Il n’y a pas de lien, d’interaction entre les pièces proposées. Mais il y a une expérience commune : les chorégraphes ont entamé le processus de création avant la pandémie et ont dû interrompre le travail pendant quelque temps. Inévitablement, les projets ont évolué pendant cette période.
« Avec le temps, on change toujours en tant qu’être humain, donc c’est sûr que nos idées, nos inspirations vont changer aussi », indique Kristen Céré, chorégraphe de la pièce Déséquilibre délectable, rencontrée dans les studios des Grands Ballets canadiens à quelques jours de la première.
« Il y a deux ans, j’avais peut-être commencé avec une idée en particulier, puis ça a évolué, explique Kristen Céré. J’ai changé de musique, j’ai changé certaines parties. J’avais envie de prendre une autre direction. Pour moi, c’est important de rester réceptif à ces changements. »
Montréalaise d’origine, la chorégraphe a étudié à l’École supérieure de ballet avant d’ouvrir ses ailes et d’aller danser en Europe. Pour elle, il s’agit d’un retour à Montréal. Elle enseigne la danse contemporaine, mais aussi le yoga et la danse adaptée pour les personnes âgées ou les enfants à mobilité réduite. Elle a commencé la chorégraphie à un très jeune âge.
« Il s’agit de s’exprimer, d’utiliser la voix à travers mon corps, de libérer les émotions, de raconter quelque chose de personnel. »
Pour elle, la danse contemporaine a un côté libérateur, expressif, qui correspond bien à sa personnalité.
Quand je fais une création, c’est rarement une histoire que je raconte, ça joue plus sur l’émotion. Cette pièce-ci est inspirée par le côté humain : on a un côté sombre où on a un peu plus de vulnérabilité, qu’on n’a pas envie de montrer.
Kristen Céré, chorégraphe de la pièce Déséquilibre délectable
S’adapter
Déséquilibre délectable s’agence bien avec Beguile, une chorégraphie de Lesley Telford, une artiste de la Colombie-Britannique qui a aussi étudié à l’École supérieure de danse du Québec. Elle y explore le besoin d’interactions et l’importance de l’empathie.
Le chorégraphe australien Cass Mortimer Eipper a choisi une voie différente avec Substrat, une pièce énergique qui dépeint un monde dystopique, mais où se glisse un peu de tendresse, le temps d’un extrait du Carmen de Georges Bizet.
« Je voulais créer quelque chose qui puisse intriguer et émouvoir les gens, qui les aide à réfléchir sans être didactique. »
Il raconte comment Ivan Cavallari, alors directeur artistique du West Australian Ballet, lui avait donné la chance de goûter à la chorégraphie. Maintenant directeur artistique aux Grands Ballets, M. Cavallari lui a proposé de créer une pièce pour cette compagnie.
Cass Mortimer Eipper avait quelques appréhensions. Les danseurs classiques peuvent avoir certaines difficultés à s’adapter au processus de création en danse contemporaine, un processus pas nécessairement très linéaire. Mais ce n’était pas le cas pour les danseurs des Grands Ballets.
J’ai eu un grand soupir de soulagement. C’est un groupe de danseurs très impressionnant, ils sont très polyvalents. Ils ont beaucoup d’expérience en danse contemporaine. Pour moi, c’était très gratifiant, c’était un véritable luxe.
Cass Mortimer Eipper, chorégraphe de Substrat
Cass Mortimer Eipper a lui-même une formation en ballet classique, mais il s’est rapidement découvert des affinités avec la danse contemporaine.
« Le ballet classique a tendance à être un répertoire de formes esthétiquement plaisantes, et des façons de passer d’une forme à une autre. Pour moi, un tel répertoire de formes n’existe pas pour la danse contemporaine, il s’agit plutôt d’une exploration infinie des mouvements qu’on peut créer avec le corps. Il n’y a pas de limites. C’est un terrain de jeu beaucoup plus vaste. »
Le quatrième jeune chorégraphe du programme des Grands Ballets, l’Américain Roddy Doble, est quant à lui un amoureux du ballet classique. Premier danseur aux Grands Ballets, il se passionne pour les grands rôles pour homme qu’on trouve dans le répertoire, comme dans Giselle, La Bayadère, Roméo et Juliette ou Don Quichotte.
C’est ainsi que le pas de deux qu’il a créé, Crater, est davantage de facture néo-classique que contemporaine.
« Comme je suis encore nouveau dans le monde de la chorégraphie, je me suis donné une tâche raisonnable, sur une musique magnifique [l’adagio du Concerto en ré mineur de Jean-Sébastien Bach d’après Alessandro Marcello], affirme-t-il. Comme ma pièce ne fait que cinq minutes, il n’y a pas d’histoire en tant que telle.
« Je blague en disant qu’au pire, si on n’aime pas la pièce, on peut fermer les yeux et écouter simplement la musique. »
Ce serait toutefois étonnant. Deux couples présenteront ce pas de deux selon les soirées : Roddy Doble lui-même avec Rachele Buriassi, puis Mai Kono et Graeme Fuhrman.
Consultez le site de l’évènementUltraviolet
Théâtre Maisonneuve, Du 27 avril au 6 mai