Pierre-Yves Bernard est l'homme qui, en compagnie de Claude Legault, a mis les mots dans la bouche des membres de l'équipage du Romano-Fafard et dans celle des portiers de Minuit, le soir. Rencontre... du deuxième type.

Impossible de ne pas se questionner avant d'aller... questionner Pierre-Yves Bernard! Quand on sait qu'il est, avec Claude Legault, derrière les concepts de Dans une galaxie près de chez vous et de Minuit, le soir, comment ne pas se demander si la rencontre se fera avec le très droit capitaine Patenaude ou avec l'intense Marc Forest? Avec les deux en même temps, peut-être (allô la schizophrénie)? Ou avec l'un puis l'autre et l'autre puis l'un (salut la personnalité multiple)?

Rien de tout cela. Pierre-Yves Bernard parle doucement, ne torture pas les proverbes, et pèse les mots. Bref, rien que du normal. Et du souriant. D'autant plus que, la veille de l'interview, le tapis rouge avait été déroulé pour l'équipe de Dans une galaxie près de chez vous 2, dont il a signé «90% du scénario» - Claude Legault étant occupé par de multiples tournages.

De part et d'autre dudit tapis, des fans en délire. Ça l'a touché, Pierre-Yves Bernard. Il y a vu l'importance de modèles accessibles pour les jeunes. D'un star system bien d'ici... lui qui n'en fait vraiment pas partie: en deux décennies de carrière, «c'est peut-être la cinquième entrevue que j'accorde», remarque-t-il.

C'est un constat plus qu'une plainte. Il a fait, sciemment, le choix des mots. Ou, plutôt, celui de la création: ce qui l'intéresse, c'est «le rapport à l'imaginaire, la sensibilité à laquelle on puise pour créer». D'ailleurs, avec ses amis Martin Verreault et Nicolas Grou qui lui donnent un coup de pouce aux arrangements, il est à écrire un CD. Un projet dont il sera l'unique responsable. Lui qui, en tant que scénariste, est le premier maillon d'une longue chaîne. Mais il ne prendra pas le haut du pavé là non plus: «La convention de Genève ne me permet pas de chanter en public, je pourrais être accusé de cruauté mentale», rigole-t-il.

Retour, donc, à l'arrière-scène. Jouer dans l'ombre. S'y éclater? Oui. Comme il le fait depuis le temps de l'université. Il était à faire sa maîtrise en sociologie quand il a commencé à fréquenter la Ligue d'improvisation universitaire. Y participaient aussi Claude Legault, Réal Bossé, Sylvie Moreau, Stéphane Crête, Didier Lucien. La quasi-totalité de ce qui allait devenir l'équipage du Romano-Fafard...

Mais avant de s'envoyer en l'air ensemble, ils ont fait leurs armes. «Claude et moi avons écrit des numéros d'humour qui n'étaient absolument pas drôles, mais on apprenait notre métier.» Métier qui l'a mené, lui, dans les pools d'écriture de Télé-Pirate, du Club des 100 watts, d'Un gars, une fille, de Km/h et, avec Claude Legault, au paradis (?) du Monde selon Dieu et de Dieu reçoit, avant de décoller avec Dans une galaxie près de chez vous, suivi de Minuit, le soir.

«Ensemble, nous avons un rythme de travail très... mexicain. Nous commençons par parler de choses importantes. Quel est le plus beau chandail des équipes de la LNH. Ou le plus laid.» Après seulement, ils passent à l'accessoire (!). Créent des univers. Jouent avec les lignes de vie de leurs personnages. Jusqu'à plus soif. C'est-à-dire jusqu'à ce que l'un d'entre eux dise point final.

Dans le cas de Dans une galaxie près de chez vous, c'est Pierre-Yves Bernard qui l'a posé. Après 65 épisodes. Juste avant de réaliser, en entendant les comédiens raconter leurs rencontres avec les jeunes fans de la série, l'importance que l'équipage du Romano-Fafard avait dans bien des coeurs. C'est ce qui l'a convaincu d'écrire le premier film. Pour le deuxième, après trois années de Minuit, le soir, il y a eu le désir de retrouver cet univers déjanté mais pas vide.

Maintenant que le bébé a décollé, il y a bien sûr la perspective d'un troisième voyage dans cette Galaxie. En attendant, Pierre-Yves Bernard, s'il croise les doigts, ne se croise pas les bras: il travaille à un projet pour Radio-Canada, a deux films en chantier («Mais il est beaucoup trop tôt pour en parler»), enseigne à l'INIS, est conseiller en scénarisation et juge à l'émission Fais ça court!

Bref, si sa personnalité n'est pas multiple, son talent l'est, lui.