Devant la caméra : Céline Bonnier, Laurent Lucas et Marianne Fortier. Derrière : Léa Pool. La réalisatrice tourne son plus récent long métrage en plein coeur de l'été, à Beloeil. Provisoirement intitulé Ma mère est chez le coiffeur, c'est le récit de l'été bouleversé d'une fillette. La Presse a visité, le temps d'une journée, le plateau de tournage.

Été 1966. Des portières claquent. La voiture démarre en trombe et tourne au bout de l'allée. Des pneus crissent, un homme en pyjama enlace le capot, dans une tentative désespérée de retenir sa femme. Peine perdue : il retombe sur le sol. L'homme, abasourdi, se relève. Elle est partie. Il ne reste plus rien. À peine un trou béant autour duquel mari et enfants devront se reconstruire.

Dans les yeux d'Élise, la rupture de ses parents, les mensonges et les colères n'ont pas toujours de sens. Entre ses rêves et ses chagrins, la fillette devra reprendre les rennes d'une famille qui déraille. «Tout est vu du point de vue d'Élise (Marianne Fortier), qui essaie de comprendre ce qui se passe, explique la réalisatrice aux journalistes présents sur le plateau de tournage. On n'essaie pas de rentrer dans la psychologie adulte, au-delà de ce que l'enfant comprend.»

Élise, 12 ans, voit donc, un beau matin, sa mère partir pour l'Angleterre. «Élise, c'est l'aînée de la famille. Elle a un caractère fort, et veut garder la tête sur les épaules, raconte, non sans maturité, la jeune Marianne Fortier (Aurore). Élise essaie d'aider son plus jeune frère, et son côté maternel ressort. Elle trouve ça vraiment dur.»

Coiffure sixties, tailleur bleu fushia, Céline Bonnier joue les mères modèles. «C'est une mère de famille très bien organisée, une femme forte. Arrive un événement qui va provoquer son départ. C'est un coup de fouet, il y a une fougue qui sort de sa personnalité», estime la comédienne (Délivrez-moi, Le secret de ma mère).

«C'est un bel univers. D'habitude, les personnages que je fais sont troubles au départ, alors qu'elle est très droite, sans trop de problèmes. Tu sais, le genre de mère impeccable. C'est tellement loin de moi.»

Restent, une fois la poussière retombée, Élise et ses deux petits frères : Coco (Elie Dupuis) et Benoît (Hugo St-Onge-Paquin). L'un, pianiste et chanteur, comme sa soeur et sa mère. L'autre, replié sur lui-même. «Le petit Benoît porte la courbe dramatique du film», note Léa Pool.

Une poésie à la Prévert

Élise va s'épancher auprès de Monsieur Mouche, un original vendeur de mouches sourd comme un pot (Gabriel Arcand). Avec les copains, ce seront les jeux d'été, le premier baiser, la vie, en somme. «Il y a des choses très drôles, des scènes d'une grande poésie, dit Léa Pool. Il y a une poésie de l'enfance à la Prévert.»

Ce n'est pas la première fois que la réalisatrice du Papillon bleu et d'Emporte-moi montre l'enfance. «Je me sens à l'aise avec ces thèmes-là. J'ai toujours un plaisir immense à travailler avec des enfants», dit Léa Pool, qui ne tarit pas de compliments sur Marianne Fortier. «Elle est très solide, elle a une gamme d'émotions impressionnante. J'avais l'impression de retrouver la force de Karine (Vanasse, révélée dans Emporte-moi).»

Ma mère est partie chez le coiffeur est un film qui oscillera entre la tristesse mélancolique et l'insouciance de l'enfance. «C'est une histoire vraiment tragique, avec un traitement plus de comédie. C'est une histoire qui veut faire rire dans son contenu», explique Laurent Lucas.

Le comédien, que l'on verra dans les prochains films de François Delisle, de Carole Laure et de Denis Côté, interprète le père de famille du film, un Français. «On s'est dit que cela changerait des familles très québéco-québécoises que l'on voit dans les films d'époque. Il s'agit ici d'une famille très éduquée, de la première bourgeoisie québécoise», estime la productrice, Lyse Lafontaine.

Entre Céline Bonnier et Laurent Lucas, la magie de la rencontre semble opérer. «Céline et Laurent sont de grands enfants», s'amuse la réalisatrice. Le tournage de Ma mère est partie chez le coiffeur se poursuivra jusqu'à la fin du mois d'août. Doté d'un budget de 4,35 millions, le film, basé sur un scénario d'Isabelle Hébert, prendra l'affiche au printemps ou à l'été prochain.