Aki Kaurismäki, Terrence Malick, Michel Hazanavicius et les frères Dardenne figurent parmi les favoris d’une compétition très ouverte à la veille du palmarès, dimanche, d’un 64e Festival de Cannes déjà considéré comme un bon millésime.

Critiques français et étrangers se montraient encore divisés samedi sur le meilleur candidat à la récompense suprême, la Palme d’or, à laquelle concourent vingt longs-métrages.

Le panel de la revue britannique Screen -neuf journalistes européens, américain, brésilien et australien- place en tête Le Havre du Finlandais Aki Kaurismäki, déjà récompensé par le Prix de la Critique internationale samedi soir. Cette fable généreuse et drôle sur la solidarité des sans-grade avec les immigrés est pratiquement à égalité avec Le gamin au vélo de Luc et Jean-Pierre Dardenne.

Déjà deux fois Palme d’or avec Rosetta (1999) et L’Enfant (2005), le tandem belge a de nouveau séduit avec une oeuvre lumineuse sur un jeune garçon, Cyril, abandonné par son père et recueilli par une bonne fée (Cécile de France).

«Il faut reconnaître qu’on a vraiment un très bon cru, a souligné à l’AFP Alain Grasset du Parisien. Il y a au moins cinq ou six films qui sont dans un mouchoir. Mais mon grand favori, celui de l’ensemble de l’équipe, c’est le film d’Aki Kaurismäki».

Les quinze critiques hexagonaux consultés par Le Film Français ont été davantage transportés par The Tree of life (L’Arbre de vie) de Terrence Malick et le surprenant The Artist de Michel Hazanavicius, tous deux placés en outsider par Screen.

Cinéaste rare -cinq films en 40 ans-, Malick, 67 ans, divise comme à l’accoutumée avec son nouveau film, à la fois ode planétaire et exploration des tourments familiaux.

Histoire de deux destins croisés au temps des claquettes, The Artist en revanche a fait la quasi-unanimité malgré un parti pris audacieux -muet, en noir et blanc-. Cette rencontre d’une star du muet (Jean Dujardin) et d’une jeune et pétillante étoile montante du parlant (Bérénice Béjo) ne devrait pas repartir bredouille. Le chien du film a d’ailleurs été déjà primé.

«Ce n’est pas facile cette année parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de beaux films dans la sélection, mais je crois à The Artist qui peut plaire au jury et aux Américains aussi», a indiqué à l’AFP Christiana Paterno de Cinecitta news.

Présenté vendredi, This Must Be the Place de l’Italien Paolo Sorrentino pourrait créer la surprise: prix du Jury pour Il Divo en 2008, le réalisateur montre un Sean Penn en star du rock maquillée comme un vieux travesti, lui-même en piste pour le prix d’interprétation masculine.

Deux autres stars cannoises semblent en revanche hors course: Lars Von Trier (Melancholia) après ses propos sur Hitler qui lui ont valu d’être déclaré persona non grata, et Pedro Almodovar, plusieurs fois primé sur la Croisette mais jamais Palme d’or, dont le thriller chirurgical La Piel que habito a déçu même ceux qui l’apprécient le plus.

Situation encore plus incertaine pour les prix d’interprétation. Outre Sean Penn, Michel Piccoli est fréquemment cité pour son rôle de pape dans le film de Nanni Moretti Habemus Papam, mais Brad Pitt (Tree of life) ou Jean Dujardin, peuvent y prétendre, sans oublier Vincent Lindon pour Pater d’Alain Cavalier, ou Bryan Gosling, dans Drive.

Chez les actrices, Tilda Swinton est favorite pour sa prestation dans We need to talk about Kevin, de Lynne Ramsay, où elle campe une mère enfermée dans un lien tragique avec son fils. Mais l’Américaine Kirsten Dunst pourrait sauver l’honneur de Melancholia et Elena Anaya celui de La piel que habito.

Le jury de la Palme d’Or présidé par Robert de Niro devait se retirer samedi pour délibérer dans la villa Domergue, propriété des hauteurs de Cannes protégée des tumultes de la Croisette.

Parmi les premiers prix décernés samedi, celui de la sélection Un Certain Regard a été attribué en soirée, pour la mise en scène, au cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, pour Bé Omid é didar (Au Revoir): c’est son épouse qui est venu le chercher, le cinéaste condamné à six ans de prison, n’ayant reçu que mardi l’autorisation de quitter l’Iran.