenêtres ou la construction d'un garage, on parle plutôt d'un taux de récupération de 50 à 75 %. Quant à eux, la piscine, la clôture et l'aménagement paysager sont des travaux qui n'offrent pas de très bons retours sur le capital investi. Bien entendu, ces chiffres dépendent de l'ampleur des travaux, du type de propriété et du secteur dans laquelle elle se situe.

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Source: Institut canadien des évaluateurs

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

«Si on vise un résultat sobre et bien fait, ça peut valoir la peine de rénover. La clé, c'est de rester raisonnable dans les projets et les matériaux», explique James Morris, courtier chez Re/Max du Cartier.