En quelques mois, l'île méditerranéenne française de Corse est devenue «la» destination exotique en vogue auprès des réalisateurs indiens en quête de décors déroutants et d'images inhabituelles pour leur public.

Les producteurs indiens n'hésitent pas à investir lourdement pour faire tourner en Corse les séquences chantées et dansées qui aèrent leurs longs métrages, d'une durée souvent supérieure à trois heures. Jusqu'à récemment, ils privilégiaient Paris et les Alpes suisses.

«Pour eux, venir en Corse coûte une fortune. Mais les séquences oniriques qu'ils y tournent sont considérées par le public indien comme la part la plus attrayante du film, la cerise sur le gâteau. Alors ils mettent le paquet», explique Jean-Patrick Costantini, un producteur corse amoureux de son île et du sous-continent indien, qui n'a pas ménagé ses efforts pour attirer les cinéastes indiens dans l'Ile de Beauté.

Six équipes de tournage se sont succédées en Corse en moins d'un an, venues de Bombay, la Mecque du cinéma indien, et de sa concurrente, Chennai, l'ancienne Madras, dans l'Etat oriental du Tamil Nadu.

Célèbre en Inde pour ses mises en scène d'actrices peu couvertes qui lui font souvent frôler les foudres de la censure, le réalisateur Vijay Shankar a sélectionné sur photos et vidéos les sites de Calvi, la plage de l'Ostriconi, la pointe de la Revellata où il voulait que soient tournées les séquences musicales de son film.

«Ici, contrairement à l'Inde où on ne peut même pas filmer un lever ou un coucher de soleil à cause de la pollution, la lumière est pure et les paysages très beaux et variés: on peut passer de la mer à la neige en deux heures de voiture. Et il y a la gentillesse des habitants, les facilités de travail et les prix», énumère le directeur de la photo, Kichas, 40 films en 25 ans de carrière.

«Le public commençait à se lasser de voir les mêmes paysages. La Corse, c'est nouveau. Et hors saison, très bon marché», explique le producteur exécutif, Sivaram Radha Krishnan.

Du scénario - concurrence oblige - impossible de connaître la moindre bribe, sinon qu'il devrait être intitulé «Pon Magal Vandal», «Le Retour de la Femme en Or» et sera tourné en langue tamoule et doublé en malayalam, la langue du Kerala, l'Etat voisin.

Une fois les visas obtenus, l'équipe de tournage - 36 personnes, deux fois plus que pour une production occidentale - a débarqué en Corse pour deux jours.

Les Indiens semblent faire une totale confiance à leurs correspondants français. Sans repérages, sans story-board et dans une ambiance détendue n'ayant rien à voir avec le stress des plateaux occidentaux, ils enchaînent les plans et ne semblent pas s'inquiéter des éventuels retards ou des caprices de la météo.

«Ils travaillent de manière très simple, intuitivement, et font preuve d'une parfaite adaptabilité», souligne le régisseur français François De Moro.

En plus du chorégraphe, des techniciens et des hommes à tout faire, l'équipe compte aussi les inévitables porteurs d'ombrelles. Et des cuisiniers. «Ils viennent avec leurs herbes, leurs épices, leurs aromates, explique le régisseur. Ils n'ont rien contre la cuisine française mais ils la trouvent trop fade. La première équipe a connu quelques problèmes digestifs et cela s'est su!»