Après avoir analysé sous le sceau de l'humour et du cynisme les relations de couple des trentenaires dans Québec-Montréal et Horloge biologique, Ricardo Trogi fait «le pari de la vérité et de l'authenticité» avec sa nouvelle offrande cinématographique, 1981.

En entrevue au Soleil, à quelques jours de la première de son film, en ouverture du Festival des films du monde de Montréal, le réalisateur originaire de Québec ne cache pas sa nervosité. Il piaffe d'impatience à l'idée de découvrir la réaction du public à ce film à forte saveur autobiographique, où il raconte une importante tranche de vie, l'année de ses 11 ans, en 1981, alors qu'il débarque dans sa nouvelle école de Cap-Rouge (Saint-Exupéry).

Entre un père immigrant italien (Claudio Colangelo), une mère serveuse (Sandrine Bisson), une petite soeur de huit ans affublée d'un appareil orthodontique et une compagne de classe qu'il trouve pas mal de son goût, Anne Tremblay, le jeune Ricardo (Jean-Carl Boucher) fait face à plusieurs bouleversements propres à la préadolescence.

Il y a aussi l'argent, celui qu'on voudrait toujours avoir plus. Dans la cour de récréation, la mode est aux k-way rouges et aux premiers walkman. Le jeune Ricardo a comme livre de chevet le catalogue Distribution aux consommateurs, rêvant de gadgets qui feraient lui un gamin comme les autres, voire quelqu'un de plus cool. Au grand dam de ses parents, qui lui serviront deux ou trois leçons sur l'art de faire avec ce qu'on a.

Pour 1981, Trogi se met littéralement à nu, d'où son anxiété face à la réaction populaire. «Ç'a été un peu gênant à écrire, avoue-t-il. Bon, c'est sûr qu'il y a des trucs de scénario, j'en ai inventé un peu. Mais la famille est authentique. Mon père a joué de l'accordéon à Place Laurier, mais je n'ai jamais eu honte de lui. Quand ma mère m'engueule pour me faire comprendre que l'argent ne pousse pas dans les arbres, il y a des bouts de phrases où c'est exactement ce qu'elle m'a dit. Anne Tremblay, j'ai couru après, mais je lui ai jamais parlé... Il y a plein d'histoires qui me sont arrivées sur une période de trois, quatre ans et je fais croire que c'est arrivé sur deux mois. Mais quelque part, mon film, c'est l'enfance de plein de monde.»

«J'avais le goût de partir dans mon enfance», ajoute l'ancien participant de la Course destination monde. «C'est un film avec des mini-enjeux, des microproblèmes dans un microclimat. Le but, c'était d'installer un recul sur ce qui s'est passé. Pour le reste, je fais confiance à l'authenticité du film.»

Trouver la perle rare

Ricardo Trogi s'est investi corps et âme dans son film, au point d'en assurer lui-même la narration. Une décision audacieuse qui apporte ce soupçon supplémentaire d'authenticité si chère à ses yeux. «C'était pas clair au début que j'allais le faire. Ça m'obligeait à faire des fautes de français... J'ai été encouragé par deux, trois personnes et j'ai décidé de foncer.»

Un autre défi de 1981 consistait à trouver la perle rare, le gamin capable de donner vie à sa propre personne. «Ça me stressait de travailler avec des enfants. J'en avais fait un peu l'expérience sur la télésérie Les étoiles filantes. J'en ai parlé à Francis Leclerc, qui venait de tourner Un été sans point ni coup sûr. Il m'a donné quatre noms, dont Jean-Carl Boucher. Quand t'en pognes des bons comme lui, c'est solide en hostie! Maintenant, je m'aperçois que si je n'en avais pas eu un bon, tout l'impact que ç'aurait eu sur le film...»

Qui dit film d'époque dit bande sonore appropriée. À l'instar de C.R.A.Z.Y., qui faisait la part belle aux chansons d'Aznavour et de Patsy Cline, 1981 s'offre quelques sonorités propres à cette décennie : Wow d'André Gagnon, Hard Time de Human League et Enola Gay d'OMD.

«Je voulais en mettre seulement aux endroits nécessaires. J'aurais vraiment aimé pouvoir mettre deux tounes de Starmania : l'ouverture et Les uns contre les autres. Luc Plamondon a donné son accord, mais ç'a accroché avec les héritiers de Michel Berger.»

Une suite: 1987

Ce retour dans le temps de Trogi aura un petit frère d'ici quelques années. Dans 1987, dont le scénario est en cours d'écriture, le cinéaste reviendra sur l'été mouvementé de ses 17 ans, alors qu'il courait les bars de la Grande Allée et faisait les 400 coups.

«Je faisais partie de la plus petite pègre d'Amérique du Nord, ricane-t-il. Je volais des affaires, c'étaient pas des gros crimes. Mes conneries m'ont finalement amené à faire des travaux communautaires, style peinturer des clôtures à Lévis. En gros, ma vie criminelle a duré trois mois...»