Déjà que la bande-annonce avait atteint son objectif, si celui-ci était de donner envie de voir le reste.

On y aperçoit un Dino Tavarone en gros plan dans une pièce dépouillée aux murs blancs. Comme pour une audition, il échange avec le réalisateur Jimmy Larouche (Antoine et Marie, La cicatrice), qu'on ne voit pas dans l'image.

«Profession?», demande ce dernier.

«Comédien», répond avec son accent d'Italo-Montréalais Tavarone, 72 ans, après avoir remonté ses verres fumés clippés.

«J'aimerais ça que tu pleures, Dino; un vrai comédien, c'est censé pleurer en dedans d'une minute», demande alors le réalisateur, d'un ton plus désinvolte qu'impertinent.

Silence. Malaise. La caméra scrute le visage agacé du comédien.

«Qu'il mange de la marde», tranche finalement le comédien en fixant la lentille de ses yeux de chien piteux, avant de remettre ses verres fumés.

On enchaîne ensuite avec le générique sur une musique sicilienne.

Le ton est donné.

Se situant quelque part entre la fiction et le documentaire, Mon ami Dino risque de sortir le spectateur de sa zone de confort, en plus de le condamner à essayer pendant 84 minutes de démêler le vrai du faux.

Car, avouons-le, on ne sait pas grand-chose du principal intéressé, sinon qu'il a laissé son empreinte dans notre paysage télévisuel avec son rôle du mafieux Scarfo dans la série Omertà.

Environ deux décennies plus tard, la caméra nous entraîne dans un modeste appartement encombré, où Dino Tavarone vit seul avec son vieux chien Pipingo et se tape de vieux épisodes de sa série culte en mou dans son divan.

Le film présenté en trois actes ne se gêne pas pour abattre le mur conventionnel entre le réalisateur et ses personnages.

Jimmy Larouche intervient régulièrement en voix off, demandant par exemple à la prolifique agente d'artistes Ginette Achim ce que représente la gestion de la carrière de Dino. «Il a de la difficulté à apprendre ses textes. Les gens pensent qu'il est effronté, mais il possède une profondeur, une sagesse et une bonté», louange l'agente, à côté du comédien impassible, qui a été son conjoint dans une ancienne vie.

Puis, on entre sans préavis dans le vif du sujet. «Comment tu vis, Ginette, avec sa maladie?», demande le réalisateur à l'agente, sous le choc. «Je ne suis pas malade! Tu veux que je te fasse des steppettes?», réplique Tavarone, torturé entre le déni et la tristesse.

Cette image d'un Tavarone cabotin avec les yeux pleins d'eau illustre parfaitement la dualité de ce film improvisé (apparemment en tout cas) documentant le cancer foudroyant (ou pas) qui ronge le comédien à feu vif.

Une sorte de testament, où Tavarone revisite ses souvenirs - comme son séjour en prison au «cégep Leclerc» - et où il tente de trouver la paix.

Sa relation dysfonctionnelle avec sa fille Meredith, incarnée par la comédienne Sasha Migliarese (un premier gros rôle très prometteur), génère des scènes fortes.

Même chose pour celles tournées avec ses proches, dont les comédiens Michel Côté, Manuel Tadros et Joëlle Morin, qui encaissent tour à tour durement la nouvelle de sa maladie.

Le premier ira de révélations entourant la mort de son propre père, un témoignage brut, de ceux qu'on voit rarement à l'écran.

Les lieux montréalais de tournage, figés dans leur ambiance naturelle, ajoutent à la véracité du film, même chose pour la caméra instable et la présence de vrais professionnels de la santé au lieu d'acteurs déguisés. La musique de Manuel Gasse enrobe joliment le tout.

On rit à quelques occasions, mais l'expérience est avant tout déconcertante, intense.

Même la scène où Joëlle Morin vient récupérer le chien du malade - qui aurait pu être rigolote - s'avère d'une tristesse désarmante.

«J'ai pas peur de mourir, j'ai peur de perdre la vie», philosophe Tavarone, avant le troisième acte, qui nous transporte dans un lit d'un centre de soins palliatifs où, entre deux injections de morphine, la réalité et la fiction finiront par faire un face-à-face brutal.

À vous d'essayer de voir clair dans cette macabre mise en scène romancée ou non, où seules les émotions semblent 100 % authentiques.

* * * 1/2

Mon ami Dino. Documenteur de Jimmy Larouche. Avec Dino Tavarone, Sasha Migliarese, Michel Côté, Joëlle Morin. 1h24.

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Image fournie par Alma Films

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