Le réalisateur Yves Desgagnés jouait d'audace en transposant au grand écran le Roméo et Juliette de Shakespeare. Si la célèbre oeuvre est gravée à jamais dans l'Histoire, il n'est pas certain que cette adaptation plutôt mièvre marquera la petite histoire du cinéma québécois.

C'est sur fond de guerre des motards que se déroule le Roméo et Juliette, version montréalaise. Les Montaigu et Capulet ont fait place aux Véronneau et Lamontagne, deux familles qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre.

Ce n'est pas dans un bal masqué, mais dans un party rave que les deux jeunes amants se verront pour la première fois. Juliette (Charlotte Aubin), 15 ans, fille d'un éminent juge de la Cour supérieure (Pierre Curzi), et Roméo (Thomas Lalonde), 17 ans, fils du chef d'une bande de motards (Gilles Renaud) emprisonné en attente de son procès, tomberont follement amoureux au premier regard.

Leur amour en sera un impossible, bien entendu, ainsi le veut l'histoire. La raison tient de la logique suivante : une fille de juge ne peut sortir avec un fils de criminel, surtout si ce juge préside le procès de ce criminel. C'est sans compter le frère de Juliette, le révolté Étienne (Danny Gagné) qui sera à l'origine de l'acte qui scellera de façon tragique le sort des deux amoureux.

L'adaptation contemporaine d'Yves Desgagnés et du scénariste Normand Chaurette, aussi fidèle soit-elle à l'oeuvre originale, souffre d'une candeur agaçante. Plusieurs scènes sonnent faux et le rythme du film écope par la bande. Tous ces défauts finissent par entraîner une froideur à l'égard d'une histoire qui devrait au contraire venir nous jouer dans les tripes.

Contrairement à la récente version de Baz Lhurmann, où Leonardo DiCaprio et Claire Danes récitaient Shakespeare dans le texte, les Roméo et Juliette québécois parlent peu, et lorsqu'ils le font, c'est plutôt d'un ton affecté. Le manque d'expérience des deux adolescents est flagrante à plusieurs moments.

Par ailleurs, le personnage de Roméo, poli, lisse, avenant, champion de natation, est pour le moins étrange pour quelqu'un dont le père est une sorte de «Mom» Boucher. Un peu difficile à croire. Le personnage de la grand-mère de Juliette, joué par la vénérable Jeanne Moreau, est intéressant, sans plus.

Par ailleurs, s'il y a une controverse autour de Roméo et Juliette, elle ne réside pas tant dans la scène en temps réel de «la première fois», rendue de façon prude, juste et respectueuse, mais plutôt dans celles où Johanne Fontaine pose à poil pour l'ami de Roméo, dans la plus grande désinvolture. Tout à fait gratuit et inutile.

Tout compte fait, on est loin de la grande histoire d'amour qui transporte à laquelle on s'attendait.

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Roméo et Juliette. Drame. Yves Desgagnés. Avec Thomas Lalonde, Charlotte Aubin, Pierre Curzi, Gilles Renaud, Danny Gagné, Hubert Lemire, Patrice Bélanger, David Michaël, Maude Guérin. Classement : 13 ans. Durée : 1 h 42.

On aime : les personnages de Pierre Curzi et Gilles Renaud.

On n'aime pas : le ton affecté des deux amoureux, les scènes qui sonnent faux, la nudité gratuite, une trame sonore composée exclusivement de chansons en anglais.