Dix ans après Mondovino, documentaire très remarqué sur l'univers du vin, le réalisateur américano-brésilien Jonathan Nossiter cultive de nouveau son amour de la vigne, en célébrant les «résistants» du vin italien.

Ils s'appellent Giovanna Tiezzi et Stefano Borsa, Elena Pantaleoni ou Stefano Bellotti, vivent en Toscane, Émilie-Romagne ou dans le Piémont.

Ils produisent du vin naturel et sont les héros de Natural Resistance, en salles mercredi en France, qui célèbre la rébellion de ces viticulteurs dépeints comme des artistes de la terre.

Ces vignerons à la joie de vivre communicative et au verbe lumineux ont choisi de sortir du système des DOC (Denominazione di Origine Controllata, l'équivalent des Appellations d'origine contrôlée françaises), considéré comme un carcan destructeur du «terroir», un mot qui n'a pas d'équivalent italien et qu'ils envient aux Français.

«Ce sont des rebelles pacifistes, qui ont su proposer un modèle actif, positif, qui ont réfléchi à la manière de repenser le monde, d'opérer une résistance éthique à un système qui ne marche plus, de refuser le marché tout en trouvant une manière de survivre», a expliqué le réalisateur à l'AFP lors du dernier festival de Berlin où le film était présenté en avant-première mondiale.

«Aucun ne ressemble à l'autre, leurs vins ne se ressemblent pas, ils ont trouvé ce point commun: faire différemment. La valeur commune, c'est «liberté pour soi-même et respect pour les autres»», ajoutait-il.

«Pasolini des vignes»

Préserver la relation charnelle à la terre, à la vigne, rendue impossible par les méthodes agricoles préconisées par le marché et ses institutions régulatrices, à coup de pesticides et autres procédés chimiques de transformation, tel est le mot d'ordre de ces producteurs auxquels Nossiter voue une admiration palpable dans ce film de 86 minutes, construit autour de ses conversations avec eux, souvent autour d'une bonne bouteille ou dans leurs vignes.

Tourné l'été dernier, ensoleillé et familial, le film a surgi comme par hasard de ces discussions entre amis, a raconté le réalisateur: «J'ai l'impression que ce n'est pas moi l'auteur, j'ai plutôt l'impression d'avoir été une espèce de sage-femme d'un projet qui s'est fait».

Et même s'il est aussi question de vin, Natural Resistance ne se veut pas une suite de Mondovino, résultat d'une enquête de plus de quatre ans à travers douze pays. Le nouvel opus se veut plus modeste et plus intimiste mais on y retrouve cependant l'amour du réalisateur pour la figure de l'artisan passionné.

L'un d'entre eux, Stefano Bellotti, impressionne par son charisme à la Christopher Walken. Dans son exploitation de Cascina degli Ulivi (Ferme des Oliviers), il crée des vins naturels depuis 25 ans et en l'écoutant raconter son métier, le spectateur voyage entre philosophie, histoire sociale et biologie.

«C'est vraiment le Pasolini des vignes», s'enthousiasme Nossiter, «quelqu'un qui n'a peur de personne, qui s'exprime avec une liberté sauvage et dont chacune des expressions de la pensée a un sens éthique et politique, tourné vers la communauté».

La référence à Pasolini est loin d'être la seule passerelle reliant vin et cinéma. Entre les conversations passionnées avec les vignerons, Nossiter a inséré des séquences de films, «catalogue amoureux de films anticonformistes» auxquels il voulait aussi rendre hommage. Pour le réalisateur en effet, les vignerons naturels sont un exemple de liberté qui doit servir d'inspiration dans d'autres univers, comme le cinéma.

«C'est un modèle de succès éthique, politique et humain» et un message d'espoir aussi, selon le réalisateur qui voit dans Natural Resistance, «le film le plus joyeux et optimiste qu'(il ait) jamais fait».