Usine de caoutchouc à une autre époque, le 2000, rue Notre-Dame Est a radicalement changé de vocation pour devenir un immense carrefour de répétition de musiciens punk, rock, grindcore et métal. En suivant pas à pas le parcours de trois de ces groupes, le cinéaste Martin Fournier nous emmène dans les confins d'un univers insoupçonné. 

Martin Fournier aurait pu devenir psychologue. Il est devenu cinéaste.

Il écoute, écoute et écoute encore. Puis, il filme. Ses sujets parlent, ouvrent leur coeur. Ça coule de source. Leurs propos sont d'un naturel déconcertant.

C'est le cas dans Les murs du son, son documentaire qui s'intéresse à l'univers fourmillant de la scène des musiques métal, punk et rock sale de Montréal.

Tout au long d'une année où se succèdent répétitions en studio, scènes de la vie quotidienne, tournées et spectacles, Martin Fournier suit les membres des groupes Despised Icon (métal), Huis Clos (rock) et La Gachette (punk).

Les musiciens, dans la vingtaine avancée, vivotent dans la marge et ne s'en plaignent pas. Ils vivent la nuit, bouclent difficilement leurs fins de mois, sont tatoués, prennent des cuites, s'égosillent et se remplissent les oreilles de décibels. Leurs locaux de répétition sont d'incroyables capharnaüms. D'aucuns s'aventureraient à les fréquenter. Mais la caméra de Martin Fournier dévoile au contraire des gens fragiles.

«J'ai voulu que le film passe par-dessus les préjugés», confirme le jeune cinéaste, ancien concurrent de la Course destination monde et auteur du documentaire Daytona. Je les ai écoutés et j'ai voulu les identifier dans leur environnement.»

Le premier environnement, c'est Cité 2000. En bordure de la rue Notre-Dame Est, voisine de la brasserie Molson, Cité 2000 est une bâtisse autrefois occupée par une usine de caoutchouc. Après sa fermeture, le bâtiment a été divisé en dizaines de petites cellules, autant de studios où s'exercent près de 300 bands de musiciens en quête d'inspiration et de reconnaissance.

L'endroit, défini comme le plus important lieu de répétition en Amérique du Nord, est glauque, sombre, bruyant. Mais il défend sa propre identité et se positionne au coeur d'un Montréal croqué sous des angles loin des décors de cartes postales.

«On y retrouve des lieux qui rassemblent les gens qui n'ont pas un sou», observe le cinéaste. Son comparse, le journaliste Simon Coutu (ex-stagiaire à La Presse), y voit «des lieux mal-aimés de la ville» mais qui sont quand même dans l'air du temps.

À la fin de l'adolescence, Simon Coutu faisait partie d'un des groupes créchant à Cité 2000. Son père, le journaliste Alain Gravel, qui scénarise le film, y faisait à l'époque la navette en voiture. Au fil de leurs discussions, l'idée du film a jailli. Des démarches ont été entreprises. Ils ont rencontré Martin Fournier, qui a embarqué dans le train.

Ce dernier avait déjà réalisé un documentaire, Daytona, consacré au voyage de jeunes Québécois dans cette ville floridienne à l'occasion de la semaine de relâche printanière.

Fournier a retenu une leçon de ce tournage: ne jamais juger ses sujets. «Daytona avait l'air de montrer des Québécois sur la débandade, dit-il. Je ne voulais pas répéter ça. Avec le recul, j'ai l'impression que je les jugeais. Benoit Pilon (auteur de Roger Toupin, épicier variété) m'a dit qu'un documentaire devait avoir un regard empathique.»

C'est le cas ici. Les membres des trois bands sont attachants du début à la fin.

Casting

Il est intéressant d'écouter Coutu et Fournier raconter la façon dont ils ont réalisé leur casting. Durant plusieurs semaines, ils ont hanté les couloirs de Cité 2000, cognant aux portes, prenant une bière avec les musiciens, échangeant sur tout et sur rien. Leur but: dénicher trois bands aux influences différentes et qui ne sont pas à la même étape de leur carrière. Alors que Despiced Icon connaît le succès en tournée en Europe, Huis Clos porte un nom prédestiné, jouant pratiquement... à huis clos. Quant aux membres de La Gachette, ils sont heureux de leur succès provincial.

Mais peu importe où chacun est rendu dans sa carrière, il y a des principes immuables. Comme celui d'avoir assez de revenus pour vivre, rappelle l'incroyable dernière scène, totalement aux antipodes du reste du film.

«Ce dont nous voulions parler, c'était de la démarche des musiciens. Pas seulement des résultats», dit Simon Coutu.

Les murs du son est présentement à l'affiche du cinéma Parallèle.