Six ans ont passé entre le jour où Geneviève Brouillette a été intriguée par l'affaire Michel Dumont, histoire d'une erreur judiciaire, et celui où l'idée d'en faire un film est devenue réalité. En entrevue à La Presse, la comédienne relate ce long parcours et explique son désir d'intervenir en amont du processus créatif.

Comme chez tout être humain, la route de la comédienne Geneviève Brouillette a souvent croisé celle du hasard. Elle s'est retrouvée face à des carrefours où il lui a fallu choisir. Elle a rencontré des individus qui lui ont permis d'aller plus loin.

C'est le cas avec L'affaire Dumont, long métrage basé sur une histoire vraie qui sera tourné par le réalisateur Daniel Grou (Podz) et produit par Nicole Robert de Go Films. Le projet ayant reçu l'aval de la SODEC et de Téléfilm pour une aide à la production, le tournage devrait débuter en septembre. La comédienne est à la base du projet.

«J'ai tout de suite vu que cette histoire était faite pour le cinéma, dit-elle en entrevue dans un café du Mile End. C'est une histoire très humaine, c'est David contre Goliath.»

En 1990, Michel Dumont est livreur dans un dépanneur de Boisbriand et père seul lorsqu'il est accusé puis condamné dans une histoire de viol. Sa requête pour interjeter appel est rejetée. Durant le processus, il rencontre Solange Tremblay, jeune femme qui croit en lui et réussit à le faire acquitter en Cour d'appel en 2001. D'autant plus qu'en cours de route, la victime s'est mise à douter de la culpabilité de Dumont.

L'affaire ayant connu de nombreux rebondissements, Geneviève Brouillette en prend connaissance en 2005, en écoutant un reportage à la radio. «Je me suis dit: Quelle affaire incroyable!»

Puis, le hasard frappe. «Quelques mois plus tard, je suis allée en avion au Saguenay pour le Festival du court métrage, dont j'étais la porte-parole. L'appareil comptait une dizaine de places et l'agente de bord était assise à côté de moi. En discutant, elle m'a appris qu'elle était la belle-soeur de Michel Dumont.»

Plus l'agente de bord détaillait le récit, plus la comédienne «voyait» l'histoire sur un grand écran. Et ça correspondait avec un moment de sa carrière où elle désirait emprunter de nouveaux chemins. «Je me demandais comment prendre parole comme actrice, comment intervenir en amont du processus créatif», fait-elle.

D'une rencontre à l'autre...

Geneviève Brouillette est descendue d'avion avec les coordonnées de Michel Dumont en poche. Elle a pris contact avec lui, l'a rencontré avec sa conjointe Solange. «Plus ils me racontaient leur histoire et plus elle était hallucinante. Ça me touchait beaucoup. Je leur ai proposé d'essayer d'aller plus loin et ils ont accepté de me faire confiance.»

En prison, Michel Dumont, qui n'a jamais cessé de plaider son innocence, a été agressé. Ses enfants ont souffert. Peu instruite mais dotée d'une volonté de fer, Solange Tremblay a travaillé à prouver que la justice avait tout faux. «Elle a tout conservé, les documents, les transcriptions du procès, les rapports policiers, dit la comédienne. Elle a fait un grand travail de recherche et soulevé des erreurs judiciaires. Je l'appelle mon Erin Brockovich.»

Un jour, Mme Brouillette a rencontré Guy Gagnon, alors patron du distributeur Alliance, qui lui a manifesté son intérêt. «Il a été le premier à embarquer.» Les mois ont passé. Geneviève Brouillette ne savait trop comment pousser plus loin son projet. Elle a sondé deux producteurs qui, après une longue hésitation, ont passé leur tour. En 2007, au hasard d'une fête, elle a croisé Podz et lui a raconté l'affaire.

«Podz m'a dit: «C'est tellement moi qui va réaliser ce film», dit-elle, enthousiaste. J'adore son travail. Il a une façon de filmer tellement réaliste et poétique. Pour tourner une histoire de gens humbles face à une grosse machine, c'est sûr que ça devait être lui.»

Comme le réalisateur avait tourné Les 7 jours du talion chez Go Films, il lui a présenté la productrice Nicole Robert. «Nicole a tout de suite «flashé» sur cette histoire, dit la comédienne. Elle a saisi le potentiel du contenu. Elle a amené la scénariste Danielle Dansereau dans le projet. Une bénédiction. Danielle est la meilleure pour ce projet.»

Productrice associée dans l'aventure, Geneviève Brouillette sert de lien entre le couple Dumont-Tremblay et l'équipe du film. Elle y jouera un petit rôle mais pas celui de Solange. De toute façon, elle souhaite explorer plus loin cette incursion dans la création d'un film. «Mon métier d'actrice me comble de joie, dit-elle. Mais j'ai soif d'être là du début à la fin. Je veux regarder. Je veux apprendre. Au meilleur de ma connaissance.»