Des cinéastes comme Ken Loach ou les frères Dardenne font du cinéma social en abordant frontalement les thèmes qu’ils explorent, utilisant la fiction pour exposer une réalité de façon dépouillée, au plus près de la vérité. D’autres préfèrent plutôt livrer un propos à caractère social à travers une histoire construite pour allier à la fois le divertissement et la réflexion. C’est la voie qu’a choisie Nadège Loiseau avec sa comédie dramatique Trois fois rien. Et ça fonctionne.

À partir d’un point de départ inusité – un billet chanceux au Loto –, la cinéaste nous entraîne en effet dans la réalité particulière de trois sans-abri. Brindille (Antoine Bertrand) et Casquette (Philippe Rebbot), qui se connaissent depuis sept ans, ont tissé des liens entre eux, mais également dans la communauté des laissés-pour-compte gravitant autour de leurs petites tentes de fortune dans le bois de Vincennes. Se greffe à eux, par un concours de circonstances, La Flèche (Côme Levin), jeune homme au tempérament plus imprévisible.

Depuis longtemps, Brindille et Casquette jouent au Loto chaque semaine, ce qui leur permet de s’extraire un peu de leur réalité en rêvant aux voyages qu’ils feraient si jamais la chance se mettait enfin de leur côté. Ce jour arrivant enfin, ces hommes, sans domicile fixe, doivent d’abord se heurter à une bureaucratie dans laquelle leur existence n’est pas reconnue. Comment ouvrir un compte bancaire sans adresse et sans identité en règle ? Mais au-delà du portrait d’une société où ces trois individus ne comptent pour « rien » (d’où le titre), Nadège Loiseau s’emploie justement à mettre en lumière l’humanité profonde de ces hommes qui ne l’ont pas eue facile, leur redonnant ainsi leur part de dignité.

Antoine Bertrand, drôle et poignant

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Antoine Bertrand est l’une des têtes d’affiche de Trois fois rien, un film de Nadège Loiseau.

Le récit est aussi axé sur les conséquences qu’entraîne une somme tombée du ciel, laquelle change forcément les rapports entre les gens, y compris au sein même du trio. Le personnage de Brindille – Nicolas Grenier de son vrai nom – est probablement le plus emblématique sur ce plan, dans la mesure où, père de famille, il est celui des trois mettant tous les efforts pour retrouver un semblant de normalité. Sur un mode assez fin, la cinéaste remet d’ailleurs en question au passage ce qu’est à nos yeux la conception d’une vie « normale ».

Il convient par ailleurs de souligner la performance d’Antoine Bertrand, aussi drôle que poignant, tout autant que la volonté de la cinéaste de faire honneur à la québécitude de l’acteur. On a évité les clichés folkloriques à cet égard, ce qui, avouons-le, est quand même plutôt rare dans le cinéma français.

Ainsi, on ne nous expliquera pas vraiment pourquoi Nicolas s’est retrouvé un jour à Paris, mais on comprend néanmoins qu’il y est depuis un moment, qu’il y a fondé une famille, et que l’accent français n’a jamais eu d’emprise sur lui.

À l’arrivée, cette ode à l’amitié fait partie de ces films qui font du bien à l’âme parce qu’ils ont cette faculté de nous recentrer sur notre propre humanité. Par les temps qui courent, il est toujours bon de se le rappeler.

Trois fois rien est à l’affiche en salle.

Trois fois rien

Comédie dramatique

Trois fois rien

Nadège Loiseau

Avec Antoine Bertrand, Philippe Rebbot, Côme Levin

1 h 30

7/10