Le 12 novembre, en prévision de sa sortie en salle six jours plus tard, l'affiche du film Made in France a été placardée un peu partout dans le métro parisien. Le lendemain, des attentats simultanés dans la capitale française ont fait 130 morts et quelque 350 blessés...

Made in France, qui devait prendre l'affiche dans une centaine de salles, n'a jamais été projeté dans les cinémas français, prenant directement le chemin de la vidéo sur demande. Voilà qu'il est enfin présenté sur grand écran, en primeur au Québec.

Le film de Nicolas Boukhrief, tourné avec un budget modeste à l'automne 2014, met en vedette le troublant Dimitri Storoge (vu dans Nuit #1 de la Québécoise Anne Émond) dans le rôle du leader énigmatique d'une cellule djihadiste infiltrée par un journaliste d'enquête musulman (Malik Zidi) en banlieue parisienne.

Le film de Boukhrief, lui-même un ex-journaliste devenu scénariste (Assassin(s) de Mathieu Kassovitz) et cinéaste (Convoyeur, en 2003), s'ouvre sur une scène éloquente dans une mosquée clandestine, où un imam prêche à un jeune public qui boit ses paroles dans une banlieue «sensible», terreau fertile du radicalisme.

Par des jeux de faux-semblants qui brouillent habilement les cartes, le cinéaste s'intéresse aux motivations de chacun - l'extrémisme religieux, la fascination malsaine pour la violence, le désir de vengeance - à travers le zèle des convertis et l'humiliation des plus démunis. Il met en scène l'implosion d'une cellule terroriste tout en brossant un portrait social qui, quoique pertinent et percutant, manque de subtilité.

Le film qu'a tiré Philippe Faucon (La désintégration, en 2011) sur un sujet semblable, la radicalisation des jeunes dans les banlieues françaises, était plus abouti.

Made in France a, cela dit, l'avantage de maintenir une tension propre au polar, exacerbée par les questions d'éthique que posent à Sam (le journaliste) le fait de devenir malgré lui le membre d'un gang criminel qui, les événements se bousculant, tue de sang-froid et menace de faire exploser une bombe sur les Champs-Élysées. Les policiers, insensibles aux appels à l'aide du journaliste, voudront qu'il reste infiltré et leur serve d'indicateur.

Thriller bien mené et efficace qui inspire des questions intéressantes, Made in France souffre en revanche d'un traitement télévisuel sans grande originalité, que n'aide en rien sa fin, aussi improbable qu'alambiquée. On retiendra le fond, troublant de prescience, davantage que la forme.

* * *

Drame. Made in France. De Nicolas Boukhrief. Avec Malik Zidi, Dimitri Storoge, François Civil. 1h29.

> Consultez l'horaire du film

PHOTO FOURNIE PAR AXIA FILMS