L'arrivée sur les écrans de Concussion, avec Will Smith, pourrait faire encore enfler le scandale des commotions cérébrales qui tuent dans le football américain et que la toute-puissante ligue NFL est accusée d'avoir voulu étouffer.

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Le film-événement a été dévoilé en première mondiale mardi à Los Angeles au festival AFI, en présence de son acteur principal et du médecin nigérian qu'il incarne, celui qui a révélé l'affaire.

«Pendant cinq ans, j'ai regardé mon fils jouer au football et je ne savais pas (ce qu'il risquait). Les gens doivent savoir», a expliqué Will Smith après la projection.

«J'ai parlé à de nombreux joueurs professionnels (..) qui ne disposaient pas des informations contenues dans ce film, qui est moins une révélation qu'une compilation» de connaissances scientifiques «dans un emballage artistique», a expliqué à l'AFP le comédien deux fois nommé aux Oscars.

Ce long métrage haletant, produit par Ridley Scott, qui sort en décembre aux États-Unis, retrace l'histoire vraie de Bennet Omalu, médecin légiste et neuropathologiste né au Nigeria.

Lorsqu'il exerçait à Pittsburg, il est le premier à avoir publiquement identifié et dénoncé l'encéphalopathie traumatique chronique (ETC).

Ce trouble cérébral, retrouvé chez de nombreux joueurs professionnels décédés prématurément, est provoqué par les chocs crâniens répétitifs et violents du sport le plus populaire aux États-Unis.

En faisant en 2002 une autopsie poussée de Mike Webster, ex-vedette de l'équipe de football des Pittsburg Steelers, décédé subitement, le docteur Omalu a découvert une accumulation de protéines toxiques provoquées par des chocs crâniens répétitifs.

À terme, elles entraînent des effets proches de la maladie d'Alzheimer.

Dépression et suicide

Mike Webster, après sa carrière sportive brillante, était tombé dans la dépression, la dépendance aux drogues et avait tenté plusieurs fois de se suicider, finissant sa vie dans la déchéance.

D'autres ex-joueurs de calibre comme Terry Long, Andre Waters ou Tom McHale sont également décédés jeunes après avoir souffert de sévères troubles mentaux et Omalu a retrouvé dans leur cerveau les mêmes protéines, identifiant ainsi un danger récurrent.

Le film met en scène la quête têtue de vérité du médecin face à une National Football League (NFL) qui voulait le discréditer et le décourager.

Concussion, qui veut dire commotion cérébrale en français, pourrait faire enfler encore plus un scandale, car la puissante ligue de football américain est accusée d'avoir cherché à dissimuler les dangers de ce sport-roi, non seulement pour les joueurs professionnels mais aussi dans les lycées.

Bennet Omalu, ovationné mardi au festival AFI, qui se termine jeudi, a expliqué avoir misé sur Hollywood après avoir réalisé, des années après le début de sa croisade, que certains joueurs professionnels n'avaient toujours pas idée de ce qu'ils encourraient.

À la fin de Concussion, on lit que «28% des joueurs professionnels souffriront de graves blessures cérébrales, y compris des commotions».

«Je me suis dit qu'Hollywood serait le plus puissant moyen pour raconter la vérité», «un fort vecteur de changement», fait valoir ce médecin surdiplômé, qui vit aujourd'hui en Californie.

Le scandale des commotions cérébrales représente une menace pour la NFL, qui a déjà accepté de payer 765 millions $ pour mettre fin aux poursuites de joueurs professionnels souffrant d'ETC.

Le football américain est une quasi religion aux États-Unis et une industrie sportive colossale qui génère 10 milliards $ de recettes par an entre les tickets, les retransmissions télévisées, les sponsors et autres produits dérivés.

Mercredi, les premières critiques du film réalisé et écrit par Peter Landesman étaient mitigées, Variety l'accusant notamment de clichés et de ne pas être à la hauteur de The Insider, le film de Michael Mann sorti en 1999 sur les méfaits du tabac.

Variety reconnaît toutefois que Concussion, que certains médias avaient accusé d'avoir été édulcoré pour ne pas déclencher les foudres de la NFL, «n'épargne aucun coup de poing» à la puissante organisation.