C’était un dimanche de novembre 2016. J’étais parmi un groupe de journalistes entassés à l’arrière d’un petit café du boulevard Saint-Laurent, à Montréal. Paul St-Pierre Plamondon nous avait convoqués pour nous dire qu’il avait reçu une mission, et non la moindre : relancer le Parti québécois.

PSPP s’était vu confier le mandat de renouveler la formation politique par son nouveau chef, Jean-François Lisée. Il comptait lancer des consultations à travers le Québec. « Les ambassadeurs iront parler à ceux qui ont des réserves, ou qui ont déjà voté PQ et qui ne votent plus PQ », avait-il expliqué.

L’heure était grave. Les appuis au PQ s’effritaient. Il fallait tout faire, et vite, pour sauver le bateau à la dérive.

Une longue et triste dérive identitaire, qui a eu un effet de repoussoir chez de nombreux électeurs. Des jeunes, des progressistes, des enfants d’immigrants. Tous ceux qui avaient fait du Parti québécois leur maison, mais qui ne s’y retrouvaient plus.

Paul St-Pierre Plamondon et son équipe ont consulté des centaines de personnes, péquistes ou non. Leurs premiers constats étaient durs. « Le PQ des belles années se définissait comme un parti réformiste, inventif et brasse-camarade, alors qu’il serait aujourd’hui décrit par certains comme un parti figé, conservateur et vieillissant », a écrit PSPP en février 2017.

Pour les jeunes consultés, le PQ était le « parti d’une seule génération ». Un parti qui avait eu de très grandes et belles années, mais qui était appelé à disparaître.

PSPP était déterminé à changer cette sombre vision des choses. Il voulait revenir à un nationalisme d’ouverture, celui de René Lévesque et de Gérald Godin. Pour survivre, le PQ devait redevenir « la voix de la relève, de la diversité et des bâtisseurs du Québec ».

Six ans plus tard, nous voici à la veille d’élections cruciales, peut-être celles de la dernière chance pour le Parti québécois.

Or, un récent sondage Léger a montré que seuls 11 % des 18-34 ans avaient l’intention de voter PQ, contre 36 % pour Québec solidaire.

PSPP aurait-il failli à sa mission ?

En entrevue éditoriale, jeudi matin, le chef du PQ semblait serein. Et… pas pressé. La pandémie l’a empêché de se faire connaître auprès des jeunes autant qu’il l’aurait souhaité. De faire connaître son plan de match, aussi.

Mais il aura le temps de le faire, croit-il, au cours des prochaines années. « Ce qu’on dit aux jeunes, c’est qu’on a un projet de société. On a un chapitre à écrire, dans le livre d’histoire du Québec, et c’est vous qui allez tenir le crayon. »

Sa campagne a été exempte de tout dérapage. On ne peut pas en dire autant de tous ses adversaires politiques.

Vraisemblablement, PSPP a retenu quelques leçons des consultations qu’il a menées il y a six ans. À l’époque, il avait noté que la Charte des valeurs proposée par le PQ avait « créé une méfiance » auprès des jeunes. « La manière dont le débat de la Charte des valeurs a été conduit leur fait craindre l’instrumentalisation de certains enjeux ou groupes de la population à des fins partisanes », avait-il écrit.

Cette fois, le PQ n’est pas tombé dans ce piège.

« Vous ne m’entendrez jamais utiliser des mots qui génèrent des sentiments négatifs », souligne Paul St-Pierre Plamondon en entrevue.

Vous ne l’avez certainement pas entendu faire de lien entre l’immigration et la violence, comme l’a fait François Legault. Ni affirmer qu’il serait « suicidaire » de hausser les taux d’immigration au-delà de 50 000 par an, comme l’a aussi fait le premier ministre.

« C’est légitime de parler du modèle d’immigration, admet PSPP, qui propose de limiter le nombre d’immigrants à 35 000 par an. On doit en parler de manière responsable, de sorte que ce soit très clair que tous les Québécois le sont à part entière. »

Il y a eu quelques couacs. Des manchettes qui pourraient faire hésiter une partie des progressistes, jeunes et moins jeunes, à remonter à bord du bateau péquiste. Comme ces propos d’une candidate péquiste de Laval, déterrés par Le Devoir, selon lesquels « l’islam, ce n’est pas nous ».

Encore ce « nous » prononcé en opposition à l’Autre. Le chef péquiste a sommé sa candidate de se rétracter. La critique des religions, ça va. Mais suggérer que « le fait de croire en Dieu pose un problème de société, ça, moi, je n’accepte pas ça ».

Il y a eu des couacs, donc. Soulignons tout de même une chose : en cette ère de clivage politique extrême, alors qu’il est tellement plus facile d’alimenter la colère et de semer la division dans l’espoir de grappiller des miettes de pouvoir, Paul St-Pierre Plamondon s’est révélé un véritable gentleman politicien.

Par son ton respectueux, il a su imposer le respect. Il a brillé aux deux débats des chefs. Il s’est tenu loin des combats de coqs stériles. Surtout, il n’a jamais semblé prendre les électeurs pour des cons. Un véritable exploit.

La question est de savoir si cet exploit arrive trop tard pour renverser la tendance. Selon les sondages, le PQ n’est pas en déclin ; il risque carrément l’extinction, lundi.

Le bateau n’est plus à la dérive. Il coule.

Pendant quatre semaines, Paul St-Pierre Plamondon a voulu convaincre les péquistes déçus – ou attirés par le chant d’autres sirènes – de ne pas laisser sombrer le PQ. S’il n’a pas séduit autant de jeunes que QS, il a probablement charmé des caquistes nationalistes et des péquistes plus âgés qui avaient perdu tout espoir de voir un chef tenir un discours véritablement souverainiste. Dans l’ensemble, en tout cas, son plaidoyer a été persuasif. On saura lundi s’il l’a été suffisamment pour ramener une masse critique d’électeurs au bercail.