Émue par le sort des Amérindiens la veille, la 65e Mostra découvre mardi un deuxième film politique, Teza, où l'Éthiopien Haile Gerima évoque son pays meurtri par des décennies de violence, ainsi qu'une curiosité française, intitulée Nuit de chien.

Avant le retour de Hollywood mercredi, avec le réalisateur Jonathan Demme et son actrice Anne Hathaway pour Rachel Getting Married, la course au Lion d'or jusque là dominée par des drames intimes et familiaux, se fait plus politique.

Tourné en Éthiopie et en Allemagne, Teza est l'un des deux films venus d'un continent africain souvent absent, faute de moyens, des grands festivals. L'autre, Gabbla de l'Algérien Tariq Teguia, sera montré jeudi.

Cinéaste et écrivain, formé aux États-Unis et auteur de Sankofa (1993) et de nombreux documentaires, Haile Gerima, 62 ans, y relate les violentes convulsions politiques des années 1970 et 80 en Éthiopie, sous le régime de Mengistu Haile Mariam (1974-1991).

Anberber (Aaron Arefe) est un jeune homme idéaliste, parti étudier la médecine en Allemagne pour revenir «éradiquer les maladies» dans son pays.

Mais le début du film le montre blessé, transporté en brancard aux urgences d'un hôpital, le visage masqué par des bandages ensanglantés.

Puis il apparaît boiteux et grisonnant, de retour dans le village de montagne où il a grandi, auprès d'une mère âgée qui l'adore : Anberber a alors perdu une jambe, sa mémoire et le goût de vivre. Pourquoi fait-il, chaque nuit, de terrifiants cauchemars?

Teza relate alors au fil de nombreux flashbacks, une histoire tumultueuse qui est aussi celle d'une élite éthiopienne au destin amer.

Rentrés au pays après la chute de l'empereur Haïlé Sélassié en 1974, Anberber et son ami Tesfaye (Abeye Tedla) placent un fol espoir dans le nouveau régime militaire à l'idéologie marxisante de Mengistu.

Mais celui-ci plonge bientôt un pays déjà affamé, dans le chaos économique et la terreur d'exécutions arbitraires déguisées en purges idéologiques.

Dans cette fresque historique qui ne manque ni de souffle ni d'inspiration poétique, Haile Gerima raconte tout ensemble l'espoir et les illusions bafouées, l'exil et l'impossible retour, l'enfance perdue et l'amertume d'une vie d'homme.

Parfois répétitif et un peu touffu, Teza est aussi émaillé de scènes d'une grande sensualité.

«Je rêve de l'Éthiopie de mon enfance», a confié le réalisateur à Venise. «Quand j'ai grandi, il y avait tant de belles choses, on pouvait se promener et cueillir des fruits délicieux, aujourd'hui c'est fini», a-t-il poursuivi.

«En Afrique, jouir du souvenir est impossible, parce que la violence du présent interfère en permanence. Mon film parle de cela», a-t-il dit.

Niant avoir voulu adresser un message aux élites africaines, il a toutefois jugé que «chaque génération a ses responsabilités, comme l'a dit» le philosophe anti-colonialiste antillais Frantz Fanon.

«Certaines les assument, d'autres les trahissent, on ne peut pas prévoir laquelle sera fasciste. Il faut parfois attendre dix générations avant qu'il y en ait une qui rénove la société», a conclu Gerima.

Dernière des trois productions françaises de la compétition, Nuit de chien signé par l'un des représentants du cinéma d'auteur allemand des années 1960, Werner Schroeter, 63 ans, n'a pas vraiment séduit.

Adapté du roman homonyme publié en 1943 par l'Uruguayen Juan Carlos Onetti, ce récit apocalyptique d'une guerre entre deux factions fascistes, dans une ville en état de siège, sur fond d'un bric-à-brac de détails baroques, accumule dialogues et situations grotesques - lesquels lui ont valu de vifs sifflets.