Un an après sa sortie en Europe, la comédie fantaisiste Ailleurs si j’y suis, avec à l’affiche Suzanne Clément, atterrit sur les écrans québécois. Nous en avons profité pour parler avec la vedette de STAT de son rythme de marathonienne, de son retour au Québec et de ses projets.

C’est le ton qui a d’abord attiré Suzanne Clément dans le scénario d’Ailleurs si j’y suis. Elle voit le film du Belge François Pirot comme un petit bijou, à la Woody Allen. « Il n’y a pas de cynisme, c’est plus une comédie douce-amère. Il y a beaucoup de tendresse aussi, il se moque de ses personnages, mais pas méchamment. »

Dans Ailleurs si j’y suis, Suzanne Clément incarne Catherine, une femme dont le mari Mathieu (Jérémie Rénier) a tout plaqué pour aller vivre… dans la forêt. Un geste qui fera bouger tout le monde autour de lui, mais « parfois, bouger est mieux que l’immobilisme » estime la comédienne. « Je me reconnais dans ça, faire de grands choix ! Catherine en fait des mauvais, mais il faut qu’elle bouge, elle n’en peut plus. »

Catherine laisse tomber des couches au fur et à mesure que le film avance. Jusqu’à se retrouver elle aussi dans la forêt à imiter le bruit des animaux de la jungle.

« Elle finit par rire d’elle et de ses grands désirs… Je me souviens de ce matin-là quand on a tourné, il y a trois ans. »

Mon père venait de décéder. Je devais rire, mais j’avais juste envie de brailler ! Mais ce n’est pas grave, il faut y aller avec ça, le rire et les larmes, c’est souvent proche.

Suzanne Clément

Ce sont ses parents vieillissants qui ont ramené Suzanne Clément au Québec – son père est mort il y a trois ans, sa mère, atteinte d’alzheimer, l’an dernier. « C’est presque un cadeau qu’ils m’ont fait. J’avais besoin de remettre les pieds ici. »

Rapidité

Portée par le succès des films de Xavier Dolan, Laurence Anyways puis Mommy, la comédienne s’était en effet installée de l’autre côté de l’Atlantique, ce qui lui a permis de jouer dans de nombreuses productions françaises. « Ce sont des occasions de carrière qui n’arrivent pas souvent. Mais j’ai travaillé très fort aussi ! » lance la comédienne de 54 ans lors d’une entrevue imagée, pleine de vie et d’éclats de voix joyeux.

Suzanne Clément a passé une douzaine d’années en Europe, surtout à Paris, une période foisonnante et effervescente qu’elle a adorée. « J’ai été choyée, j’y ai goûté à fond, c’était grandiose. Pas juste comme expérience extérieure, mais aussi intérieure. » On a l’impression pourtant, en l’écoutant, qu’elle ne s’y est jamais sentie complètement chez elle.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Suzanne Clément

As-tu déjà vécu ça ? C’est particulier qu’il y ait un océan entre tes racines et ton lieu de vie. Absolument tout est différent. Tout ce qui te manque, c’est tout ce que tu connais. Même l’air n’est pas pareil.

Suzanne Clément

Et l’accent bien sûr, qu’elle changeait tout le temps, « même à l’épicerie », pour être prête pour les tournages. « Ça devenait une seconde nature quand je tournais, mais ça se fragilisait quand je parlais avec des Québécois. »

On imagine que mordre dans les sacres de la docteure Emmanuelle St-Cyr, qu’elle incarne dans STAT, doit la rendre particulièrement heureuse. Elle imite un corps qui se dessouffle, son inclus. « Ah oui… c’est le fun ! C’est vraiment cool de retrouver un personnage qui va vite, rapide dans l’exécution, le débit. Avec l’accent québécois, wow ! »

Si le personnage va vite, la comédienne aussi. Jouer STAT est, pour son interprète principale, un véritable marathon. Le tournage de la deuxième saison, qui est en cours, se terminera fin mars. Mais c’est la première partie, qui va de juillet à décembre, qui est la plus intense. « La portion avant Noël est longue, avec une seule pause d’une semaine. On commence à se tomber sur les nerfs à la fin ! Tout peut devenir compliqué si on veut… »

Cette année, elle est d’ailleurs partie tout de suite après… pour Disney, avec sa nièce de 18 ans. « Elle me voyait sur mon téléphone tout le temps, elle me disait lâche-le ! » Elle rigole. « Elle a 18 ans et me disait de décrocher ! C’était parfait, Disney, pour ne pas se prendre la tête. On a juste été émerveillées, on a crié, mangé, marché comme des folles ! »

Avec la quantité phénoménale de texte qu’elle doit mémoriser, on comprend Suzanne Clément de vouloir s’aérer l’esprit. La comédienne tourne quatre jours sur cinq ; le reste du temps, elle apprend ses textes, le week-end et même souvent le soir après le travail. C’est pour cette raison qu’elle a engagé une répétitrice, une « personne formidable » à l’énergie communicatrice.

Énergie

La comédienne a signé pour une troisième saison de STAT, mais elle s’est beaucoup interrogée avant. Si elle a dit oui, c’est entre autres parce qu’elle a constaté qu’il est possible de glisser d’autres tournages à travers. « J’ai quand même quatre mois de pause. » Elle a d’ailleurs tourné dans deux productions à l’été 2023, qui ne sont pas sorties encore, et attend des confirmations pour un ou deux autres projets qui auraient lieu pendant l’été.

« J’ai tourné aussi dans un projet canado-américain pendant les week-ends de l’automne. Je ne sais pas comment j’ai fait ! Mais mon cerveau a trouvé des stratégies et ça a marché. »

Si elle a décidé de continuer, c’est aussi parce que le personnage d’Emmanuelle est intéressant à décliner.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Suzanne Clément et Lou-Pascal Tremblay sur le plateau de STAT.

Emmanuelle a de grosses forces, mais aussi des failles. Des endroits qu’on a découverts, l’autrice Marie-Andrée Labbé et moi, et qui sont le fun à investiguer.

Suzanne Clément

Quand on la voit dans l’émission monter sur une civière pour donner un massage cardiaque, on ne peut s’empêcher de penser que Suzanne Clément a insufflé de son énergie à son personnage. « Je pense que Marie-Andrée nous regarde aller et qu’elle nous aime. Elle est très poreuse aux acteurs et c’est intelligent. » Pour la posture de la docteure St-Cyr, l’actrice s’est inspirée beaucoup d’une médecin qu’elle a observée, de sa proximité avec les patients, de la manière dont elle leur parlait.

Le défi de la quotidienne – « C’est sûr que c’est un thrill ! » –, qu’elle n’aurait jamais envisagé en quasi 30 ans de carrière, la stimule au plus haut point.

« Des fois c’est OK, on fait trois scènes de plus, let’s go ! J’aime mieux ça que certains tournages où on passe deux heures à installer un éclairage… J’aime aussi être dans des données différentes, d’autres paradigmes. »

Pour la suite, elle ne se projette pas. « Il y a des choses que j’ai envie de faire, on verra. » Une quatrième saison de STAT ? « Aucune idée. » Tant qu’à être dans les prédictions, croit-elle son ami Xavier Dolan quand il dit qu’il ne tournera plus de films ?

« Je ne l’ai pas vu depuis qu’il a dit ça. Moi, je serais incapable de faire un choix comme ça. Il aurait le droit, mais il me semble que ça ne se peut pas. »

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