À juste titre, les critiques cinématographiques sont ressortis partagés, pour ne pas dire déchirés de la projection d'Un homme et son chien.

Sorti hier en salle partout en France, le film constitue l'événement de la rentrée ici. Derrière la caméra, le comédien et réalisateur Francis Huster, dont on comprend bien la générosité et la compassion. En vedette, Jean-Paul Belmondo, 75 ans, rescapé d'un terrible accident vasculaire cérébral survenu il y a sept ans.

Après une longue rééducation, celui qui fut la star emblématique de la Nouvelle vague puis l'enfant chéri du cinéma grand public est resté très diminué. Il marche avec difficulté. Et ne parvient à articuler péniblement que des phrases très courtes. Le spectateur est partagé entre l'empathie et le malaise. L'admiration pour l'ancien champion de la rigolade et des cascades, qui a tenu à se montrer tel qu'il est aujourd'hui et à témoigner de son combat contre la maladie.

«On ne peut avoir que du respect pour l'audace de Francis Huster, dit Eva Bétan, de France Inter, la radio publique. Il s'attaque à un remake d'Umbeto D., chef-d'oeuvre de Vittorio De Sica. Il fait un film sur les vieux et les exclus en fin de vie. Et il rend un hommage émouvant à l'idole de notre jeunesse. Quel dommage que le résultat soit si maladroit et qu'on ne croie pas un instant à ce scénario! Reste que par moments, on revoit le fameux sourire de Bébel, et qu'on se dit: nous nous sommes tant aimés.»

Charles, un homme qui a «vieilli trop vite», comme il le dit lui-même, est plaqué par sa compagne, très riche et bourgeoise, et se retrouve à la rue avec son chien. Sur ce canevas peu vraisemblable s'ensuit un road movie qui le mène de Paris à Marseille, chez d'autres vieux mal en point ou au milieu des clochards.

Comme l'écrit avec pudeur Le Monde, c'est «un geste généreux et culotté en faveur de ceux qui pour des raisons d'images, sont soudain mis hors circuit de la société, mais un geste qui n'est hélas pas porté par le véhicule qui convient».

Mais est-ce un vrai film, ou ne s'agit-il pas plutôt d'un hommage éperdu à Belmondo? La liste des stars, anciennes ou actuelles, qui font une apparition furtive est impressionnante: Max Von Sydow, François Fabian, Micheline Presle, Emmanuelle Riva, Jean Dujardin, etc. Un défilé «carnavalesque», selon Les Inrocks.

Télérama, autre hebdo culturel, penche pour l'émotion: «Qu'importe, après tout, la qualité du film: comme les vedettes précitées, on n'est là, nous aussi, que pour rendre hommage à la star. On le contemple, totalement admiratif et très honteux de garder, à ce point, les yeux secs.»

Une cote d'amour

On peut discuter la carrière cinématographique de Belmondo. Qui joua quelques-uns des plus grands chefs-d'oeuvre - À bout de souffle, Pierrot le fou - avant de basculer dans une longue série de films populaires, certains de qualité (De Broca ou Lelouch). Mais, bien plus que Delon à son époque ou Depardieu par la suite, Belmondo avait auprès du public une cote d'amour et de sympathie. Comme personne d'autre sans doute depuis Gabin.

Hier après-midi, dans un cinéma de quartier de la capitale, la salle était bondée: peu ou pas de jeunes, mais des gens d'âge mûr. Venus s'attendrir sur le «Bébel» de leur jeunesse.