Pour son deuxième long métrage, la scénariste et réalisatrice québécoise Maryanne Zéhil a replongé dans son enfance marquée, au Liban, par les massacres des camps de Sabra et Chatila. Trente ans après ces événements, prendre la parole secoue encore bien des choses.

Comme tout réalisateur, Maryanne Zéhil souhaite que son nouveau film, La vallée des larmes, soit vu partout dans le monde. Mais elle sait que dans certaines régions du globe, le long métrage risque davantage de faire des vagues.

Certes, ce n'est pas la première fois qu'un film est consacré au massacre de Palestiniens par des phalangistes chrétiens sous la protection de l'armée israélienne dans les camps de Sabra et de Chatila, en 1982. On pense tout de suite au film d'animation Valse avec Bachir d'Ari Folman. Mais à chaque occasion, des plaies se rouvrent.

« Ça n'a pas été facile à écrire, dit-elle en entrevue. Je sais qu'à certains endroits, il va créer des remous. Lorsque nous sommes allés tourner au Liban, des chrétiens m'ont reproché de remuer cette histoire. Ils m'ont demandé pourquoi parler de cet événement alors que dans cette région du monde, tous ont du sang sur les mains. »

La vallée des larmes évoque, au fil du temps, les massacres de 1982. Marie (Nathalie Coupal) est une éditrice spécialiste des génocides. Un jour, elle commence à recevoir des enveloppes anonymes dans lesquelles Ali (Joseph Antaki), témoin du carnage, raconte son histoire. Lorsqu'elle découvre la réelle identité (Joseph) de ce narrateur dont le parcours se terminera en drame, Marie tentera de remonter le fil de sa vie.

« Marie et Joseph, ce sont deux solitudes qui ne font que se croiser, dit Mme Zéhil. Marie a raté sa vie en raison du conflit vécu avec sa mère. Tandis que Joseph (Ali) est devenu un monstre, parce que modelé par sa mère. Leur rencontre ne change rien à leur destin. »

Mme Zéhil n'avait que 12 ans en 1982. Vivant alors au Liban avec ses parents, elle garde un souvenir déchirant de l'histoire et en fait une analyse crue. « Moi, je ne sais pas ce que c'est, une enfance dans un pays en paix, dit-elle. Lorsqu'on grandit dans un pays en guerre, la violence devient notre quotidien. Mais des événements comme le massacre des camps, ça secoue un peuple. Je me devais de le raconter. »

Charmée par Nathalie Coupal

Avec un budget restreint (1 million), la réalisatrice n'a pas fait de séances de casting. Elle est allée voir directement les artistes qu'elle pressentait pour les différents rôles.

Pour sa sensibilité, elle a tout de suite vu Nathalie Coupal dans le rôle principal. « Il y a une grande richesse derrière la comédienne, soutient-elle. Je voulais une Marie avec plusieurs couches dans sa personnalité. Pas seulement le personnage que l'on voit à l'écran. Et en chemin, j'ai découvert chez Nathalie une personne très drôle et agréable. »

Musicienne accomplie, Mme Coupal signe également la trame sonore du film et a participé à son enregistrement en jouant plusieurs instruments. « Un cadeau extraordinaire », assure Maryanne Zéhil.

Lorsqu'on lui fait remarquer que le cinéma québécois s'attarde, de front ou de biais, aux questions du Moyen-Orient (Incendies, Inch'Allah, Monsieur Lazhar), Mme Zéhil se réjouit.

« De voir des films être consacrés à ces questions permet de créer de nouvelles sensibilités, dit-elle. C'est beaucoup grâce à cette nouvelle génération de cinéastes qui ont envie de témoigner. »

Le long métrage met également en vedette Sophie Cadieux, Nathalie Mallette et Layla Hakim.

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La vallée des larmes sort en salle le 31 août.