Le mystère Poutine. Tel aurait pu être le titre de l’inquiétant documentaire de Jean-Michel Carré sur l’obscur, l’insaisissable, l’intraitable Vladimir Poutine , le petit homme du KGB devenu président de la Russie qui voudrait être le petit père d’une nouvelle Union soviétique dotée de l’arme absolue du gaz et du pétrole, de la bombe énergétique

Le système Poutine trace le portrait troublant d’un illustre anonyme devenu l’ombre de Staline, ce symbole de la puissance soviétique que Poutine a entrepris de ressusciter, comme il a ressorti le drapeau rouge et l’hymne communiste. Ce constant révisionnisme fait dire aux Russes que, dans leur pays, le passé est bien incertain.

Poutine, l’homme sans éclat, se révèle un furieux nostalgique. Ce petit espion vindicatif dévoile son dessein de restauration impériale à la face du monde, qui en reste sans voix. Pourtant, l’histoire a déjà connu ce genre de petit gradé mégalomane ayant bravé l’immobilisme de ses voisins...

Sorti cette année, alors que Poutine est obligé par la Constitution d’abandonner la présidence, le film de Jean-Michel Carré n’en reste pas moins d’une terrible pertinence. Il démontre qu’en parfait hypocrite, Poutine est passé maître dans l’art de contourner les difficultés et de confondre tout le monde. On peut parier qu’il gardera le pouvoir d’une façon ou d’une autre, afin de créer un nouvel empire stalinien et gagner une seconde guerre froide. Ceux qui trouvent ces affirmations alarmistes feraient bien de voir ce documentaire indispensable à la compréhension du XXIe siècle, qui sera énergétique ou ne sera pas.

Celui que ses adversaires (et ses alliés) considéraient comme «totalement insignifiant» se fait aujourd’hui filmer complaisamment dans le grand palais des tsars. La «marionnette des oligarques» s’est muée en gnome diabolique. L’espion que l’on croyait fidèle quitte opportunément le KGB en 1991, à la chute de l’URSS. S’étant faufilé au haut de la hiérarchie, il crée le FSB, clone du KGB, et le charge de poser des bombes dans Moscou. Poutine accuse les Tchétchènes : «Ces gens ne sont pas des êtres humains, mais des animaux enragés!» glapit-il, avant de faire tuer 120 000 indépendantistes tchétchènes. Staline applaudit dans sa tombe. Le petit espion enrôle 100 000 enfants russes dans les «jeunesses poutinennes». Hitler renaît de ses cendres.

L’Ukraine se révolte, Poutine lui coupe l’arrivée du gaz, et les Ukrainiens se soumettent. Bientôt, tous les pays qui dépendent de la Russie pour leur approvisionnement énergétique seront soumis aux volontés de Moscou. Pendant ce temps, au Rabaskakhistan, pays des oligarques québécois, on cherche à se libérer de la dépendance au gaz de l’Ouest canadien pour tomber sous la coupe poutinienne de Gazprom...