Plutôt que d'investir dans un chalet, un couple de designers a choisi la ruralité et restaure une maison québécoise ancestrale en résidence secondaire, dans Lanaudière. Une façon d'acquérir un décor vintage authentique. Visite.

Sur les traces du passé

Il y a deux ans, les designers montréalais Benoit Gérard et Alexandre Blazys, fondateurs de blazysgérard, ont acquis une ancienne maison de ferme, à Saint-Gabriel-de-Brandon, en guise de résidence secondaire. Depuis, ils la restaurent en remontant le fil de son histoire.

«Je suis un petit gars de la campagne, avoue Benoit Gérard, 41 ans, qui a grandi à Saint-Gabriel-de-Brandon. Mon arrière-grand-mère avait déjà une maison ici et mes parents y résident toujours. La plupart des week-ends, Alexandre et moi allions chez mes parents (dans notre espace à l'étage) pour s'évader de la ville et par besoin de nature», confie Benoit, qui, la semaine, habite avec son conjoint dans un condo situé dans Hochelaga-Maisonneuve. 

Il y a deux ans, la marraine de Benoit accepte de leur vendre sa maison inoccupée, une résidence à étage des années 1850.

Opération restauration

Restaurer cette vieille maison dans un état précaire n'est pas une mince affaire. «C'est plus long que prévu, admet Benoit. On fait tout nous-mêmes avec l'aide d'artisans qui prennent le temps de bien faire les choses.»

Chaque fin de semaine, les designers, réputés pour leurs aménagements de résidences cossues et de restaurants, mettent la main à la pâte. «On vit à une époque où on travaille seulement avec sa tête devant des écrans. Alexandre et moi avions envie de réfléchir avec nos mains. C'est pour cette raison que ce projet de restauration nous inspire autant. Cette maison était restée dans son jus et on voulait découvrir son histoire. On l'épluche. On retrace ses périodes. C'est un conte en soi», explique Benoit, qui a accumulé de la documentation sur la maison et sur les techniques de restauration. Ce dernier précise que l'habitation originale a été construite par Simon Elliott, «l'un des ancêtres maternels de Pierre Elliott Trudeau et plusieurs générations de Remington s'y sont succédé».

Une question de style 

Le couple a choisi de restaurer sa maison québécoise dans l'esprit du style victorien qu'elle avait autour de 1880. «Avec une ornementation néo-grecque», indique Benoit. À titre d'exemple, il note la parfaite symétrie de la façade du corps principal et les colonnes à rainures, décorées de feuilles d'acanthe. La grande galerie et le revêtement de bois sont remis en bon état et repeints. Les designers vont remplacer les actuelles portes par de vieilles portes en bois récupérées qui correspondent à l'époque. Quant aux fenêtres, elles ont été remplacées par une reproduction fidèle, fabriquée localement, du modèle du corps principal.

Vintage québécois 

Pas question de réaménager les lieux en ignorant son passé. «Mais nous intégrons tout de même tout le confort moderne», nuance Benoit. 

Le couple a mis à nu l'intérieur afin de retrouver l'essence de la maison et mettre en valeur ses éléments originaux.

«Au Québec, les gens dépensent des fortunes à faire du faux vintage. Mais pourquoi imiter quand on a une mine d'or de maisons réellement anciennes. On est en train de perdre tout un héritage architectural et culturel populaire», pense Benoit qui, avec Alexandre, a sciemment opté pour un paysage rural. «La ruralité fait partie de nos racines. Ça nous ramène au moment présent, à la nature et à un meilleur équilibre.»

Secrets de chantier 

Première étape du chantier: dégarnir. Une trentaine de jours ont été nécessaires pour retirer les couches successives de revêtements, à l'intérieur. «On se sentait comme des archéologues, révèle Alexandre Blazys, 38 ans. Nous avons d'ailleurs été très émus lorsque nous avons réalisé que les plafonds et que certaines cloisons en lattes de bois étaient intacts, sans parler des sols en bois, tous originaux. Nous avons découvert des traces au sol laissées par les murs d'origine. Ce qui nous a permis de reconstruire les cloisons là où elles se trouvaient au début. Quel bonheur!»

Dans la foulée, plusieurs secrets ont été dévoilés. «Nous avons, entre autres, trouvé une veste de petit garçon et quelques corsets dans l'entretoit et des bouteilles de gin enterrées près de l'ancienne fournaise, au sous-sol», détaille Alexandre.

Après, les propriétaires se sont attaqués aux fondations. Ils ont, notamment, creusé le sous-sol pour le drainer convenablement et pour couler une dalle de béton sous la cuisine d'été. Ils ont ensuite rehaussé les planchers qui s'étaient affaissés. «Nous effectuons les travaux à notre rythme, selon nos moyens pour ainsi éviter toute pression financière. Bref, il nous faudra encore deux bonnes années pour terminer», concluent-ils.



Photo André Pichette, La Presse

Les propriétaires: Benoit Gérard (à gauche), 41 ans, et Alexandre Blazys, 38 ans. Au premier plan, leur labrador Nuttah.

La première maison...

Derrière la résidence ancestrale des designers se trouve une autre construction... Minuscule, c'est la première maison des lieux! 

«Ce lot a été défriché à partir de 1821 et la maison date de ces années-là. C'est un volume simple avec une seule pièce pour toute la famille, raconte Benoit Gérard. La structure a été taillée à la hache. Un treillis a ensuite été fixé sur les colombages et une couche de plâtre, encore en place, a été appliquée.»

D'abord maison principale, ce petit bâtiment servira de cuisine d'été lors de la construction de la résidence principale vers 1850. «En 1880, elle deviendra un rangement derrière la nouvelle cuisine d'été, enchaîne le designer. Dans les années 30, elle sera séparée de la maison et transformée en forge, puis en hangar. Aujourd'hui, elle nous sert de rangement saisonnier, d'atelier et d'espace de réception rustique.» 

Côté aménagement, de vieux objets laissés sur place - de la fourche à foin aux cannes de tabac - sont demeurés intacts et les murs décrépis n'ont visiblement pas été retouchés. D'où l'ambiance «bohème trash» ou «luxe brut» de l'endroit, un style qui a toujours la cote en déco. 

Enfin, l'esprit authentiquement rustique de l'atelier est rehaussé par un petit poêle à bois, une trouvaille chez un antiquaire du coin, et une ancienne chaise chinée, qui agit comme un bel objet d'accent québécois.

Photo André Pichette, La Presse

La toute première maison des lieux date de la décennie 1820.