Dans le nouveau long métrage de Martin McDonagh, Barry Keoghan donne la réplique à trois compatriotes : Colin Farrell, Brendan Gleeson et Kerry Condon. En plus d’avoir le plaisir de jouer dans un film campé dans son pays, l’acteur irlandais ressent l’exaltation de faire partie de l’univers de celui qu’il considère comme l’un des plus grands dramaturges contemporains. Entretien.

Il fut d’abord révélé au public cinéphile international en incarnant un adolescent troublé dans The Killing of a Sacred Deer, un film de Yorgos Lanthimos (The Favourite) où, déjà, il donnait la réplique à Colin Farrell. Barry Keoghan fut ensuite recruté par Christopher Nolan pour faire partie de l’équipage d’un bateau civil partant à la rescousse de soldats alliés dans Dunkirk. Dans The Banshees of Inisherin, nouvelle offrande du cinéaste Martin McDonagh (In Bruges, Three Billboards Outside Ebbing, Missouri), il prête ses traits au jeune innocent d’un village isolé de la côte ouest irlandaise dans les années 1920.

« Quand Martin McDonagh m’a contacté pour me dire qu’il pensait à moi pour l’un des personnages, j’ai tout de suite dit oui dans ma tête, avant même de savoir de quoi il s’agissait, révèle l’acteur au cours d’un entretien en visioconférence accordé à La Presse. À mes yeux, Martin est l’un des plus grands dramaturges du monde ! »

PHOTO ANDY KROPA, INVISION, FOURNIE PAR ASSOCIATED PRESS

Colin Farrell, Brendan Gleeson et Barry Keoghan se sont récemment retrouvés à l’occasion de la première new-yorkaise de The Banshees of Inisherin.

Une œuvre profondément irlandaise

Tourné principalement à Inis Mór, une île côtière où le temps semble figé, The Banshees of Inisherin relate une histoire écrite par l’un des enfants du pays, campée dans un endroit où vivent une poignée d’habitants à peine et où le sens communautaire importe beaucoup. Il se trouve pourtant que, du jour au lendemain, Colm (Brendan Gleeson) annonce sans crier gare à Pádraic (Colin Farrell), qu’il connaît depuis toujours, que leur amitié n’existe plus. Ce dernier, démoli, ne comprend pas. Aucun évènement malheureux n’est pourtant survenu entre les deux hommes, aucune parole blessante n’a été prononcée non plus. De son côté, Barry Keoghan se glisse dans la peau d’un jeune homme considéré un peu comme le simplet du village, dont la principale préoccupation est d’enfin attirer l’attention d’une femme. Siobhan (Kerry Condon), la sœur de Pádraic, peut-être ?

Il y avait forcément quelque chose de spécial dans le fait de tourner ce film en Irlande, dans une histoire irlandaise, avec une distribution composée de compatriotes. Ce fim ressemble vraiment à ce qu’est ce pays, et non pas à quelque chose qui aurait été recréé artificiellement ailleurs.

Barry Keoghan, acteur

Né à Dublin au sein d’une famille où l’expression artistique était loin d’être une priorité, Barry Keoghan fut entraîné vers le jeu il y a un peu plus d’une dizaine d’années. Grâce à un casting sauvage mis sur pied par la production de Between the Canals, le premier long métrage de Mark O’Connor, le jeune acteur a ainsi pu s’initier aux plateaux de tournage.

« J’avais déjà fait un peu de théâtre à l’école, sans trop savoir, mais il y avait là quelque chose qui m’attirait, sans que ce soit vraiment l’aboutissement d’un rêve depuis l’enfance, explique-t-il. J’ai décroché un petit rôle dans le film et tout s’est enchaîné à partir de là. À travers l’art dramatique, j’ai eu l’impression de trouver une place qui me convenait et où l’on m’acceptait. Jouer me rendait heureux, tout simplement. Ce sentiment m’anime d’ailleurs toujours aujourd’hui ! »

PHOTO FOURNIE PAR ENTRACT FILMS

En 2017, Colin Farrell et Barry Keoghan se donnaient déjà la réplique dans The Killing of a Sacred Deer (La mise à mort du cerf sacré), film de Yorgos Lanthimos.

Un caractère universel

Bien qu’il ne voie pas ses performances comme des réussites individuelles, Barry Keoghan, maintenant âgé de 30 ans, a quand même dû constater que The Killing of the Sacred Deer lui a fait franchir une nouvelle étape.

« Je mets tout ce que j’ai dans chaque rôle que je joue, dit-il. Il est vrai qu’avec The Killing of a Sacred Deer, j’ai senti qu’on m’a remarqué, ne serait-ce que grâce à la visibilité que le film a eue. Les gens ont vraiment réagi très fort envers ce drame et j’ai trouvé ça fantastique. Cela dit, le travail reste le même, peu importe le film dans lequel on joue. À mes yeux, il s’agit avant tout du fruit d’un effort collectif. »

Depuis sa présentation à la Mostra de Venise, où Martin McDonagh a obtenu le prix du meilleur scénario, et Colin Farrell celui du meilleur acteur, The Banshees of Inisherin fait maintenant partie de ces œuvres dont on parlera probablement encore pendant la prochaine saison des récompenses.

« Je crois que le film touche les gens grâce à son caractère universel, lance Barry Keoghan. On aurait pu situer cette histoire ailleurs, à notre époque, et elle nous aurait sans doute touchés autant. Nous avons tous vécu ce genre de rupture à un moment ou à un autre de notre vie. On sait tous à quoi ce sentiment de solitude ressemble. C’est fondamentalement humain. Surtout, on évoque une rupture d’amitié qui ne s’explique pas. Il est très rare qu’on aborde ce sujet au cinéma. Dans la vie non plus, d’ailleurs. »

The Banshees of Inisherin (Les Banshees d’Inisherin en version française) prendra l’affiche le 28 octobre.

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