Coup d'envoi mercredi soir sur le Lido du 69e Festival de Venise, qui débute avec la présentation hors compétition d'un film signé par la réalisatrice indienne Mira Nair, The Reluctant Fundamentalist, un thriller subtil bien accueilli dans la matinée par la presse.

Tiré du roman éponyme de Mohsin Ahmid, ce film suit à coups de flashbacks le rêve américain d'un jeune Pakistanais, Changez Khan, interprété par Riz Ahmed. Diplômé à Princeton, ce brillant élément est engagé par une grosse firme de New York où il est chargé de maximiser la valeur d'entreprises en difficultés.

Grassement payé, il rencontre Erica (Kate Hudson), une jeune photographe sophistiquée avec laquelle il noue une relation.

Sa vie semble toute tracée jusqu'aux attentats du 11 septembre 2011, qui viennent bouleverser ses certitudes : harcelé par la police en raison de sa couleur de peau (fouilles corporelles, contrôles d'identité...), il vit aussi très mal la paranoïa xénophobe qui l'entoure et s'interroge sur son identité.

Un épisode parmi d'autres; un de ses collègues vient lui demander de raser sa barbe, car elle met mal à l'aise certains de ses collaborateurs. Découragé, il décide de revenir près de sa famille à Lahore, où il enseigne à l'université et se trouve confronté à la rhétorique islamiste anti-américaine. Quel camp choisir?

«Nous savons tous qu'il y a eu un énorme schisme entre Orient et Occident au cours de la dernière décennie et qu'un mur s'est élevé» entre ces deux mondes, a expliqué Mira Nair lors d'une conférence de presse.

«Je voulais d'une certaine manière rétablir le dialogue, aller au-delà des stéréotypes, de la myopie et de l'ignorance», a-t-elle affirmé.

«Visage nouveau»

Un pari réussi pour l'auteure de Salaam Bombay (1988) et du Mariage des Moussons (2001), qui évite les stéréotypes et recourt à des clins d'oeil lourds de sens pour faire passer ses messages.

Elle a ainsi confié à Kiefer Sutherland, le héros antiterroriste de la série 24, le rôle du mentor qui tente de formater le jeune Changez aux valeurs de l'Amérique.

À noter aussi une réplique de Changez qui répond ironiquement à ses collègues l'interrogeant sur son avenir: «Je voudrais être dictateur d'une République islamique avec l'arme nucléaire».

Le tant débattu conflit de civilisations s'invite donc d'entrée de jeu au menu de la Mostra, qui s'ouvre officiellement à 17h avec le défilé sur le tapis du Lido des interprètes de The Reluctant Fundamentalist et la projection officielle du film dans un Palais du Cinéma dont le hall d'accueil a été entièrement rénové.

Le quartier du Palais semble lui aussi renaître après la disparition du grand trou resté plusieurs années abandonné en raison de la découverte d'amiante, mais qui cette année a enfin été recouvert d'aimables terrasses arborées.

Signe aussi d'un nouveau départ: le remplacement du directeur de la Mostra Marco Müller par le cordial Alberto Barbera. «En l'espace de trois-quatre ans, Venise présentera un visage totalement nouveau», a confié ce dernier à l'AFP avant le début du festival.

Autre innovation de taille dans le milieu très masculin du 7e art: les réalisatrices seront en force à Venise, avec 21 films signés par des femmes, dont quatre en compétition.

Jeudi marquera officiellement le début de la course au Lion d'or, avec la présentation de deux films en compétition: Izmena (Betrayal) du Russe Kirill Serebrennikov et Superstar du Français Xavier Giannoli.