Jadis, dans un passé pas si lointain, le Canada offrait aux immigrants médecins des destins de chauffeurs de taxi ou de caissiers de dépanneur.

La loi s’est fait une raison, de sorte que le Collège des médecins reconnaît désormais les diplômes d’universités étrangères. Mais les toubibs venus d’ailleurs se cognent encore le stéthoscope sur la frontière de verre qui subsiste à la porte de nos hôpitaux. Après avoir consacré les trois à quatre ans requis pour la reprise de leurs examens, 60% sont refusés à l’étape de la résidence.


Discrimination?
C’est ce que fait valoir Médecins sans résidence, documentaire signé Tetchena Bellange et premier court métrage en langue française de La tête de l’emploi, une série web qui traite de la discrimination raciale au travail.


«Quand l’ONF m’a invitée à participer à cette série sur les problèmes de discrimination en milieu de travail, j’ai choisi le milieu de la santé. Ma mère est infirmière et le milieu des sciences m’a toujours intéressée», dit la réalisatrice née à Montréal de parents haïtiens.


Pour ce bref documentaire de 10 minutes, Tetchena Bellange a interviewé des membres du Collège des médecins, du CREPUQ et de certaines associations universitaires. À son avis, le cercle vicieux réservé aux médecins étrangers est causé par une discrimination systémique. En arrivant ici, les immigrants médecins en ont pour quatre ans à reprendre leurs examens. Mais la résidence n’est pas permise à ceux qui ont passé autant d’années sans pratiquer. Si bien qu’ils ont alors le choix entre refaire leurs études ou... rentrer dans leur pays pour (se) pratiquer!


«Les médecins étrangers que j’ai rencontrés se sont montrés très volubiles. Mais tous ont refusé de parler devant la caméra, même si je leur offrais de ne filmer qu’une partie de leur corps. Plusieurs d’entre eux viennent de pays à problèmes et le fait de parler aux médias est nécessairement une mise à mort.»


Médecins dans les couloirs
Qu’est-ce qui cloche, chez ces médecins pourtant formés dans des universités renommées?


«Certains considèrent que la différence culturelle est trop grande entre les médecins étrangers et les pratiques en Amérique du Nord», rapporte Tetchena Bellange qui, pour son documentaire, a notamment sollicité les propos d’Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins. Ce dernier explique par exemple que des médecins africains, s’ils sont aptes à traiter des maladies tropicales ou des cas de malaria, n’ont pas l’expertise voulue pour soigner des malades d’Alzheimer ou d’autres afflictions communes en Occident.


Au Québec, soulève Tetchena Bellange, une dizaine de postes de résidence demeurent vacants, chaque année. Grâce à des organismes comme Médecins d’ailleurs, le milieu de la santé est de moins en moins fermé aux médecins étrangers. «Le gouvernement annonçait récemment un programme de stages pour permettre à des médecins de subir une sorte de mise à niveau et s’adapter au système québécois», ajoute-t-elle.


Dans une première vie, Tetchena Bellange a d’abord été comédienne. Attirée par la fiction, elle a fait des études en cinéma et bossé dans des boîtes de production. «En travaillant dans des compagnies qui faisaient du documentaire, je me suis mise à en voir énormément. Et je suis vraiment tombée en amour avec le médium.»


Le prochain fruit de l’idylle entre Tetchena et sa caméra sera un documentaire d’une heure sur l’esclave Angélique, qui, en 1734, a été accusée d’avoir fait brûler Montréal, à paraître à la fin de l’été 2010. «C’était une femme avec une grande gueule qui revendiquait sa liberté, qui voulait fuir avec son amant. À l’issue d’un procès qui a duré six semaines, il manquait de preuves pour la condamner. Mais le témoignage d’une petite fille de 5 ans a suffi pour la condamner à mort et la faire brûler vive.»


Des sujets pour nourrir sa passion, Tetchena Bellange en aura sûrement pour s’occuper toute une vie durant. Et elle ne fait que commencer.

Pour visionner Médecins sans résidence et la série La tête de l’emploi, consultez le: latetedelemploi.onf.ca