La confusion règne dans l'univers du cinéma indépendant. Alors que le collectif À tout prendre, réunissant plus d'une centaine de réalisateurs, accuse Téléfilm Canada de vouloir mettre la hache dans son programme d'aide aux longs métrages indépendants à petits budgets, l'organisme rétorque pour sa part qu'il n'a aucune intention de l'abolir.

Pourtant, quelque 125 réalisateurs, dont Francis Leclerc (Un été sans point ni coup sûr), Bernard Émond (La Donation) et Philippe Falardeau (C'est pas moi, je le jure!), signataires d'une lettre envoyée aux médias hier, auraient été mis au parfum de cette décision il y a quelques semaines. Ils s'opposent ainsi à l'«abolition» de cette enveloppe, qui permet de financer annuellement entre quatre et cinq films disposant d'un budget de 1,25 million et moins. Les cinéastes demandent à l'organisme de revoir sa décision.

Selon le collectif, ce fonds ne disparaîtra pas, mais sera dorénavant «dilué dans le programme principal du long métrage du Canada, un fonds où les producteurs se partagent actuellement plus de 22 millions de dollars par année.» Le programme exclusivement dédié au cinéma indépendant à petits budgets n'existera plus, selon eux. Le cinéaste Robert Morin a notamment réalisé Journal d'un coopérant avec l'aide de ce programme.

«À l'heure où le cinéma indépendant survit dans des conditions de précarité dues à son sous-financement chronique et à l'absence des salles nécessaires à sa diffusion, la décision de Téléfilm Canada nous apparaît comme un coup de grâce venant sonner le glas d'un cinéma qui, d'À tout prendre de Claude Jutra à J'ai tué ma mère de Xavier Dolan, a pourtant assuré la visibilité du cinéma québécois à travers le monde», écrivent-ils. Entre 2001 et 2007, près de 77 % des oeuvres financées par ce programme ont été présentées dans des festivals.

Pourtant, du côté de Téléfilm, la porte-parole Eva Hartling assure que le programme ne disparaîtra pas. «Il n'en a jamais été question, insiste-t-elle. Je pense qu'il y a eu de la confusion. C'est vrai qu'il y a eu des discussions, mais le programme ne sera pas aboli, ça c'est coulé dans le béton.»

Mais le cinéaste François Delisle, également signataire de la lettre, accuse l'organisme de jouer sur les mots. «Eux, ils n'appellent pas ça une abolition, ils appellent ça une refonte, a-t-il affirmé hier à La Presse. On était là. Michel Pradier (directeur du financement des projets de l'organisme) a même fait un dessin pour expliquer de quelle façon ça se ferait. On est inquiets, poursuit-il. Je pense que Téléfilm va avoir des comptes à rendre.»